Nora ANSELL-SALLES

mercredi 3 mai 2017

Presidentielle 2017

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Communiqué de Presse

A Paris, le 2 mai 2017

 

Les victimes, grandes oubliées de la campagne présidentielle

De nombreuses populations, en plus ou moins grandes difficultés, se sont invitées dans la campagne présidentielle. Chômeurs, paysans, pêcheurs, enseignants, policiers, travailleurs immigrés, migrants…Chacun a fait valoir ses revendications. Certains ont reçu la visite des candidats, d’autres celles des médias. Tous ont trouvé une petite place dans les promesses et les programmes électoraux.

Dans ce grand concert démocratique, le sort des oubliés est d’autant plus frappant.  Qui s’est soucié de tous ces hommes et ces femmes  qui, chaque année, voient leur vie saccagée par un accident ? Pas un candidat ne les a évoqués. Pas un programme n’a répondu à leurs attentes. Inaudibles, invisibles, les victimes sont, comme le redoutait Albert Camus, « parvenues au bout de leur disgrâce ».

Même le nom de « victime » n’a plus très bonne presse. Quiconque les évoque se voit aujourd’hui reprocher d’abuser du pathos, d’alimenter d’obscurs ressentiments ou de favoriser je ne sais quel populisme. Les voilà devenues l’objet de bien des fantasmes.

Il faut les côtoyer au quotidien pour saisir que leur condition est sans rapport avec un quelconque sentimentalisme ou populisme revanchard. Les victimes ne veulent ni larmes, ni statues. Elles ne rêvent que d’oublier leur destin, de retrouver la communauté dont l’accident les a exclues. Elles demandent seulement qu’on les y aide en supprimant quelques anachronismes de notre société française.

Le premier de ces anachronismes concerne la vérité. Toutes les victimes veulent d’abord connaître la vérité sur leur accident. Elles se heurtent alors au principe qui veut que l’enquête pénale soit secrète. Elles supportent mal d’attendre des semaines ou des mois pour être informées. Et pour disposer des éléments de base pour faire valoir leurs droits. Certains policiers et gendarmes, certains magistrats en ont conscience et trouvent les moyens de remédier à des situations parfois critiques. Ils sont encore trop peu nombreux.

Le deuxième obstacle majeur réside dans le strapontin qu’occupent encore les victimes dans le processus judiciaire français. Désignées comme « parties civiles », elles ne sont tolérées au procès que pour leur demande d’indemnisation. Elles n’ont aucun droit d’appel de la décision pénale. Ce déséquilibre face aux droits du responsable de l’accident ne peut que nourrir l’incompréhension et la colère.

Les difficultés culminent avec les procédures d’indemnisation. L’étape est essentielle pour qu’une victime retrouve toute sa place dans notre société. Surtout lorsqu’elle est gravement handicapée. Or, quand elles ne sont pas flouées par des assureurs peu scrupuleux, les victimes sont confrontées à des magistrats  plus ou moins formés, des jurisprudences qui varient du simple ou double selon les tribunaux ou les régions. Notre pays qui a imaginé les lois les plus protectrices pour les accidentés est encore incapable d’instaurer les chambres spécialisées capables de les appliquer avec cohérence.

Ces anachronismes font qu’un grand nombre des 75.000 accidentés de la route, des 450.000 victimes d’accidents médicaux ou pharmaceutiques, ou des 500.000 accidentés de la vie courante vivent, chaque année, un véritable déni de justice. Un déni que renforce la maladresse des médias qui, dans leur traitement quotidien, s’intéresse davantage aux victimes de catastrophe ou du terrorisme, oubliant l’immense majorité des autres. Un déni qui  enferme les accidentés dans leur condition de victimes. Un déni qui ne peut que nourrir frustration et colère, minant ainsi les principes de notre démocratie.

Le nombre de personnes concernées, l’ampleur du désarroi que je constate chaque jour, me persuade qu’il y a là, malgré le silence assourdissant de cette campagne présidentielle, urgence politique et démocratique.

 

Maitre Jehanne COLLARD, Avocate

www.collardetassocies.org

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