đ„ EXCLUSIF: Interview de Marylise LEBRANCHU
đ·ïž AVANT PROPOS
Née 25 avril 1947 à Loudéac, aujourd'hui "simple bénévole" au Secours Populaire, comme elle aime à le souligner, Marylise Lebranchu a été :
đčïžAu gouvernement
SecrĂ©taire dâĂtat aux Petites et moyennes entreprises, au Commerce et Ă l'Artisanat;
SecrĂ©taire dâĂtat aux Petites et moyennes entreprises, au Commerce, Ă l'Artisanat et Ă la Consommation;
Garde des Sceaux, ministre de la Justice;
Ministre de la RĂ©forme de l'Ătat, de la DĂ©centralisation et de la Fonction publique.
đčïžĂ l'AssemblĂ©e nationale
députée de la quatriÚme circonscription du FinistÚre;
Questeure de l'Assemblée Nationale.
đčïžAu conseil rĂ©gional de Bretagne
Membre du conseil régional de Bretagne;
PremiÚre vice-présidente du conseil régional de Bretagne chargée de la politique territoriale et du développement de la démocratie régionale.
đčïžAu niveau municipal
ConseillĂšre municipale de Morlaix;
Maire de Morlaix.
đčïžAu niveau intercommunal
Présidente de Morlaix Communauté.
đ Si vous deviez faire votre auto portrait que diriez-vous de vous ?
Je suis dâabord une militante du socialisme, dâune sociale dĂ©mocratie qui se soit affranchie de ses tentations du libĂ©ralisme Ă©conomique ( comme disait Amade ) au 20 Ăšme siĂšcle, ensuite jâai eu des responsabilitĂ©s mais sans le vouloir, cela sâest fait comme avec une part de hasard.
đVous souvenez-vous de votre 1er engagement ?
Je me suis engagĂ©e trĂšs tĂŽt, mes parents lâĂ©taient pour lâĂ©cole publique et la laĂŻcitĂ©, jâai suivi, Ă©tudiante, lâextrĂȘme gauche mais peu de temps, je ne suis pas permĂ©able Ă la radicalitĂ© , cela me rend mal Ă lâaise surtout quand elle exclue lâĂ©change. Jâai adhĂ©rĂ© au PSU puis au PS en 1977, au PSU il y a avait trop de certitudes dâavoir raison autour de moi, pas assez de dĂ©bats ouverts comme dans dâautres lieux.
đ Ă quelle carriĂšre vous destiniez-vous Ă 20 ans ?
Je voulais enseigner, je sortais de lâĂ©cole normale dâinstitutrices de st Brieuc. AprĂšs le bac lâĂ©cole mâa proposĂ©e pour des Ă©tudes supĂ©rieures, jâai aimĂ© mĂȘme si en 1968 jâai Ă©chouĂ© Ă normale sup, et suis revenue Ă Rennes pour une maĂźtrise dâhistoire gĂ©o avec une option amĂ©nagement du territoire.
Malheureusement quand jâai suivi mon mari nommĂ© Ă lâinternat de lâhĂŽpital de Morlaix en 1972 je nâai pas eu de poste et jâai Ă©tĂ© ravie au bout de 8 mois dâentrer dans une sociĂ©tĂ© dâĂ©conomie mixte qui sâoccupait dâamĂ©nagement du territoire, et lâĂ©ducation nationale mâa oubliĂ©e.
đ Ă quelle Ă©poque et dans quelle circonstance le monde de la politique a-t-il croisĂ© votre route ?
Jâai vĂ©cu proche du monde politique dĂšs mon enfance, jâavais 12 ans quand mon pĂšre est devenu conseiller municipal dâopposition, et candidat battu dâavance dans ce bastion de la droite quâĂ©tait Loudeac Ă lâĂ©poque. Jâai aussi vĂ©cu trĂšs jeune avec intensitĂ© les dĂ©bats sur lâAlgĂ©rie, mon oncle Ă©tait militaire lĂ bas et Ă la maison on militait pour lâindĂ©pendance, jâentendais les deux positions.
Ensuite, militante au PS , jâai dĂ©cidĂ© de quitter mon boulot, jâavais un dĂ©saccord politique avec mon PrĂ©sident de sociĂ©tĂ© ( Alexis Gourvenne ). Nous sommes en en 1978, je participe Ă la campagne Ă©lectorale, Marie Jacq est Ă©lue et me propose de travailler avec elle . Câest une baisse de revenus et une augmentation dâheures de travail mais jâaccepte lâinconnu, et lĂ tout sâenchaĂźne.
đ Par quel chemin dĂ©tournĂ©, ou pas, devient-on ministre ?
Beaucoup de ministres sont parisiens, se connaissent via des rĂ©seaux. Jâai eu la chance de rencontrer Martine Aubry Ă Lorient en 1993 et nous sommes restĂ©es en contact, jâai suivi son initiative « agir », jâĂ©tais une battue des Ă©lections lĂ©gislatives de 1993 mais avec une majoritĂ© de voix sur la ville de Morlaix et notre liste dâunion a gagnĂ© en 1995. Du coup le PS a prĂ©sentĂ© ma candidature aux lĂ©gislatives, jâai Ă©tĂ© Ă©lue en 1997, lâannĂ©e de mes 50 ans ( les jeunes Ă©taient plus patients Ă cette Ă©poque) et, contre mon avis, Martine Aubry a proposĂ© mon nom Ă Lionel Jospin qui cherchait des non parisiens non Ă©narques ayant une expĂ©rience locale. Je nâai pas regrettĂ© mĂȘme si câest dur quand on habite loin de Paris, il faut vivre avec une valise et un Ă©loignement difficile du conjoint, de la maison, lâimpression dâĂȘtre en pension.
đ Membre du parti socialiste de longue date quelles sont, selon vous ses plus belles victoires ?
Les plus belles victoires du PS sont toutes ses victoires. Ă chaque fois des progrĂšs ont Ă©tĂ© gagnĂ©s, aprĂšs les congĂ©s payĂ©s avant la guerre, les avancĂ©es du conseil national de la rĂ©sistance puis, les 39 heures, les minimas sociaux revus, lâaide aux plus fragiles, les 35 heures, le RMI puis le RSA, la CMU lâAPA, la dĂ©centralisation honnie par la droite alors, le statut des conjoints de commerçants artisans puis dâagriculteurs, et derniĂšrement la baisse des impĂŽts du travail en regard de ceux du capital. MĂȘme si les avancĂ©es du mandat Hollande comme le sauvetage de la sĂ©cu ont Ă©tĂ© obĂ©rĂ©es par la loi travail plus que la dĂ©chĂ©ance de nationalitĂ©, Il y a beaucoup Ă garder.
đ Les faits les plus marquant de votre parcours ministĂ©riel ?
La dĂ©couverte de la culture dominante de Bercy, quand la parole du monde bancaire a plus dâimportance que celle de la SecrĂ©taire dâĂtat aux artisans commerçants PME⊠Jâai beaucoup aimĂ© ce mandat sous Lionel Jospin, que ce soit la dĂ©couverte de la DGCCRF bras armĂ© de la protection des consommateurs mais la faible prise en compte de leurs reprĂ©sentants. En 1998 nous savions dĂ©jĂ le rĂŽle des pesticides sur lâatteinte Ă la biodiversitĂ© et nous demandions dĂ©jĂ des Ă©tudes urgentes sur le round up !! Mais câĂ©tait aussi le dĂ©but des OGM et Dominique Voynet portait ces dossiers, je lâaidais de mon mieux, mais on se souvient des attaques odieuses de la FNSEA et des chasseurs⊠Mais mon entrĂ©e au MinistĂšre de la Justice a Ă©tĂ© un moment trĂšs fort, je rends hommage Ă tous ceux qui ont travaillĂ© avec moi au passage aux 35 heures (que nous ne devions pas faire jusquâau dĂ©part de Martine Aubry pour Lille) et qui a Ă©tĂ© rĂ©ussi je crois dans "la pĂ©nitentiaire" et moins Ă lâhĂŽpital. Le dialogue social a Ă©tĂ© rude mais gagnant. Ce dialogue a Ă©tĂ© aussi porteur avec les avocats et les magistrats et tous les auxiliaires de justices. Mais le plus important pour moi a Ă©tĂ© la dĂ©couverte de nos prisons et le dĂ©calage terrible entre ce que dit
"lâopinion publique sur un soi disant laxisme de la justice" et la rĂ©alitĂ©. J'ai eu lâhonneur de recevoir les syndicats de policiers Place VendĂŽme sur ce mĂȘme sujet et avec Daniel Vaillant nous avons rĂ©ussi une grande rencontre prĂ©fets procureurs Ă la Sorbonne. Bref dommage quâil y a eu 2002, notre projet de loi sur le sens de la peine Ă©tait prĂȘt. Le virage vers la droite qui oublie les conditions du vote de Jacques Chirac a Ă©tĂ© violent. En revanche si le dialogue sociale a Ă©tĂ© fructueux avec les fonctionnaires pendant le gouvernement Ayraut, Manuel Valls mâa retirĂ© la rĂ©forme de lâĂtat puis a Ă©tĂ© content de ma sortie du gouvernement parce que pour lui, il lâa Ă©crit jâĂ©tais comment dire "quantitĂ© nĂ©gligeable".
đ Et si c'Ă©tait Ă refaire que changeriez-vous ?
Si câetait Ă refaire je nâentrerai pas au gouvernement en 2012 jâaccepterais la PrĂ©sidence de lâAssemblĂ©e Nationale, mais les militants voulaient garder un Ministre et un DĂ©putĂ© pour dĂ©fendre la circonscription et moi jâĂ©tais dâaccord pour prĂ©parer ma succession.
đ La personne que vous ĂȘtes aujourd'hui a-t-elle rĂ©alisĂ©e ses rĂȘves d'enfant ?
Mes rĂȘves dâenfant oui, jâai un Ă©poux trois enfants des beaux enfants et des petits enfants, ça câest plus important que tout. Enfant je dĂ©testais la violence et je supportais mal que quelquâun soit rĂ©primandĂ© , jâavais trouvĂ© le moyen dâĂȘtre en paix avec les parents : travailler a lâĂ©cole et mâadapter Ă ce quâon attendait de moi, dâoĂč mon espoir dâun monde plus juste, câest mieux mais pas gagnĂ©, Il nous manque une gĂ©nĂ©ration comme celle du Conseil nationale de la rĂ©sistance, des politiques qui travaillent avec des scientifiques des chercheurs des artistes
(comme Martine Aubry) qui se remettent en question tout le temps, aujourdâhui ces politiques dont je rĂȘve sont loin du pouvoir .
đ Si vous aviez la possibilitĂ© de faire vous-mĂȘme les questions/rĂ©ponses laquelle vous seriez-vous posĂ©e et quelle rĂ©ponse y auriez-vous apportĂ©e ?
Ma question serait :
đ€ Comment travailler Ă lutter contre la folie des dominants, des dictateurs, des guerriers permanents ?
...mais je nâai pas la rĂ©ponse, nonobstant le devoir de vigilance, les gens qui vont mal se rĂ©fugient chez ceux qui vendent des mots et utilisent les boucs Ă©missaires comme les Ă©trangers. Ce refuge est mortifĂšre pour la dĂ©mocratie et le justice sociale mais les rĂ©seaux sociaux ou les tĂ©lĂ©visions, CNews ou C 8 rĂȘvent dâun monde dur.
đčïžMarylise Lebranchu reste fidĂšle au Secours populaire oĂč elle intervient dĂ©sormais en qualitĂ© de simple bĂ©nĂ©vole...
đ Il n'y a pas qu'une vie dans la vie... Militante un jour, militante toujours quelle forme revĂȘt le votre aujourd'hui ?
Je suis bĂ©nĂ©vole "de base" au Secours populaire, Jâai une admiration sans borne pour ceux qui donnent de leur temps, de leur vie pour aider ceux qui en ont besoin et moi qui ait Ă©tĂ© une privilĂ©giĂ©e de la vie, je rends un peu de ce que jâai reçu. Jâai la mĂȘme admiration pour ceux qui militent dans des parties politiques (sauf les extrĂȘmes droites câest certain parce quâils ne sont pas humanistes ou se trompent gravement) sans espoir de retour ni comme Ă©lus, ni pour leurs carriĂšres. Jâai eu la chance dâavoir dans les cabinets des militants qui nâespĂ©raient rien pour leur devenir professionnel, mais je vois trop les rĂ©seaux, les fonctionnaires qui saisissent lâoccasion de partir dans les grosses boĂźtes gagner 10 fois plus, le petit monde Bercy / grands groupes/MFEF/ et banques, qui portent une culture dominante de la dĂ©pense publique excessive, ceux aussi qui ne font confiance quâaux grands corps au grand dam des ministres qui ne sont pas de chez eux. Une partie importante du monde politique sâest refermĂ© sur son rĂ©seau, trop peu viennent dâailleurs.
Je milite pour toutes les Ă©lections si comme je peux, parce que malgrĂ© tout cela je veux rester lâoptimiste qui Ă©crivait dans sa chambre "de ne rien dĂ©sirer de ce que tu ne peux avoir" mĂȘme si cette recette du bonheur Ă©picurien nâest pas celle du militantisme qui dĂ©sire le progrĂšs social.
REGARDS CROISĂS
SUR MARYLISE LEBRANCHU
Ancienne SĂ©natrice de Paris, ministre dĂ©lĂ©guĂ©e au Logement et au Cadre de vie dans le gouvernement de Pierre BĂ©rĂ©govoy, SecrĂ©taire dâĂtat au Logement dans le gouvernement de Lionel Jospin.
âïž Jâai eu lâoccasion de partager avec Marylise beaucoup de combats politiques comme responsables du Parti Socialiste mĂȘme si nous nâĂ©tions pas toujours dans le mĂȘme courant au sein de cette organisation. Mais cela ne constituait jamais une tension. Dâabord parce que Marylise a toujours Ă©tĂ© une militante, respectueuse des autres, de la diversitĂ© des approches, une femme ouverte attachĂ©e Ă la fraternitĂ©. En permanence, elle a Ă©tĂ© prĂ©occupĂ©e par la question sociale, la lutte contre la pauvretĂ©, la dĂ©fense des salariĂ©s. Dans ces responsabilitĂ©s ministĂ©rielles, je lâai toujours connue soucieuse de venir sur le terrain, dâĂȘtre Ă lâĂ©coute des Ă©lus et des acteurs locaux. Je me souviens particuliĂšrement de sa venue comme ministre des PME, Ă Athis-Mons dont jâĂ©tais la Maire, pour inaugurer une agence locale dâaide Ă la crĂ©ation dâentreprise. Elle soutenait avec force lâidĂ©e quâil fallait absolument permettre la concrĂ©tisation des initiatives et des projets des habitants de banlieues de tous Ăąges, mais en particulier des jeunes. Nous avions en commun un attachement aux idĂ©es autogestionnaires mĂȘme si ces derniĂšres ont pu ĂȘtre oubliĂ©es ou parfois dĂ©tournĂ©es et Ă lâidĂ©e de dĂ©centralisation. Mais lĂ , nous nâĂ©tions pas forcĂ©ment dâaccord sur la forme quâelle devait prendre. On ne peut pas se fĂącher avec Marylise car câest une femme de gauche sincĂšre !
Ancien ministre de l'Ăconomie sociale
âïžMarylise Une femme militante,courageuse et restĂ©e simple et sincĂšre ! Nous nous sommes rencontrĂ©s dans le cercle d'amis autour de Martine Aubry ! Je me souviens d'elle, la bretonne, sur le port de Sauzon Ă Belle-Ăle-en-mer. Une belle personne : c'est de plus en plus rare en politique !
Ancien Secrétaire général de Force ouvriÚre de 2004 à 2018
âïž SimplicitĂ©, Ă©coute, fidĂ©litĂ©, une sociale dĂ©mocrate comme on aimerait en voir plus souvent aujourdâhui.
Membre actuel au CCFP pour lâUNSA territoriaux
EX membre du CSFPT
SG UNSA CD13
âïž Jâai eu lâhonneur de rencontrer Madame La ministre dans le cadre des nĂ©gociations PPCR pour la fonction publique en 2014/2015 de mĂ©moire.
Câest une personne dâune grande simplicitĂ©, accessible et qui ne considĂ©rait pas les fonctionnaires comme une variable dâajustement comme cela peut-ĂȘtre le cas aujourdâhui.
Je garde également en souvenir un échange rapide pour les 30 ans du statut de la fonction publique avec Madame Lebranchu et Anicet Le Pors (ancien sénateur et créateur du statut), Madame la ministre confirmait son attachement au statut et louait le rÎle des fonctionnaires dans notre pays.
à l 'époque militant PS sur Marseille et secrétaire général de l'association " Innovons pour Marseille Métropole " I2M
Et en 2014 candidat sur la liste PS du 6/8 pour Marseille ainsi quâĂ la fonction de conseiller communautaire pour la future mĂ©tropole
âïžJe l'ai croisĂ© lorsqu'elle Ă©tait ministre de la rĂ©forme de lâĂtat et que le projet de la mĂ©tropole Aix-Marseille-Provence a dĂ©marrĂ© .
Elle fut trÚs responsable et professionnelle face aux égoïsmes et joutes politiques locales essayant toujours d'élever le débat au-delà des visées partisanes.
Une période d'incroyables tensions avec les maires du département qui y étaient hostiles sous influence pour beaucoup de JN Guérini opposé à JC Gaudin.
Elle n'a cependant ni cĂ©dĂ© ni reculĂ© juste temporisĂ© et au final quelques annĂ©es plus tard la MĂ©tropole mĂȘme si cela n'a pas toujours ete optimal a pu se mettre en route et c'est bien face Ă sa volontĂ© !
J'ai beaucoup d'admiration pour elle mĂȘme si politiquement il y a parfois eu des divergences.
Propos recueillis par Nora Ansell-Salles
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