La faute à pas de chance
Comme il ne viendrait à l'idée de personne, au lendemain d'un réveillon bien arrosé, de se jeter sur la revue Science pour soulager son mal aux cheveux, les résultats des travaux réalisés par une équipe de chercheurs sur les causes de cancer ne doivent qu'à leur originalité l'opulente médiatisation dont ils ont bénéficié.
Quoi de plus réparateur pour des consciences et des foies barbouillés que d'apprendre que nos 355.000 nouveaux cas de cancers hexagonaux seraient en effet davantage dus à la malchance qu'à nos modes de vie erratiques?
Pour beaucoup, cela aura au moins permis de gagner du temps en provoquant l'abandon, plus rapide encore qu'à l'habitude, des bonnes résolutions traditionnellement prises post-libations et censées nous conserver en forme jusqu'au nouvel an prochain.
Les professionnels de la santé s'émeuvent et craignent une grande vague de déresponsabilisation. Ils ne perçoivent que le mauvais côté des choses car le regard sur le cancer va pouvoir profondément changer. Par exemple, 30.000 personnes disparaitront cette année de simple malchance pulmonaire, 17.500 de déveine colorectale, 11.000 de guigne cutanée ; pour ne citer que les plus poisseux.
Finis, les pénibles sevrages tabagiques, terminées les insupportables balades en famille, les fruits au dessert, la bouteille de flotte sur la table. La chance sourit aux audacieux…
Mais comment savoir si on a vraiment la baraka et être certain de passer au travers, même sans footing et sans haricots verts ? Très simple : en voiture, choisissez un carrefour réputé peu fréquenté, buvez quelques verres pour vous donner de la vaillance, fermez les yeux et foncez. Si vous arrivez de l'autre côté sans encombre 10 fois de suite, c'est normal il n'y a jamais personne à cet endroit. Sinon, c'est la faute à pas de chance.
Jacques DRAUSSIN
L'étude américaine a au moins le mérite de justifier les campagnes de dépistage organisé. Une chance de traiter tôt un cancer qu'on aurait eu la malchance de contracter…
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