Après un mois de mars censé célébrer la Francophonie en France et dans le monde, force est de constater que l’événement a été peu couvert par les médias français. Aussi, il est légitime de s’interroger sur la compréhension et l’appropriation du concept par les français. Cette quasi-absence de reprises médiatiques confirme qu’il « manque une pièce au puzzle institutionnel » de la Francophonie dans son berceau. Ne faut-il pas faire preuve d’ambition en créant une délégation interministérielle ou un Haut-Commissariat à la promotion de la Francophonie en France ?
Peu de ministre et de personnalités en capacité d’incarner et de donner corps à la Francophonie au niveau national
Attardons-nous quelques minutes sur les profils et les bilans des personnalités qui se sont succédés à la tête du portefeuille de la Francophonie depuis 1986.
Les derniers gouvernements français sous la Présidence d’Emmanuel Macron ne comportaient pas de ministère ou de secrétariat d’État dédié uniquement à la Francophonie. Certes, Jean-Yves Le Drian, Ministre des Affaires étrangères ou Jean-Baptiste Lemoyne Ministre délégué y étaient sensibles, ce dernier aurait même réussi à arracher au Président le privilège d’accoler le terme Francophonie à son titre ministériel.
Auparavant pourtant, une dizaine de personnalités ont occupé la fonction avec des bilans plus ou moins discutables. Des Ministres de la Francophonie qui cumulaient la fonction de ministre de la Coopération sans y accorder une réelle importance. Des intellectuels et des artistes, dont un des plus prestigieux fut Alain Decaux de 1988 à 1999. Mais, depuis Alain Decaux, et loin de toute volonté d’offenser ses successeurs, peu de « poids lourds » médiatiques ont rempli la mission avec autant de « panache ».
Un outil de « soft power » indispensable pour renouer les liens avec les opinions publiques africaines
Ces dernières années, la France a perdu son influence en Afrique francophone et son capital sympathie auprès des populations Africaines. Plusieurs coups d’état ont renversé des dirigeants plus ou moins francophiles : Mali, Burkina Faso ou Guinée. Le nouveau quinquennat représente une occasion de restaurer les liens coupés par une succession de maladresses aussi bien au plus haut niveau du pouvoir que dans la façon dont les citoyens français perçoivent les populations de ces pays. Il s’agirait de remettre à plat la relation entre la France et ses anciennes colonies en construisant un nouveau cadre relationnel entre leurs peuples. La Francophonie par la relation égalitaire et décomplexée qu’elle implique peut en constituer le tuteur. Sa promotion peut être l’occasion de rappeler la densité et la richesse des liens entre tous les Francophones et l’existence d’une communauté de destin. Les secteurs de coopération francophone sont multiples : promotion de la langue française, éducation, transferts de technologie, développement, santé …. Mais le travail d’appropriation culturelle doit commencer sur le territoire français métropolitain avant de trouver un relais international.
Un délégué interministériel indispensable
Dans cette optique, la création d’une délégation interministérielle ou la nomination d’un Haut-Commissaire constituerait une innovation structurelle importante en vue d’une plus grande promotion de la Francophonie. Cette délégation renforcerait l’action des ministres français en charge des Affaires étrangères, de l’économie, de la défense, de la santé en y apportant cohérence, volontarisme et pragmatisme.
Ce responsable exercerait des fonctions proches de celles d'un secrétaire d'État tout en étant rattaché directement au Premier ministre et donc sans dépendre d'un ministre de tutelle.
Le délégué assurerait la coordination et l’harmonisation des programmes d’actions en matière de Francophonie. Il mobiliserait l’ensemble des acteurs français étatiques ou privées potentiellement concernés : élus, services centraux et déconcentrés de l’Etat, établissements publics, associations œuvrant dans les domaines de la Francophonie. Les régions, les départements mais aussi les communes seraient invitées à développer la Francophonie dans leurs politiques publiques.
Par exemple, des échanges de lycéens, la création d'un Erasmus francophone, le développement d’une coopération décentralisée en matière économique au niveau des départements pourrait être soutenus, la création de correspondants municipaux à la Francophonie serait encouragée dans les communes (à l’image des correspondants municipaux à la défense, les CMD), etc…
Les grandes institutions dédiées à la recherche ou à la promotion de la santé par exemple (prévention ou recommandations en santé par exemple) verraient leurs actions et leurs travaux relayés dans l’espace francophone.
Enfin, le délégué participerait aux propositions et à la veille législative en matière de Francophonie. Bien évidemment, les missions de l’actuelle délégation interministérielle à la langue française pour la cohésion sociale trouveraient leur place dans cette entité aux missions élargies mais concrètes car en prise directe avec les réalités du terrain.
Propos recueillis par Nora Ansell-Salles