jeudi 28 octobre 2021

Disparition de l'étape "diagnostic" en médecine...

Dr Bernard Huynh - Gynécologue-obstétricien parisien
Président du syndicat des médecins de Paris.
Président des Spécialistes FMF 


Sommes-nous en marche vers 
la disparition de l’étape Diagnostic en médecine ?
"Mine d'infos" tend le micro au Dr Bernard Huyn qui livre son regard sur un danger bien réel qui se profile à l'horizon.


La principale qualité d’un médecin était, jusqu’à il y a peu, la compétence de son diagnostic. On disait : c’est un bon médecin, il a un bon diagnostic.

Longtemps, ce fut même l’essentiel de la compétence des médecins tant les ressources thérapeutiques étaient limitées.

Ce diagnostic médical s’est affiné au fil des siècles avec les progrès de l’examen clinique, la microbiologie, la radiologie et aujourd’hui la richesse des moyens spécialisés donne des résultats d’une précision étonnante.

L’essentiel des études de médecine restait braqué sur cette compétence : les signes et le diagnostic de la maladie sont le gros des apprentissages et les traitements découlent presque automatiquement de la reconnaissance de l’affection ou de l’accident et de son stade d’évolution.

La prise en charge thérapeutique médicale ou chirurgicale est, par définition, la résultante, un sous produit du diagnostic médical, du moins dans l’esprit des médecins.

Les thérapeutes, ceux qui ont la responsabilité de choisir le traitement, redoutent avant tout la mauvaise évaluation d’une pathologie. Cette mauvaise évaluation induit des solutions malheureuses, souvent fautive.

Cette préoccupation médicale de l’erreur diagnostique n’est actuellement plus partagée par les juges, les administratifs et, en général, de ceux qui veulent organiser les activités de soins à grande échelle.

Etonnament, aujourd’hui, le diagnostic, dès qu’il est écrit dans une dossier et éventuellement confirmé par un unique expert plus ou moins qualifié, est rarement remis en cause et servira de base à des édifices parfois très fragiles.

Les diagnostics à distance de COVID au début de la crise en furent l’illustration parfaite : sur des signes vaguement décrits par le patient lui-même, un « correspondant centre 15 », anonyme et gratuit, lui intimait le conseil pressant de ne pas aller voir son médecins, de s’isoler et d’attendre sans autre exploration complémentaire

une éventuelle aggravation pour rappeler …

De nos jours, on fait encore parfois le reproche d’un diagnostic erroné dans les instances ou on juge les médecins mais c’est peu fréquent le plus

souvent le traitement, sa date ou son exécution que mettent en cause les tribunaux. C’est plus facile et plus mécanique pour le déroulé juridique de construire sans vérifier que les fondations sont exactes.

On fait confiance au discernement des malades pour reconnaitre une cystite non compliquée et l’indiquer au pharmacien qui, hier

encore, lui vendait des médicaments pour une mycose avec les mêmes symptômes. Des administratifs qui n’ont jamais vu de métastase oculaire confient tous les troubles de la vision à des professionnels qui ne connaissent que les lunettes et certainement pas le

cancer.

Pourtant, si une maladie n’est le plus souvent pas compliquée, il faut, pour en affirmer le caractère non compliqué savoir qu’elles existent et les rechercher. C’est cet art là, le diagnostic médical. Si difficile à apprendre et à exercer mais si indispensable que les médecins ont consacré des siècles à le perfectionner pour le bénéfice des malades.


✒Propos recueillis par Nora Ansell-Salles



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