Nora ANSELL-SALLES

mercredi 3 février 2016

LES ADJUVANTS VACCINAUX - Rapport

ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE

Rapport, 26 juin 2012






LES ADJUVANTS VACCINAUX





Pierre Bégué, Marc Girard, Hervé Bazin, Jean-François Bach.

Commission VII (maladies infectieuses et médecine tropicale)


Les adjuvants restent indispensables à la plupart des vaccins, notamment les plus purifiés, ainsi qu’en toute probabilité aux vaccins du futur. Leur rôle est de stimuler les mécanismes de l’immunité innée afin d’activer les cellules qui produisent la réponse immunitaire adaptative. L’aluminium présent dans les adjuvants vaccinaux est sous une forme particulière répondant à des normes physico-chimiques très précises. Des recommandations officielles (OMS, FDA) ont fixé, à partir de l’expérimentation animale, des valeurs sécuritaires pour l’aluminium alimentaire : le taux minimal de risque ou MRL (minimal risk level ) a été fixé à 1 mg/Kg/jour. Les vaccins du calendrier vaccinal contiennent une dose d’aluminium réglementaire inférieure à 0,85 mg/dose.
Un travail expérimental, utilisant de l’aluminium marqué, a montré que la quantité d’aluminium apportée par les vaccins injectés aux nourrissons dans le cadre du calendrier vaccinal demeure très inférieure à la dose de sécurité minimale définie pour l’alimentation. Même si de très faibles quantités d’aluminium se retrouvent dans le tissu cérébral, la relation lointaine entre aluminium et maladie d’Alzheimer fait débat depuis des décennies sans qu’aucune preuve n’ait pu être apportée. En particulier, chez les hémodialysés décédés d’encéphalopathie et chez l’animal d’expérience à qui on a injecté de l’aluminium, les lésions cérébrales ne sont pas celles de la maladie d’Alzheimer. Dans la myofasciite à macrophages, les troubles cognitifs publiés ne correspondent pas non plus à ceux de la maladie d’Alzheimer. Aucune preuve de toxicité neurologique imputable à l’aluminium de l’alimentation ou des vaccins n’a pu encore être fournie à ce jour.
Les adjuvants non aluminiques nouveaux et/ou en cours d’investigation ne sont pas destinés à remplacer les sels d’aluminium, mais à permettre d’élaborer des vaccins nouveaux contre des maladies telles que le paludisme, l’infection à VIH, la tuberculose ou certains cancers. Les différents adjuvants ne sont pas interchangeables et demeurent spécifiques de tel ou tel vaccin. Pour ce qui concerne le phosphate de calcium, qu’on a proposé pour remplacer l’aluminium, les études d’efficacité ont donné des résultats variables, voire contradictoires. Le débat reste donc ouvert et des travaux supplémentaires seraient souhaitables. Si la recherche s’orientait vers le remplacement de l’aluminium dans les vaccins, la substitution ne pourrait se faire qu’après de longs et nombreux essais, contrôles, et études cliniques qui nécessiteraient plusieurs années (environ 5 à 10 ans).
L‘analyse détaillée des conditions nécessaires à la provocation d’une maladie auto-immune n’apporte aucune preuve à ce jour permettant d’incriminer les vaccins ou les adjuvants. Tout moratoire portant sur la non-utilisation des adjuvants aluminiques rendrait impossible, sans pourtant aucun argument probant, la majorité des vaccinations. La résurgence des maladies prévenues par ces vaccins entraînerait par contre, et de façon certaine, une morbidité très supérieure à celle, hypothétique, des maladies auto-immunes ou neurologiques imputées à la vaccination.




Introduction
Les adjuvants vaccinaux sont indispensables à l’efficacité de très nombreux vaccins. Les plus utilisés sont les sels d’aluminium, mais depuis quelques années de nombreux adjuvants nouveaux ont été développés. L’Académie nationale de médecine a porté sa réflexion sur ce sujet, car les adjuvants vaccinaux sont devenus une préoccupation pour le public et les médias, notamment depuis la campagne de vaccination contre la grippe H1N1 en 2009, avec des craintes et des questions sur leur nature et leur utilité.
Dans le même temps, un débat s’est installé dans les médias autour de l’aluminium et, en particulier, de l’aluminium des adjuvants vaccinaux. Il est né, en partie, des travaux sur la myofasciite à macrophages (MFM) et de l’hypothèse de son association éventuelle à des troubles neurologiques ou cognitifs. Le rôle éventuel que jouerait l’aluminium vaccinal dans le développement de troubles neurologiques dégénératifs ou de maladies auto-immunes est à la source d’interrogations, qui ont très récemment conduit un groupe de députés de l’Assemblée nationale à réclamer un moratoire sur les vaccins contenant de l’aluminium. Enfin, la place des nouveaux adjuvants et leur capacité à remplacer les adjuvants aluminiques méritent aussi des éclaircissements.

1.      Les adjuvants vaccinaux sont-ils nécessaires, en particulier ceux comportant de l’aluminium ?
2.      Que sait-on actuellement du cheminement de l’aluminium vaccinal dans l’organisme humain ?
3.      Existe-t-il des preuves établies d’une possibilité de toxicité neurologique de l’aluminium vaccinal ?
4.      Quels sont les nouveaux adjuvants vaccinaux, leur utilité, leur toxicité éventuelle ?
5.      L’auto-immunité due aux adjuvants est-elle une menace réelle ?

De la nécessité des adjuvants vaccinaux

Historique
Aucun des premiers vaccins: vaccine, premiers vaccins pastoriens, rage, ne nécessitait d’additif supplémentaire pour exercer leur activité car ils étaient à base de corps entiers de virus ou de bactéries. C’est avec la production des sérums antitétanique et antidiphtérique chez le cheval que l’on constata l’insuffisance de la réponse immunitaire aux injections d’ anatoxines, très purifiées, et que la notion d’adjuvant se fit jour. A la suite de nombreuses observations sur la production du sérum antidiphtérique Gaston Ramon avait conclu en 1925 que la production d’antitoxines par les chevaux, en cours d’immunisation, était meilleure lorsque l’on générait des abcès ou des réactions inflammatoires chez l’animal. Il se tourna alors vers des substances diverses, appelées adjuvants, qui amélioraient fortement la réponse en anticorps si elles étaient injectées en même temps que l’antigène [1]. En 1926, Glenny. et coll découvrirent les propriétés adjuvantes des sels d’aluminium: l’addition d’alun de potassium à l’anatoxine diphtérique augmentait considérablement les titres en antitoxines des sérums d’animaux inoculés avec ce produit par comparaison avec le même inoculum sans alun [2]. Les essais chez l’homme eurent lieu peu après avec le même résultat.

Mode d’action des adjuvants
Les vaccins ont pour but d’induire chez un hôte, sans lui nuire, les réactions immunes protectrices qu’il développe normalement en réponse à une attaque par un agent pathogène. Tout vaccin est constitué d’une partie antigénique spécifique de l’agent pathogène, cible fondamentale du vaccin, qui provoque une réponse des lymphocytes T (réponse cytotoxique) et B (anticorps) spécifique et la production de cellules mémoire. L’ensemble constitue la réponse d’immunité adaptative. Mais, pour être efficace, le vaccin doit d’abord stimuler les mécanismes de l’immunité innée qui ont pour rôle d’activer les cellules qui produisent la réponse immune acquise adaptative : c’est le but des adjuvants.

Sans « adjuvant », de nombreuses molécules étrangères au soi sont peu ou pas immunogènes. L’obtention d’un anticorps spécifique après l’inoculation d’un antigène à un organisme vertébré, nécessite un adjuvant pour améliorer la réponse immune. C’est même une « obligation » absolue, et non pas seulement une « aide », pour obtenir des anticorps contre un peptide ou contre un haptène. Pour induire une réponse immune efficace, le vaccin doit donc stimuler le système de l’immunité innée par un premier signal, indispensable pour obtenir la réponse du système d’immunité adaptative [3](cf ci-dessous).
Chez l’homme, pendant longtemps, les immunologistes se sont essentiellement intéressés aux réponses immunitaires humorales (anticorps) obtenues avec des vaccins adjuvés aux sels d’aluminium, qui étaient alors les seuls adjuvants autorisés par les autorités en charge de la mise sur le marché des vaccins. En revanche, les réponses d’immunité cellulaire n’ont été que peu étudiées, au moins jusque dans les années 1960, du fait de l’ ignorance de leurs caractéristiques[4].
On sait aujourd’hui que les sels d’aluminium induisent de bonnes réponses d’immunité humorale (lymphocytes B et lymphocytes Th2 CD4 ). En revanche, ils induisent peu ou pas de réponses d’immunité cellulaires (lymphocytes Th1 CD8 cytotoxiques). Les progrès obtenus dans l’induction des réponses cellulaires sont en grande partie dus à la mise au point de nouveaux adjuvants, qui ont permis de moduler les réponses immunes et d’obtenir de meilleures réponses cellulaires .

Tolérance des adjuvants vaccinaux
Les différentes critiques et hypothèses concernant la tolérance des adjuvants vaccinaux portent sur deux questions principales :La mauvaise tolérance de l’aluminium à qui l’on prête un rôle majeur dans la myofasciite à macrophages et dans des maladies neurologiques ; et, pour tous les adjuvants, leur implication hypothétique dans des maladies auto-immunes.

Tolérance des adjuvants aluminiques
Les effets immuno-allergiques locaux
Les granulomes ou les « pseudo-abcès » au point d’injection vaccinale sont bien connus, ils sont plus fréquents avec les injections sous-cutanées qu’intramusculaires. Ce sont des nodules de taille variable pouvant persister plusieurs semaines ou mois. Ils sont interprétés comme une réaction à corps étranger plutôt qu’une allergie à l’aluminium. Il existe aussi des réactions très importantes à type de tuméfactions étendues, pseudo-phlegmonneuses, mais bénignes, peut- être liées à la production d’IgE sous l’influence de l’aluminium [46].

La myofasciite à macrophages.
En 1998 une équipe de chercheurs français a décrit la myofasciite à macrophages (MFM) caractérisée par une lésion inflammatoire localisée au seul point d’injection où l’on retrouve
des cristaux d’aluminium [47]. Des études microscopiques et des microanalyses ont mis en évidence des cristaux d’aluminium de façon très localisée au niveau des macrophages de la lésion mais jamais à distance ou dans d’autres tissus. Des macrophages recrutés dans le muscle, phagocytent l’hydroxyde d’aluminium et peuvent persister sur le site de vaccination pendant plusieurs mois, voire plusieurs années [48, 49, 50].
Cette lésion microscopique siège toujours dans la région d’une vaccination antérieure, donc au niveau du muscle deltoïde gauche qui est de loin en France le muscle le plus souvent prélevé pour une biopsie musculaire en cas de maladies ou de doléances à composante musculaire. En revanche, dans les pays anglo-saxons, le biceps est le muscle le plus fréquemment biopsié.
Ces chercheurs ont relié cette lésion locale particulière à un syndrome comportant fatigue chronique, douleurs musculaires et arthralgies. Ils l’ont imputé à l’aluminium de l’adjuvant vaccinal. Le rôle de l’aluminium dans la myofasciite à macrophages a été examiné par le Comité consultatif pour la sécurité des vaccins de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il a conclu « à un lien de causalité probable » entre l’hydroxyde d’aluminium des vaccins et la lésion histologique de myofasciite à macrophages (OMS 1999). Mais, les données disponibles alors ne permettaient pas de conclure sur l’association éventuelle entre la lésion histologique et des signes cliniques généraux spécifiques. Une étude conduite plus tard avec l’AFSSAPS, en 2004, a conclu à l’absence de relation entre ces signes systémiques et la lésion histologique [51]. Cette lésion apparaît donc comme une trace de l’injection de vaccin : c’est un tatouage vaccinal [52]. L’étude de Verdier chez le singe [50] a retrouvé le même type de lésion macrophagique au point d’injection pour les deux adjuvants hydroxyde d’aluminium et phosphate d’aluminium. La lésion peut se prolonger durant de nombreux mois. Il n’y a pas d’autre lésion de ce type sur les biopsies faites à distance du point d’injection vaccinale. Cependant, il faut expliquer pourquoi les cas de MFM publiés demeurent rares au regard de l’utilisation très étendue des adjuvants aluminiques. Ils sont plus fréquents en France car ils s’observent essentiellement chez des adultes qui ont connu la vaccination massive contre l’hépatite B pendant les années 1995-1997. On a avancé l’hypothèse d’une susceptibilité génétique chez des sujets porteurs du groupe HLA DRB1- 01, fréquent dans l’arthrite rhumatoïde [53]. Accompagnant cette entité musculaire purement anatomo-pathologique, des neurologues ont décrit chez la plupart des patients présentant une MFM une dysfonction cognitive qui semble stable avec le temps, caractérisée par un syndrome dysexécutif, des troubles de la mémoire visuelle, un syndrome de dysconnection inter-hémisphérique, mais cette étude a été réalisée sans groupe témoin (sujets normaux du même âge) [54,55]. L’imagerie cérébrale ne permet pas, pour sa part, de confirmer une perturbation cognitive éventuelle.

Neuro-toxicité de l’aluminium
Elle est surtout connue et redoutée depuis la constatation d’encéphalopathies chez des insuffisants rénaux hémodialysés et chez des personnes travaillant dans l’industrie de l’aluminium. En outre, depuis de nombreuses années on étudie aussi la relation possible entre l’aluminium et des maladies neurologiques chroniques, en particulier la maladie d’Alzheimer. L’eau de boisson a été suspectée dans certaines régions mais les études publiées ne sont pas probantes, d’après l’analyse des publications faites lors de l’expertise collective par l’Institut de la veille sanitaire, l’Afssa et l’Afssaps [10].
On sait depuis les années 1920 que le caractère neurotoxique de l’aluminium se traduit par l’apparition de troubles de la mémoire. De nombreuses publications ont concerné le rôle éventuel de l’aluminium en tant que facteur aggravant, voire responsable, d’autres maladies « neurodégénératives » du système nerveux : sclérose latérale amyotrophique, démence et maladie de Parkinson (île de Guam), syndrome de la guerre du Golfe, en particulier. Le(s) mécanisme(s) de la maladie d’Alzheimer reste(nt) inconnu(s). Le caractère neurotoxique de l’aluminium et son potentiel à induire des troubles de la mémoire et éventuellement des déficiences cognitives plus larges, ont pu faire suspecter son rôle dans la maladie d’Alzheimer. Des discussions comparables à l’égard d’autres métaux (cuivre, zinc) existent de façon récurrente. En 1980 l’équipe de Wisniewski montra que l’aluminium injecté dans le cortex du cerveau du lapin induisait des lésions de type dégénérescence neurofibrillaire, comparables à celles que l’on observe dans la maladie d’Alzheimer[55]. Néanmoins, il a été prouvé, par la suite, que ces lésions étaient non spécifiques, car non Tau positives [56]. Dans le cerveau de patients décédés d’encéphalopathie liée à l’hémodialyse (donc d’évolution chronique), il n’a pas été observé non plus de lésions caractéristiques d’une maladie d’Alzheimer, ni plaques séniles, ni dégénérescences neuro-fibrillaires. Des constatations identiques ont été faites sur des souris transgéniques dont les gènes étaient modifiés de façon à provoquer l’apparition de plaques séniles et de dégénérescences neuro-fibrillaires identiques à celles de la maladie d’Alzheimer ; il n’a pas été observé de différences entre les souris consommant de l’eau chargée en aluminium et les témoins consommant de l’eau ionisée [57]. Il a été constaté, à plusieurs reprises, que chez l’animal, la consommation d’eau de boisson à forte teneur en aluminium, de façon chronique et précoce (avant la mise bas), entraînait des concentrations élevées d’aluminium dans les hippocampes et des anomalies électrophysiologiques correspondant à des perturbations des mécanismes de transmission pré- et post-synaptique chez les nouveau-nés sans pourtant qu’on observe de lésions microscopiques caractéristiques de la maladie d’Alzheimer.

On a aussi proposé des traitements chélateurs pour éliminer l’aluminium, modalité thérapeutique qui n’a pas obtenu de résultats convaincants chez des patients atteints de maladie d’Alzheimer. En conclusion, il existe un consensus pour considérer l’aluminium comme un produit neurotoxique de façon aiguê, lors d’une forte ingestion et en cas de consommation chronique à des dosages élevés. En cas de neurotoxicité confirmée, les troubles cognitifs, en particulier de la mémoire, restent stables lors de l’arrêt de l’intoxication.

Neurotoxicité des adjuvants aluminiques
L’équipe de chercheurs français étudiant la MFM a rapporté en 2009 et 2011, sur de courtes séries, des troubles des fonctions cognitives chez les malades ayant une MFM, l’hypothèse invoquée étant celle d’une atteinte neurologique en partie due à l’aluminium [54,55].
D’autres auteurs invoquent aussi la fragilité des nourrissons et des jeunes enfants qui reçoivent une quantité d’aluminium importante du fait des nombreuses vaccinations à cet âge [58]. On a évoqué, à l’appui de cette hypothèse, une possible toxicité neurologique de l’aluminium des solutés de nutrition parentérale chez les nouveaux-nés. Cependant le mode de diffusion des sels d’aluminium perfusés par voie IV est très différent de celui qui s’opère au cours de l’absorption de l’hydroxyde d’aluminium des adjuvants [59]. Le rôle hypothétique des adjuvants aluminiques dans l’étiologie de l’autisme a aussi été évoqué, mais sans aucune preuve [60]. Les mêmes équipes redoutent surtout des complications neuro-dégénératives lointaines, telles que la maladie d’Alzheimer [61]. Sur ce point, et comme exposé plus haut, l’expérimentation animale montre une présence d’aluminium bien plus faible dans le cerveau que dans les autres organes [15] et que la quantité d’aluminium introduite par une vaccination dans l’organisme reste très faible au regard des autres sources quotidiennes et l’élimination est très importante et prolongée dans le tissu interstitiel [5,15]. Mais la présence de ce métal dans le cerveau pourrait jouer un rôle, comme celle d’autres métaux, dans le changement de conformation de la bêta-amyloïde impliquée dans la pathogénie de la maladie d’Alzheimer. A ce jour cette hypothèse demeure controversée et rien ne démontre le rôle éventuel de l’aluminium [62]. Par ailleurs, force est de reconnaître que les rares injections intra-musculaires de petites doses d’aluminium vaccinal ne pourraient être tout au plus responsables que de troubles cognitifs inconstants, mal systématisés et ne correspondant ni par leur caractéristiques cliniques, ni par leur évolution, à ceux observés dans la maladie d’Alzheimer.

Tolérance des adjuvants non aluminiques
La question de la sécurité des adjuvants non aluminiques a été posée à plusieurs reprises, surtout lors de la campagne de vaccination mondiale contre la souche pandémique A (H1N1) 2009. Il convient de rappeler que tous les vaccins avec adjuvants sont soumis à des tests de toxicité rigoureux et répétés sur l’animal, y compris des tests de génotoxicité et tératogénicité, avant d’être étudiés chez l’homme en Phase I, II, et III. Les vaccins A(H1N1) 2009 adjuvés avec des émulsions huile dans l’eau à base de squalène (MF59
multiples études d’innocuité dans le monde entier au sein de cohortes d’enfants, d’adolescents, d’adultes, de femmes enceintes ou de personnes âgées. On a pu vérifier par ailleurs leur sécurité au cours des campagnes de vaccination de l’année 2009-2010. Depuis 1997, plus de 22 millions de doses de vaccin antigrippal adjuvé au MF59 ont été administrées dans le monde sans problème de sécurité. D’une manière générale, aucun effet secondaire grave n’a été relaté jusqu’ici avec les adjuvants huile dans l’eau et seuls des effets d’intensité faible à modérée, du type douleur, rougeur, induration au point d’inoculation, ou maux de tête et fièvre passagère, ont été notés. Aucune recrudescence du syndrome de Guillain-Barré n’a été observée avec les divers vaccins Influenza pandémiques adjuvés [63,64]. Les cas de narcolepsie recueillis à cette époque sont analysés plus loin.




Adjuvants et maladies auto-immunes
La survenue d’une maladie auto-immune est parfois considérée comme un effet secondaire potentiel des vaccins et, plus particulièrement, des adjuvants qu’ils contiennent. Il est vrai, sur un plan théorique, que l’injection d’un adjuvant pourrait induire une auto-immunité. Cependant, l’apparition d’une maladie auto-immune après une vaccination n’a jamais été formellement démontrée et aucun des faits sur lesquels repose cette inquiétude ne résiste à une analyse approfondie. ) ont fait l’objet de

Peut-on induire une maladie auto-immune par l’administration conjointe d’un antigène et d’un adjuvant ?
On sait, depuis plus de cinquante ans, que l’injection d’auto-antigènes, molécules constituantes des divers organes, en présence de certains adjuvants, peut induire une authentique maladie auto-immune contre l’organe contenant l’antigène en question. C’est ainsi que l’on peut induire une encéphalomyélite allergique expérimentale avec la protéine basique de la myéline, une thyroïdite avec la thyroglobuline, une myasthénie avec le récepteur de l’acétylcholine ou une arthrite avec le collagène. Tous les adjuvants ne permettent pas l’induction de telles maladies. L’adjuvant le plus couramment utilisé dans ces modèles expérimentaux développés dans plusieurs espèces, en particulier la souris, le rat et le singe, est l’adjuvant complet de Freund qui est à base de mycobactéries tuées. La maladie auto- immune peut ressembler à la maladie humaine concernée à la différence près que, dans la majorité des cas, elle guérit spontanément en quelques semaines, probablement en raison d’une réaction d’immunorégulation active. Il ne s’est jamais révélé possible, en dépit de nombreuses tentatives, d’induire une maladie auto-immune expérimentale avec certains antigènes et plus généralement contre certains organes. C’est, en particulier, le cas du pancréas endocrine contre lequel une auto-immunisation expérimentale, contre l’insuline ou des extraits de pancréas, n’a jamais abouti à l’apparition d’un diabète insulino-dépendant.
A la réserve près de la nature de l’adjuvant, il y a donc en théorie la possibilité qu’un vaccin induise une maladie auto-immune si l’adjuvant vient au contact d’un auto-antigène d’organe ou d’une molécule qui lui ressemble sur le plan stuctural (mimétisme moléculaire).
Plusieurs remarques essentielles s’imposent:
·       les maladies auto-immunes expérimentales ne surviennent que chez certains animaux présentant une susceptibilité génétique particulière,
·      une deuxième injection de l’auto-antigène (en quelque sorte un rappel vaccinal) n’induit pas de rechute de la maladie probablement en raison des phénomènes d’immunorégulation cités plus haut,
·      la survenue de la maladie auto-immune nécessite l’utilisation de doses très significatives d’auto-antigène, de loin supérieures à celles des antigènes dans les vaccins, surtout si l’on considère que l’antigène du vaccin ne peut agir que par réaction croisée,
·      l’utilisation isolée d’adjuvants sans auto-antigène n’induit pas de maladies auto- immunes ce qui aurait pu être concevable (mais n’a jamais été observé) dans la mesure  où les antigènes des muscles ou de la peau, au contact desquels l’adjuvant est placé, auraient pu engendrer une réaction auto-immune anti-muscles ou anti-peau. La seule exception à cette règle mais qui n’a rien à voir avec les adjuvants utilisés dans les vaccins chez l’homme est l’adjuvant complet de Freund dont l’injection répétée peut induire une arthrite inflammatoire. C’est une situation bien différente de celle des vaccins utilisés chez l’homme ou l’animal car les mycobactéries de l’adjuvant de Freund contiennent de grandes quantités de protéines de choc thermique à l’origine de l’arthrite,
·      de façon inattendue l’administration isolée, chez la souris, d’adjuvants agissant par la stimulation des récepteurs TLR non seulement n’induit pas de maladies auto-immunes mais peut prévenir la survenue d’une maladie auto-immune spontanée comme le diabète insulinodépendant de la souris NOD.


En conclusion, on peut certes expérimentalement induire une maladie auto-immune par l’administration délibérée d’un auto-antigène en présence d’un adjuvant puissant. Encore faut-il que la quantité d’auto-antigènes (ou de molécules présentant un mimétisme structural avec un auto-antigène) soit suffisante.

Approches méthodologiques pour retenir la responsabilité d’un adjuvant
Avant d’affirmer qu’un adjuvant peut induire une maladie auto-immune, il faut réunir plusieurs critères.
            a) une relation chronologique doit être établie entre l’administration du vaccin et la survenue de la maladie avec un délai raisonnable entre les deux événements : quelques semaines à quelques mois si on se réfère aux modèles expérimentaux ou plus généralement à la cinétique des réponses immunitaires ;
            b) des analyses épidémiologiques démontrant que cette relation n’est pas la conséquence d’une simple coïncidence. Il est prévisible qu’en vaccinant un très grand nombre d’individus on observera chez certains d’entre eux l’apparition d’une maladie auto- immune comme cela est le cas dans une population non vaccinée ;
c) la recherche d’une explication physiopathologique plausible plus précisément immunologique, est souhaitable, mais elle n’est pas indispensable si les arguments épidémiologiques sont démonstratifs.
Dans la pratique, selon les recommandations du Comité de Sécurité des Vaccins de l’Organisation Mondiale de la Santé, la démarche implique, à la réception d’une alerte signalant l’apparition de manifestations cliniques pouvant relever d’une maladie auto-immune après une vaccination, de valider les données cliniques, de rechercher activement des données de confirmation, et de mettre en place des études épidémiologiques comparant une population vaccinée à une population témoin non vaccinée, idéalement de façon prospective à grande échelle comme cela est réalisé pour les nouveaux vaccins, éventuellement de façon rétrospective avec tous les biais que cela peut comporter.

Situations incriminées

Vaccin contre l’hépatite B et sclérose en plaques
Il a été rapporté, dans les années 90, que des cas de sclérose en plaques avaient été observés après vaccination contre l’hépatite B en France, à l’issue d’une importante campagne de vaccination qui avait concerné plusieurs millions d’enfants et surtout de jeunes adultes. La question fut posée de savoir si ces cas de sclérose en plaques n’étaient pas la conséquence de la vaccination. Pour soutenir cette possibilité, certains avaient fait la remarque qu’il existe une identité de séquence d’acides aminés entre la protéine HBs contenue dans le vaccin et la protéine basique de la myéline, ce qui peut suffire pour induire une encéphalomyélite allergique expérimentale dans certaines souches de souris en présence de certains adjuvants. En fait, l’homologie de séquence ne porte que sur sept acides aminés ce qui n’est vraisemblablement pas suffisant.Très rapidement, l’attention se concentra sur la validité épidémiologique des données présentées, au-delà de l’émoi compréhensible suscité par ces affirmations largement reprises dans la presse française (à quelques très rares exceptions près la controverse fut limitée à notre pays). Deux articles majeurs portant sur des centaines de sujets furent publiés dans le New England Journal of Medicine rapportant des comparaisons avec des groupes de sujets non vaccinés présentant les mêmes caractéristiques démographiques. Aucune de ces études n’apporta d’arguments soutenant l’hypothèse d’un lien entre la vaccination anti-HBs et la sclérose en plaques [65,66]. En 2008 un article portant sur des enfants concluait de même à l’absence de lien significatif entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques. L’article suscita néanmoins une controverse car l’étude rétrospective de sous-groupes, recevant différents vaccins, suggérait la possibilité d’un lien [66]. L’analyse approfondie de l’ensemble des données par le Haut Conseil de Santé Publique et par le Comité des Vaccinations du Ministère de la Santé conduisit à la conclusion qu’il n’y avait pas d’arguments scientifiques en faveur d’un lien entre la vaccination et la sclérose en plaques et recommanda de continuer les vaccinations [68,69].
En conclusion, rien ne prouve aujourd’hui que la vaccination contre l’hépatite B expose au risque de sclérose en plaques. Prétendre que cette relation est un fait représente une forme de contre-vérité avec de graves effets délétères. En premier lieu, elle plonge dans le désarroi des malades atteints de sclérose en plaques et ayant été vaccinés ou leur famille. En second lieu, elle freine l’extension d’une vaccination contre une maladie hautement contagieuse représentant un risque sérieux et donnant lieu à une morbidité et une mortalité significative par hépatite fulminante, cirrhose ou cancer du foie, et dont il est possible de modéliser l’augmentation de fréquence sous l’effet de la régression de la vaccination en France.

Vaccin contre la grippe et syndrome de Guillain-Barré
Il avait été rapporté en 1976-77 que des cas de Guillain-Barré étaient apparus à la suite d’une campagne de vaccination contre un virus de la grippe aux Etats-Unis, vaccin sans adjuvant. Le nombre de cas succédant à la vaccination fut comparé à celui observé dans une population témoin non vaccinée rétrospective. Certes, une différence significative fut alors observée mais deux arguments jetèrent un doute sur l’interprétation des résultats.
-En premier lieu, la constitution du groupe témoin fut contestée ;
-En second lieu, le vaccin utilisé ne contenait pas d’adjuvant, comme c’est le cas pour tous les vaccins contre la grippe utilisés aux Etats-Unis.
En tout état de cause, des études extensives furent entreprises dans les pays anglo-saxons de façon
prospective pour rechercher un lien possible entre vaccination contre la grippe et syndrome de Guillain-Barré. Comme l’indiquent clairement les articles publiés, ce lien ne fut pas confirmé [70].

Vaccin contre la grippe et narcolepsie
Les autorités réglementaires ont récemment été alertées par l’apparition de symptômes neurologiques de narcolepsie survenant à des temps variables après vaccination avec le vaccin H1N1 2009 Pandemrix chez des enfants et adolescents de 4 à 19 ans. Aucun cas n’a été signalé chez les enfants de moins de quatre ans ni chez les adultes (>19ans). Ces effets neurologiques ont surtout été observés en Finlande, mais plusieurs autres pays européens dont la Suède en ont également fait état. En France, on a recensé quelque 18 cas de narcolepsie depuis 2009, survenus essentiellement après vaccination avec le vaccin  H1N1 pandémique adjuvé avec du squalène (Pandemrix ), mais à des temps extrêmement variables après la vaccination. La narcolepsie est une maladie comportant des troubles du sommeil, des périodes de somnolence soudaine éventuellement associées à une cataplexie, c’est-à-dire une perte brutale du tonus musculaire souvent à la suite d’une émotion. De nombreux arguments militent en faveur d’une origine auto-immune de la maladie en particulier l’association quasi constante à certains antigènes HLA et la présence d’auto-anticorps dirigés contre certaines structures cérébrales ainsi que l’effet favorable dans certains cas des traitements par des immunoglobulines intraveineuses.
Les autorités réglementaires européennes n’ont pas réussi pour l’instant à tirer une conclusion sur une éventuelle relation de cause à effet entre la vaccination et l’apparition d’un épisode de narcolepsie. Il n’existe pas d’études comparatives avec un groupe témoin dignes de foi. En outre, il est frappant de remarquer que la grande majorité des cas n’a été observée qu’en Scandinavie. Mais l’épidémiologie de la maladie est mal connue et la possibilité a été évoquée par les spécialistes d’éléments endémiques. Cette situation mérite un suivi attentif.

Syndrome inflammatoire associés aux adjuvants( ASIA)
Un médecin israélien, Y. Shoenfeld, a récemment décrit un syndrome qu’il a appelé ASIA (Auto-immune and auto-inflammatory syndrome induced by adjuvants) qui rassemble toute une série d’observations cliniques a priori sans lien, incluant notamment le syndrome de la Guerre du Golfe, la myofasciite à macrophages et l’auto-immunité qui serait liée à l’inflammation due au silicone [71].
Aucune preuve scientifique n’a été apportée sur l’existence de liens entre ces syndromes ou d’autres syndromes apparentés et l’utilisation d’adjuvants. Le cas de la myofasciite à macrophages a été discuté plus haut (cf 5.1.2). Quant au silicone, il s’agit d’un débat très ancien qui n’a jamais été tranché et qui est a priori distinct de l’utilisation d’adjuvants. S’ajoute, à cet assemblage de données cliniques disparates et sans lien solide, l’association à des données expérimentales ponctuelles le plus souvent non validées pour ne pas dire ininterprétables. Au-delà de ce jugement il faut retenir le souhait que doit partager tout médecin ou scientifique, de ne pas lancer des idées aussi alarmantes sans fondement. On pourrait reprendre chacun des très nombreux arguments avancés par Y. Shoenfeld l’un après l’autre mais cela serait fastidieux et inopérant dans la mesure où il est très difficile de prouver qu’un mécanisme physiopathologique proposé n’est pas exact. Mieux vaudrait se pencher sur chacun des syndromes inflammatoires évoqués et discuter, de façon approfondie, leur réalité, leur pathogénie et leur lien avec l’utilisation d’adjuvants. Il conviendrait d’ailleurs de ne pas tous les rassembler sous un même vocable tant leur mode d’action est différent.

Conclusion.
La survenue d’une maladie auto-immune après l’administration d’un vaccin a suscité une grande attention depuis plus de quarante ans, et même depuis plus longtemps si l’on se réfère aux encéphalites auto-immunes observées après les vaccinations entreprises contre la rage par Louis Pasteur avec des moelles épinières de lapin infecté par le virus rabique. Trois cas ont particulièrement défrayé la chronique médicale et médiatique. Aucun d’entre eux, nous l’avons vu plus haut, n’emporte la conviction. Cela n’empêche pas pour autant de rester vigilants sans néanmoins tomber dans l’attitude d’une accusation non fondée dont les conséquences peuvent être graves. La résurgence de la maladie prévenue par le vaccin entraîne, de façon certaine, une morbidité très supérieure à celle hypothétique de la maladie auto-immune imputée. On l’a vu encore récemment avec l’épidémie de rougeole qui a sévi en Europe ces dernières années suite au non respect des règles de vaccination des jeunes enfants.

Question 1
Les adjuvants vaccinaux sont-ils nécessaires, en particulier ceux comportant de l’aluminium ?
Les adjuvants restent indispensables à la plupart des vaccins, notamment les plus récents et les plus purifiés et aussi pour les vaccins du futur. Leur rôle est de stimuler les mécanismes de l’immunité innée afin d’activer les cellules qui produisent la réponse immune acquise adaptative.

Question 2
Que sait-on actuellement du cheminement de l’aluminium vaccinal dans l’organisme humain ?
L’aluminium présent dans les adjuvants vaccinaux est sous une forme particulière répondant à des normes physico-chimiques très précises. Des recommandations (OMS, FDA) ont permis d’établir des valeurs toxicologiques de référence pour l’aluminium alimentaire, déterminées à partir de l’expérimentation animale et extrapolées à l’homme : le taux minimal de risque ou MRL (minimal risk level) est fixé à 1 mg/Kg/jour. Il tient compte essentiellement du risque de neurotoxicité. Les vaccins du calendrier vaccinal contiennent une dose d’aluminium réglementaire inférieur à 0,85mg/dose. La cinétique comparée entre aluminium ingéré et aluminium injecté est bien étudiée et elle indique que par voie digestive l’aluminium de l’alimentation courante est très peu absorbé tandis qu’administré par voie sanguine il se concentre principalement dans l’os, alors que sa présence dans le cerveau est en très faibles quantités. Un seul travail expérimental, utilisant les adjuvants marqués, démontre que la quantité d’aluminium importée par les vaccins injectés aux nourrissons et prévus par le calendrier vaccinal exposent à un risque très inférieur à la dose de sécurité minimale actuellement définie pour l’alimentation.



Question 3
Existe-t-il des preuves établies d’une possibilité de toxicité neurologique de l’aluminium vaccinal ?
Même si de très faibles quantités d’aluminium sont présentes dans le tissu cérébral la relation lointaine avec la maladie d’Alzheimer fait débat depuis des décennies, mais sans preuves,
En particulier, chez les patients décédés d’encéphalopathies dues à l’hémodialyse et chez l’animal les lésions cérébrales ne sont pas morphologiquement caractéristiques de la maladie d’Alzheimer. Aucune preuve de toxicité neurologique imputable à l’aluminium de l’alimentation ou des adjuvants n’ayant pu être fournie, il existe un consensus pour considérer l’aluminium comme un produit neurotoxique de façon aiguë, lors d’une forte ingestion et en cas de consommation chronique à des dosages élevés. Dans la Myofasciite à macrophages les troubles cognitifs publiés ne correspondent pas non plus à ceux de la maladie d’ Alzheimer.

Question 4
Quels sont les nouveaux adjuvants vaccinaux, leur utilité, leur toxicité éventuelle ?
Les adjuvants non aluminiques nouveaux et/ou en cours d’investigation ne sont pas destinés au remplacement des sels d’aluminium, mais à permettre d’élaborer d’autres vaccins contre des maladies telles que le paludisme, l’infection à VIH, la tuberculose ou certains cancers. Les  différents adjuvants ne sont pas interchangeables et demeurent spécifiques de tel ou tel vaccin. Pour le phosphate de calcium, parfois revendiqué en remplacement de l’aluminium, les études sont dissociées, voire contradictoires sur son efficacité. Le débat reste donc ouvert et des travaux supplémentaires seraient souhaitables.  Si la recherche s’orientait pour remplacer l’aluminium, la substitution ne pourrait être faite qu’après de longs et nombreux essais et contrôles, nécessitant de nombreuses années (environ 5 à 10 ans).

Question 5
L’auto-immunité due aux adjuvants est-elle une menace réelle ?
Quel que soit l’adjuvant utilisé dans un vaccin, la question de l’auto-immunité sera toujours soulevée. L’analyse détaillée des conditions nécessaires à la provocation d’une maladie auto-immune n’apporte aucune preuve à ce jour permettant d’incriminer les vaccins ou les adjuvants. Un moratoire portant sur l’utilisation des vaccins contenant un adjuvant aluminique rendrait impossible, sans aucune preuve, la majorité des vaccinations. La résurgence de la maladie prévenue par le vaccin entraînerait, de façon certaine, une morbidité très supérieure à celle, hypothétique, des maladies neurologiques ou auto-immunes imputées.

Textes de l'ensemble des interventions

Discours de Mme Marisol Touraine, le 2 février 2016

Madame Marisol Touraine ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a ouvert la séance thématique consacrée aux vaccinations, le mardi 2 février. Dans son allocution, elle a  clairement indiqué son désir de mettre en place en 2016 une série  d’actions dont on attend une amélioration de la couverture vaccinale en  France.
Accueil de Madame Marisol Touraine, ministre de la santé 
Madame la Ministre,
Votre venue en ce jour dans notre Académie porte un symbole fort et nous honore. L’Académie de médecine fut instituée en 1820 « pour répondre aux demandes du gouvernement sur tout ce qui intéresse la santé publique et s’occuper de tous les objets d’étude et de recherche qui peuvent contribuer aux progrès des différentes branches de l’art de guérir ». Ces termes qui nous définissent et qui sont repris dans nos récents statuts de 2013 expliquent l’importance de votre présence aujourd’hui en cette enceinte. Mais le symbole se renforce encore par le thème de cette séance et celui de votre action : la vaccination. Vous avez résolument porté cette question au niveau national et vous voici dans cette académie dont une des missions historiques est la vaccination. Que de moments importants se déroulèrent ici, depuis la vaccination antivariolique pratiquée longtemps en ces lieux jusqu’aux discussions sur le vaccin BCG ou sur la vaccination antipoliomyélitique, sous cette coupole.
C’est avec un grand intérêt et avec plaisir, Madame, que mes confrères et moi nous vous accueillons et que nous sommes à l’écoute de vos propos.
Pierre Bégué
Président de l’académie nationale de médecine



Et si l'on arrêtait de vacciner! Intervention Pr François Bricaire




L’hésitation vaccinale: une perspective psychosociologique Intervention Jocelyn RAUDE*




LES ADJUVANTS VACCINAUX Rapport, 26 juin 2012

Pierre Bégué, Marc Girard, Hervé Bazin, Jean-François Bach. Commission VII (maladies infectieuses et médecine tropicale)




PHARMACOVIGILANCE DES VACCINS EN FRANCE Intervention Jean-Louis MONTASTRUC Chef du service de pharmacologie médicale et clinique du CHU de Toulouse




Estimation de l’impact épidémiologiquedes niveaux de couverture vaccinale insuffisants en France Intervention  Daniel Lévy-Bruhl Institut de Veille sanitaire



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MINE D'INFOS: L’hésitation vaccinale : une perspective psychosoc...: L’hésitation vaccinale : une perspective psychosociologique   Jocelyn RAUDE* L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt en relati...

L’hésitation vaccinale : une perspective psychosociologique

L’hésitation vaccinale : une perspective psychosociologique
 Jocelyn RAUDE*
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt en relation avec le contenu de cet article.






RÉSUMÉ
Au cours de ces dernières années, l’hésitation vaccinale s’est considérablement développée au sein des populations des pays occidentaux, notamment en raison de la multiplication récente de controverses sur l’utilité et la sécurité des vaccins ou de leurs adjuvants. Après un examen critique de la notion d’hésitation vaccinale, ainsi que de ses manifestations à travers l’histoire, nous nous intéresserons aux processus psychologiques et sociologiques qui permettent d’en comprendre la progression dans les sociétés contemporaines. D’une part, les données de la littérature récente montrent que l’hésitation vaccinale résulte généralement d’un arbitrage intuitif entre les risques et les bénéfices perçus chez les individus concernés par la vaccination, lesquels sont largement sujets à des biais cognitifs. D’autre part, deux phénomènes sociologiques permettent d’expliquer la multiplication des controverses autour de la vaccination. Le premier résulte d’une crise de confiance croissante vis-à-vis des pouvoirs publics en général et des autorités sanitaires en particulier. Le second procède de la transformation radicale du « marché » de l’information liée à l’émergence des médias électroniques. La conjugaison de ces deux phénomènes facilite la propagation rapide dans l’espace public de rumeurs et d’informations fausses ou invérifiables qui sont susceptibles de décourager le recours à la vaccination.
SUMMARY
In the last few years, vaccine hesitancy has considerably grown in the populations of western countries, particularly since controversies about the utility and safety of vaccines and their adjuvants recently multiplied. After a critical examination of the concept of “vaccine hesitancy” as well as its expressions through history, we will address the main psychological and sociological processes that could help us to better understand its development in modern societies. On the one hand, the evidence drawn from the existing literature shows that vaccine hesitancy typically derives from an intuitive trade-off between the perceived risks and benefits from the vaccination. Nevertheless, these perceptions have been repeatedly found to be prone to various cognitive biases. On the other hand, two sociological trends enable us to explain the proliferation of controversies about vaccines. The first stems from a growing feeling of distrust toward government institutions in general and the public health authorities in particular. The second comes from the radical evolution of the news “market” which is caused by the development of electronic media. The combination of these two phenomena facilitates the rapid propagation of a variety of rumors, and incorrect or suspicious information, which are likely to affect the acceptance of vaccines.

*    Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique, Avenue du Professeur Léon Bernard, 35000 Rennes. E-mail : Jocelyn.Raude@ehesp.fr
Tirés à part : Jocelyn RAUDE, même adresse


INTRODUCTION
Depuis la fin du 19ème siècle, la vaccination a été en France comme ailleurs à l’origine de progrès considérables dans la prévention et le contrôle des maladies infectieuses. Il convient sans doute de rappeler que si l’incidence de ces maladies s’est largement réduite dans les sociétés contemporaines développées, elles n’en constituaient pas moins au tournant du siècle la première cause de mortalité en Europe et en Amérique [1]. Les historiens de la médecine estiment généralement que la combinaison de progrès substantiels réalisés au cours de la première partie du 20ème siècle dans le domaine de l’alimentation, de la vaccination et l’hygiène publique  – notamment à travers le traitement des eaux – constitue la principale explication des phénomènes de « transition sanitaire » observés en occident, c’est-à-dire la diminution spectaculaire de la part des maladies infectieuses dans les patterns de morbidité et de mortalité et la hausse concomitante des maladies chroniques et dégénératives, comme les maladies coronariennes ou les cancers [2, 3]. Dans la seconde moitié du 20ème siècle, l’institutionnalisation de la vaccination de masse comme mode de prévention des maladies infectieuses ne paraît pas poser de problème particulier. Même s’il est difficile d’objectiver le phénomène en raison de l’absence de données sur les attitudes et les pratiques des populations, l’élaboration et la mise en œuvre de programmes de vaccination contre les maladies infectieuses semblent susciter une large adhésion auprès du public comme auprès des professionnels de la santé. A l’exception de quelques mouvements radicaux dont l’influence sociale reste probablement très limitée, la vaccination ne fait guère l’objet de débats jusqu’à la fin des années 90. Par ailleurs, il faut noter qu’en dépit de l’émergence de premières controverses vaccinales dans l’espace public (Rougeole en Grande-Bretagne, Hépatite B en France), la couverture vaccinale contre les maladies infectieuses les plus anciennes et les plus connues (poliomyélite, diphtérie, tétanos, rubéole, oreillons, rougeole) a progressé lentement mais significativement en France jusqu’en 2008 [4].
En matière de vaccination, la campagne contre la grippe A/H1N1 a toutefois constitué en France – mais aussi dans de nombreux pays – une rupture historique par rapport aux évolutions sociétales observées depuis plusieurs décennies. La médiatisation de nombreuses polémiques sur le coût, l’opportunité et l’efficacité de la vaccination de masse, la révélation de possibles conflits d’intérêt entre certains experts scientifiques et les groupes pharmaceutiques, ainsi que la critique diffuse d’une étatisation de la prévention de cette maladie, ont en effet provoqué une crise de confiance sans précédent dans les vaccins et les institutions qui interviennent dans les politiques de santé publique. Les données collectées périodiquement par l’INPES démontrent l’existence en 2009/10 d’un basculement aussi soudain que spectaculaire dans les attitudes des Français face à la vaccination [5]. Ainsi, si seulement 10 % de la population française se déclarait en 2000 et 2005 défavorable à la vaccination en générale, ce taux s’élevait désormais à près de 40 % l’année de la pandémie. Rétrospectivement, il apparaît toutefois que la controverse autour de la vaccination contre la grippe A/H1N1 n’a constitué que le premier épisode – probablement le plus dramatique – d’une longue série de controverses sociotechniques qui affectent les pratiques vaccinales et dont nous commençons à peine à mesurer les effets sur le plan épidémiologique. Dans la littérature récente, cette défiance croissante des populations vis-à-vis des vaccins  et de leurs promoteurs a été qualifiée de phénomène d’« hésitation vaccinale » (vaccine hesitancy) par un nombre croissant d’auteurs. Comme nous le verrons dans une première partie, ce concept a été développé par un groupe de travail mis en place au sein de l’OMS. Si la notion d’hésitation vaccinale représente une avancée importante pour une meilleure compréhension des changements manifestes dans les attitudes et les pratiques liées à la vaccination, elle n’en reste pas moins sujette à un certain nombre de critiques. Par ailleurs, comme nous le verrons dans une seconde partie, il convient de bien identifier les processus psychologiques et sociologiques à travers lesquels ces phénomènes d’hésitation vaccinale se diffusent dans les sociétés contemporaines.                    
Le Développement de l’hesitation vaccinale dans les societes contemporaines
Depuis quelques années, la multiplication des phénomènes de réticence vaccinale au sein des sociétés développées suscite une certaine incrédulité de la part des acteurs de la santé publique. Pour ces derniers comme pour de nombreux experts médicaux, la tentation est grande de réduire ce mouvement social à la seule diffusion de thèses anti-vaccinales, notamment dans leurs discours publics. L’analyse méthodique des relations que les individus entretiennent par rapport à la vaccination par différents chercheurs en sciences humaines et sociales dans différentes populations montre cependant que cette dichotomisation entre anti- et pro-vaccins est largement réductrice et inopérante [6]. Les travaux consacrées depuis la pandémie à ces phénomènes tendent en effet à mettre en évidence un large éventail d’attitudes et de comportements en lien avec la vaccination qui vont de l’opposition de principe à l’acceptation sans condition de toutes les vaccinations, ces dernières catégories ne représentant toutefois qu’une minorité d’individus. C’est cette découverte qui est à l’origine de la formation et de la promotion du concept d’ « hésitation vaccinale » par les chercheurs. D’une manière générale, ce concept renvoie au scepticisme croissant qui s’exprime dans les sociétés contemporaines quant à la sécurité des vaccins et à leur utilité pour la santé publique [7]. Si le concept est nouveau, il ne faudrait toutefois pas penser pour autant que les phénomènes qu’il entend décrire le sont également. L’hésitation  vaccinale est en effet probablement aussi ancienne que la vaccination elle-même.                        
Le mythe d’un âge d’or de la vaccination ?

Parmi les principaux acteurs de la santé, il y a sans doute une propension à croire que si nos contemporains sont de plus en plus déraisonnables dans leur rapport à la vaccination, les choses étaient sans doute bien différentes autrefois. On pense en particulier à l’époque où les épidémies de maladies infectieuses comme la tuberculose ou la poliomyélite faisaient encore un nombre de victimes considérables. Au-delà de la seule question des mouvements dits « anti-vaccinaux », les données historiques montrent pourtant que cela n’est pas tout à fait vrai : Les premières campagnes de vaccination mises en œuvre en Europe ou en Amérique ont très souvent rencontré des réactions de méfiance voire de rejet de la part des populations concernées [8 Moulin]. Ainsi, l’administration napoléonienne fut amenée au début du 19ème siècle à mettre en place une censure assez rigoureuse de la presse en raison de l’hostilité croissante aux programmes de vaccination contre la variole qui s’exprimait notamment à travers la publication de nombreuses caricatures particulièrement désobligeantes pour le corps médical. En 1885, l’instauration d’une vaccination obligatoire contre la variole fut également à l’origine de violentes émeutes urbaines à Leicester en Angleterre. Le même phénomène – auquel les historiens brésiliens ont donné nom de « La revolta da vaccina » – fut observé à Rio de Janeiro en 1904 lors d’une campagne de vaccination obligatoire décrétée par le célèbre Oswaldo Cruz.
Plus récemment, la mise en place en 1976 d’une campagne de vaccination de masse contre la grippe porcine H1N1 par l’administration du Président Gérald Ford à la suite de l’hospitalisation d’une dizaine de recrues de la garnison de Fort Dix, dans le New Jersey, provoqua une importante controverse médicale en raison d’une augmentation considérable de cas de syndromes de Guillain-Barré [9]. Cette controverse – qui présente des similitudes remarquables avec celles de l’hépatite B ou de la grippe H1N1 de 2009 – conduisit à la suspension précoce de la campagne aux Etats-Unis, ce qui lui valut le nom de « Swine flu fiasco ». Les travaux des historiens tendent à montrer par ailleurs que les arguments mobilisés par les opposants à la vaccination sont relativement stables dans le temps et dans l’espace : il s’agit 1) de l’argument de la sécurité : la vaccination est plus dangereuse que bénéfique pour les populations ; 2) de l’argument de la vénalité : la vaccination est surtout un moyen de faire de l’argent sur le dos des gens ; 3) de l’argument de la naturalité : la vaccination instaure la transgression d’un ordre/équilibre naturel ou divin ; et enfin 4) de l’argument de la liberté : la vaccination – quand elle est obligatoire – constitue une entrave majeure à l’autonomie et à la liberté des individus. Ainsi, même si la grande majorité des programmes de vaccination conduits dans l’après-guerre n’ont pas suscité d’hostilité particulière dans les pays développés, ces événements viennent nous rappeler que l’histoire de la vaccination fut loin d’être un long fleuve tranquille, et que l’hésitation vaccinale n’est probablement pas un phénomène purement moderne [10].
La notion d’hésitation vaccinale et ses critiques

Au-delà de l’opposition réductrice souvent proposée entre des pros et des anti-vaccins, les différents travaux de recherche en sciences sociales consacrées ces dernières années à la construction de typologies d’attitudes et de pratiques individuelles en relation avec la vaccination aboutissent à des résultats particulièrement convergents d’une étude à l’autre. Ainsi, l’enquête qualitative réalisée par Bénin et al sur les comportements des mères de famille face aux recommandations en matière de vaccination infantile  permet de mettre en évidence quatre principaux types d’acteurs [11]:
§  Les partisans qui acceptent et soutiennent sans condition les recommandations vaccinales.
§  Les prudents qui acceptent la plupart des recommandations vaccinales tout en exprimant certaines préoccupations, par exemple sur des effets secondaires possibles.
§  Les sceptiques qui acceptent seulement certaines recommandations vaccinales et rejettent sur les autres sur la base d’arguments épidémiologiques ou moraux.
§  Les opposants qui rejettent en bloc la plupart des recommandations vaccinales.           
Les différentes enquêtes quantitatives conduites au cours de la dernière décennie dans différentes régions du monde montrent également que les catégories des partisans et des opposants à la vaccination ne représentent généralement qu’une minorité d’individus. La construction de la notion d’hésitation vaccinale répond de ce fait au besoin de caractériser sur plan psychosociologique le continuum d’attitudes et de pratiques intermédiaires par rapport à la vaccination qui apparaît entre ces deux positions « extrêmes ».
Le groupe de travail SAGE[1] mis en place au sein de l’OMS pour traiter les questions relatives aux enjeux psychosociaux de la vaccination en propose la définition suivante [7] : « L’hésitation vaccinale fait référence aux retards dans le recours à la vaccination ou aux refus des vaccins en dépit de la disponibilité de services de vaccination. L’hésitation vaccinale est un phénomène complexe et spécifique au contexte dans lequel elle s’inscrit : elle varie en fonction du temps, du lieu et des vaccins. Elle intègre des facteurs tels que la suffisance, la commodité et la confiance ». Le premier de ces facteurs renvoie généralement à l’idée selon laquelle la vaccination est inefficace ou inutile, notamment parce que les risques sanitaires associés aux maladies contre lesquelles on peut s’immuniser sont perçus comme faibles. Le second facteur est lié aux questions relatives à l’accessibilité des vaccins et à leurs prises en charge. Le troisième renvoie à la confiance dans la sécurité des vaccins, ainsi que dans les différents acteurs du système de santé qui en assure l’élaboration, la production et l’administration. Même si la diffusion de la notion d’hésitation vaccinale constitue une avancée dans la compréhension des phénomènes de réticence croissante des populations à la vaccination, cette dernière fait néanmoins l’objet d’importantes critiques. Ainsi, pour Patrick Peretti-Watel [12], l’hésitation vaccinale reste une notion fondamentalement ambiguë et problématique dans la mesure où, premièrement, elle mobilise dans sa conceptualisation des éléments théoriques très disparates qui ont trait notamment aux croyances, aux attitudes et aux pratiques vaccinales, et deuxièmement, elle tend à regrouper sous un même « label » des personnes dont les motivations et les positions par rapports à la vaccination sont probablement très hétérogènes puisqu’elles s’inscrivent dans un continuum très large qui va de l’acceptation sans condition à l’opposition à toute injonction vaccinale.
Les facteurs psycologiques et sociologiques associés à l’hesitation vaccinale
Dans le monde de l’expertise biomédicale, il est souvent tentant – lorsqu’on évoque les changements d’attitudes et la défiance croissante des populations vis à vis de la vaccination – d’attribuer ces phénomènes à l’ignorance ou à la déraison collective. Les recherches en sciences sociales montrent pourtant qu’en matière de controverses sanitaires, la thèse de la peur irrationnelle est rarement confirmée dès lors que l’on accepte de se positionner du point de vue des acteurs qui sont directement ou indirectement concernés par ces questions de sécurité et d’utilité vaccinale. En d’autres termes, on ne peut écarter a priori l’hypothèse selon laquelle les populations ont de bonnes raisons de se méfier des vaccins dans le contexte actuel. Dans les revues académiques, de nombreux travaux ont été publiés ces dernières années sur les facteurs qui sont susceptibles de favoriser l’accroissement de l’hésitation vaccinale dans nos sociétés. D’une manière générale, ces publications tendent à mettre en évidence deux principaux types d’explications : les unes tiennent surtout à des facteurs psychologiques qui relèvent des individus, les autres à des facteurs sociologiques qui correspondent pour l’essentiel aux contextes de décision vaccinale [13].           

Les facteurs psychologiques

Au cours de la dernière décennie, il a été montré dans de nombreuses d’études que l’hésitation vaccinale était systématiquement associée à un ensemble de facteurs cognitifs, c’est-à-dire de représentations mentales qui portent sur les risques pour la santé humaine et sur la manière de les réduire ou de les maîtriser. Parmi les plus documentés, on peut notamment citer la perception de l’efficacité de la vaccination, la perception de la gravité et de l’incidence de la maladie, ou encore les normes sociales perçues en matière de vaccination [14]. Il convient de préciser par ailleurs que ces facteurs interviennent autant dans les décisions vaccinales des profanes que dans celles des professionnels de la santé, chez lesquels l’hésitation vaccinale apparaît loin d’être absente. [15]. S’agissant des mécanismes psychologiques qui seraient impliqués dans la décision vaccinale, la littérature scientifique indique de manière relativement convergente que l’acceptation (ou le refus) de la vaccination résulte le plus souvent d’un arbitrage intuitif entre les risques et les bénéfices perçus par les individus concernés par la vaccination. En pratique, les risques perçus concernent non seulement les effets secondaires potentiels (avérés ou imaginaires) des vaccins, mais aussi leurs coûts matériels ou symboliques (temps, argent, douleur, etc.). De leur côté, les bénéfices perçus sont liés à l’efficacité et à l’utilité perçue de la vaccination en question. Ces derniers sont par ailleurs une fonction directe de la perception de la maladie (qui est l’objet de la vaccination), en particulier sa gravité et sa fréquence perçue [16]. Sur le plan historique, la baisse observée de l’incidence des maladies infectieuses tout au long du 20ème siècle a probablement constitué un puissant facteur motivationnel qui a favorisé l’adhésion des populations aux programmes de vaccination mis en œuvre par les pouvoirs publics. Comme les gens pouvaient manifestement constater les effets bénéfiques de ces campagnes dans leur environnement social, les discours critiques sur la vaccination apparaissaient alors peu crédibles. Paradoxalement, les progrès considérables réalisés en matière de couverture vaccinale au cours de cette période pourraient avoir contribué à l’affaiblissement de cette dynamique motivationnelle, dans la mesure où les individus et les groupes sociaux sont beaucoup moins enclins à consentir à des efforts pour des menaces qui leur paraissent désormais largement virtuelles ou négligeables.     
Plus généralement, la vaccination semble aujourd’hui être victime du « paradoxe de la prévention » mis en évidence par Geoffrey Rose, l’un des théoriciens les plus importants de la santé publique contemporaine [17]. Ce dernier avait défendu de manière convaincante l’idée selon laquelle l’un des problèmes fondamentaux auxquels la prévention est confrontée est que des mesures de santé publique qui sont susceptibles d’apporter d’importants bénéfices collectifs présentent finalement peu d’intérêt pour les individus qui y contribuent, compte tenu du faible niveau d’exposition à certains risques sanitaires. Ainsi, il faut aujourd’hui souvent vacciner une partie importante de la population contre certains pathogènes pour sauver les vies de quelques-uns. Dans des sociétés où la vaccination est de plus en plus fondamentalement conçue comme un instrument de protection pour soi-même, on peut comprendre que certains vaccins dont les vertus sont avant tout communautaires apparaissent beaucoup moins attractifs pour des individus « rationnels », c’est-à-dire essentiellement égoïstes et calculateurs.
Certains auteurs évoquent par ailleurs l’existence d’une « tragédie » du sens commun dans l’explication de l’accroissement de la défiance vaccinale. D’une part, il semblerait qu’en dépit d’une amélioration considérable de l’accès à la connaissance à travers les médias électroniques le niveau de culture scientifique n’augmente guère dans nos sociétés. On observe en particulier la persistance de théories biomédicales pré-pasteuriennes (comme la théorie des miasmes), ainsi que le maintien d’un taux très élevé d’innumérisme[2], y compris dans les élites socioéconomiques. D’autre part, de nombreux travaux ont pu documenter l’emprise des heuristiques cognitives sur nos visions du monde, c’est-à-dire l’utilisation de modes de pensée simples et rapides qui introduiraient de nombreux biais dans nos jugements en matière de risques sanitaires ou sociaux [18]. Par exemple, différentes études expérimentales ont pu montrer que la fréquence perçue de certains événements épidémiologiques est généralement biaisé par la facilité avec laquelle nous pouvons nous remémorer des exemples de ces événements. Ce processus de traitement de l’information – que les psychologues appellent l’heuristique de disponibilité – nous conduit bien souvent à surestimer l’incidence des risques sanitaires les plus médiatisés et les plus spectaculaires.

Les facteurs socio-écologiques
L’un des principaux enseignements des sciences humaine et sociales est que les individus sont rarement isolés les uns des autres, ce qui est particulièrement en matière de comportements de santé : ils participent à différentes formes d’interactions sociales qui influencent dans une large mesure leurs choix et leurs décisions en matière de traitement ou de prévention de maladies. S’agissant de la vaccination, il a bien été montré dans une série d’études que les comportements et les attitudes des professionnels de la santé – en particulier les recommandations délivrées par les médecins généraliste – jouaient un rôle considérable dans l’acceptation ou le rejet de la vaccination [6]. Ainsi, tout étant égal par ailleurs, les patients qui s’étaient vu conseiller par leur médecin la vaccination contre la grippe pandémique de 2009 étaient beaucoup plus enclins à s’être fait vacciner que les autres [19]. Ces processus d’influence sociale semblent faire l’objet d’une stabilité remarquable puisque cette tendance avait déjà été observée aux Etats-Unis lors de la campagne de vaccination contre la grippe pandémique de 1976 [20]. Il convient cependant de souligner que les professionnels de la santé ne sont pas épargnés par ce phénomène de défiance croissante vis-à-vis de la vaccination. Ainsi, les enquêtes de Verger et al [21] tendent à démontrer qu’une proportion non-négligeable de médecins généralistes français exprimait des doutes importants quant à la sécurité et l’utilité de nombreux vaccins ou de leurs adjuvants. Plus généralement, la recherche en sciences humaines et sociales montre que les phénomènes d’hésitation vaccinale s’inscrivent dans un contexte marqué par la multiplication dans l’espace public de controverses sociotechniques plus ou moins sérieuses sur les questions vaccinales.
Sur le plan sociologique, deux principaux phénomènes permettraient d’expliquer ou de comprendre l’attention croissante que les populations accordent aux « signaux » de risque qui résultent des controverses sur les vaccins et les programmes de vaccination. Le premier relève pour l’essentiel d’une crise de confiance majeure vis-à-vis des pouvoirs publics en général et des autorités sanitaires en particulier. Pour Hall et ses collègues, la notion de confiance doit être entendue comme « l’acceptation optimiste d’une situation de vulnérabilité dans laquelle nous sommes amenés à croire que ceux en qui nous plaçons notre confiance se soucient de nos intérêts » [22]. La plupart des enquêtes conduites au sein de l’Union Européennes montrent en effet que la confiance à l’égard des institutions s’est considérablement érodée au cours des deux dernières décennies. Le phénomène semble toucher aussi bien les institutions politiques traditionnelles (gouvernements, parlements, partis) que les contre-pouvoirs habituels (médias, syndicats, acteurs économiques). Par ailleurs, même si les institutions médicales ont longtemps été épargnées par cette crise de confiance, les scandales et les polémiques récentes autour du médiator et d’autres produits de santé semblent avoir considérablement accru le champ du soupçon. Au final, ce sentiment de défiance grandissant vis-à-vis des institutions faciliterait la réception – chez les profanes comme chez les professionnels de la santé – d’éléments de controverses sur la dangerosité ou l’utilité de certains produits de santé.
Le second phénomène procède de la transformation radicale du « marché » de l’information lié à l’émergence des médias électroniques à la fin des années 90. Avant la révolution des nouvelles technologies de l’information et de la communication, les médias traditionnels (presse, radios, télévisions) formaient une sorte d’oligopole de l’information qui permettait d’assurer une régulation a minima sur la qualité et la crédibilité des informations sur les risques sanitaires qui circulaient à l’occasion des controverses biomédicales. La présence au sein des rédactions de journalistes spécialisés dans le domaine des sciences, ou plus rarement de la santé, constituait probablement un garde-fou qui a aujourd’hui quasiment disparu du fait de la concurrence exacerbée entre les médias et les messages qu’ils transmettent. Le développement d’internet au début des années 2000 a en effet profondément modifié les règles du jeu médiatique, en permettant notamment la multiplication des « marchés cognitifs » sur les questions médicales, c’est-à-dire la possibilité donnée à un très grand nombre d’acteurs sociaux de s’exprimer sur des sujets complexes qu’ils maîtrisent peu ou mal. Au final, la conjugaison de ces deux phénomènes faciliterait la propagation rapide dans nos sociétés de rumeurs et d’informations douteuses, fausses ou invérifiables dans l’espace public, et en particulier la diffusion de nombreuses théories conspirationnistes [23].
CONCLUSION
L’accroissement de l’hésitation vaccinale au sein des sociétés modernes représente aujourd’hui un défi considérable pour les pouvoirs publics comme pour l’ensemble des organisations qui interviennent dans le champ de la prévention et de la promotion de la santé. Néanmoins, comme le remarquait le psychologue américain Paul Slovic dès le début des années 90 [24], la multiplication des conflits et les controverses autour des questions de risque sanitaire n’est pas nécessairement due à l’ignorance ou à l’irrationalité des populations. Ils doivent être plutôt considérés comme des effets secondaires de la démocratisation remarquable de nos sociétés, lesquels sont amplifiés par les progrès technologiques dans le domaine de l’information et de la communication, ainsi que par les changements sociaux qui érodent irrémédiablement l’autorité médicale et la confiance que les individus et les populations accordent aux institutions qui ont la responsabilité collective de notre bien-être et de notre santé.
RÉFÉRENCES
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[1]                      Strategic Advisory Group of Experts on Immunization
[2]                      Méconnaissance des principes de base des statistiques et des probabilités


Textes de l'ensemble des interventions

Discours de Mme Marisol Touraine, le 2 février 2016

Madame Marisol Touraine ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a ouvert la séance thématique consacrée aux vaccinations, le mardi 2 février. Dans son allocution, elle a  clairement indiqué son désir de mettre en place en 2016 une série  d’actions dont on attend une amélioration de la couverture vaccinale en  France.
Accueil de Madame Marisol Touraine, ministre de la santé 
Madame la Ministre,
Votre venue en ce jour dans notre Académie porte un symbole fort et nous honore. L’Académie de médecine fut instituée en 1820 « pour répondre aux demandes du gouvernement sur tout ce qui intéresse la santé publique et s’occuper de tous les objets d’étude et de recherche qui peuvent contribuer aux progrès des différentes branches de l’art de guérir ». Ces termes qui nous définissent et qui sont repris dans nos récents statuts de 2013 expliquent l’importance de votre présence aujourd’hui en cette enceinte. Mais le symbole se renforce encore par le thème de cette séance et celui de votre action : la vaccination. Vous avez résolument porté cette question au niveau national et vous voici dans cette académie dont une des missions historiques est la vaccination. Que de moments importants se déroulèrent ici, depuis la vaccination antivariolique pratiquée longtemps en ces lieux jusqu’aux discussions sur le vaccin BCG ou sur la vaccination antipoliomyélitique, sous cette coupole.
C’est avec un grand intérêt et avec plaisir, Madame, que mes confrères et moi nous vous accueillons et que nous sommes à l’écoute de vos propos.
Pierre Bégué
Président de l’académie nationale de médecine



Et si l'on arrêtait de vacciner! Intervention Pr François Bricaire




L’hésitation vaccinale: une perspective psychosociologique Intervention Jocelyn RAUDE*




LES ADJUVANTS VACCINAUX Rapport, 26 juin 2012

Pierre Bégué, Marc Girard, Hervé Bazin, Jean-François Bach. Commission VII (maladies infectieuses et médecine tropicale)




PHARMACOVIGILANCE DES VACCINS EN FRANCE Intervention Jean-Louis MONTASTRUC Chef du service de pharmacologie médicale et clinique du CHU de Toulouse




Estimation de l’impact épidémiologiquedes niveaux de couverture vaccinale insuffisants en France Intervention  Daniel Lévy-Bruhl Institut de Veille sanitaire