Chirurgie esthétique et miroir aux alouettes

Avec l'avènement des filtres de beauté disponibles sur les différentes plateformes sociales, les journalistes poussent des cris d'alerte quant au miroir aux alouettes qu'ils représentent. Filtres qui incitent toujours plus de jeunes et de moins jeunes, à se tourner vers la chirurgie esthétique, souvent attirés par une apparence qui est tout sauf naturelle. Dernier filtre en date à l'immense succès, le dénommé filtre "bold glamour" de TikTok. En tant que professionnel de la chirurgie esthétique, je vous partage une anecdote récente, fruit de cette réalité alternative. La patiente souhaitait effectuer un lipolift, soit un dégraissage de la partie basse du visage et du cou. Bien que l'opération ait été une réussite assez spectaculaire à mon avis, elle n'a pas obtenu les résultats qu'elle escomptait. Elle trouvait que son visage avait perdu de son attractivité par rapport aux photos qu'elle m'avait montré comme "base de travail". Elle regrettait ainsi son visage rond magnifié par les filtres, bien qu'elle admette que le bas du visage et du cou étaient grandement améliorés.  Cette situation difficile m'a conduit à lui pratiquer un lipofilling d'élargissement de son visage, afin pour qu'elle se retrouve mieux dans cette image d'elle-même qu'elle avait projeté.  En matière de chirurgie esthétique, ce type de demande et d'insatisfaction devient malheureusement monnaie courante. Nombre de confrères signalent des soucis post-opératoires ou pré opératoires, notamment pour ce qui est du grossissement des lèvres, jugé trop fines par nombre de jeunes femmes. Autre type de demandes, des modifications au niveau des cernes ou du nez, qui paraît toujours grossi sur les selfies.  Dans ces conditions, la consultation préopératoire est particulièrement compliquée et nécessite de prendre le temps. Il faut d'abord écouter la demande des patientes, attendre qu'elles retrouvent la photo de leur apparence idéale dans un smartphone surchargé qu'elles manipulent frénétiquement, puis leur expliquer les distorsions irréelles liées à ce mode de manipulation des images. Dès lors, elles ne nous écoutent plus, restent figées sur leur désir obsessionnel et sont prêtes à porter plainte si nous manquons de patience ou si la réalisation qui est tentée pour correspondre à leur souhait, n'est pas totalement conforme à leur attente.  En tant que chirurgiens plasticiens réparateurs et esthétiques, notre démarche habituelle est de pratiquer des modifications de l'apparence grâce à des logiciels dédiés de morphing, qui permettent une approche plus réaliste. Néanmoins, il est de notre devoir de sensibiliser les patients à ce qu'il est réellement possible de réaliser, qui plus est, en adéquation avec la structure du visage propre à chacun. Lire la