ACADEMIE NATIONALE DE MEDECINE
Communiqué de presse / 20 janvier 2014
FIN DE VIE
l’Académie nationale de médecine réitère
sa position
L’Académie nationale de médecine est très
sensible à la situation de M. Vincent Lambert et à celle de sa famille, telle qu’elle a été rendue publique. Elle est aussi très
attentive aux conclusions du Tribunal administratif de Châlons-sur-Marne, à
l’encontre de la décision prise par les médecins hospitaliers. Cette décision des
médecins avait été longuement précédée de toutes les procédures prescrites par
la Loi de 2005, dite Loi Léonetti.
Coïncidence des faits, cette douloureuse
affaire survient au moment où le Président de la République rappelle sa
détermination à tenir son engagement électoral n° 21 visant à légaliser «une assistance médicalisée pour terminer sa
vie dans la dignité ». Cela illustre combien serait réductrice et
inadaptée une législation complémentaire à la Loi de 2005, dite Loi Léonetti.
Votée à l’unanimité par le Parlement, elle a permis de préciser le droit des malades et le devoir des médecins dans ces
circonstances.
L’Académie
nationale de médecine, de longue date très impliquée dans cette réflexion,
tient à rappeler la position qu'elle a rendue publique en décembre 2012, à
l’occasion du rapport de la Commission
Sicard relative à la Fin de vie. Elle tient à préciser qu’il convient de
faire la distinction formelle entre « Fin
de vie » et « Arrêt de vie ».
I- L’arrêt de vie, en réponse à une demande volontaire à mourir alors que la vie en
elle-même n’est ni irrémédiablement parvenue à son terme ni immédiatement
menacée, ne peut être assimilée à un acte médical. Sans équivoque, quand
bien même il s’agirait « seulement » d’une aide au suicide, il s’agit d’une euthanasie active. Il n’est pas dans la mission du médecin de
provoquer délibérément la mort. Aucun médecin ne saurait consentir à
donner la mort. Aucun médecin ne saurait se voir imposer par la loi de
transgresser cet interdit fondateur.
II- Le terme « fin de
vie » recouvre des situations humaines bien distinctes qui n’autorisent
aucun amalgame avec la situation précédente.
En toutes
circonstances,au-delà des traitements devenus inefficaces, refusant tout acharnement
thérapeutique, auquel doivent alors être substitués des soins
palliatifs, les médecins et les personnels soignants doivent savoir refuser
également toute obstination de soins et y substituer l’accompagnement
de la fin de vie, désormais imminente et inévitable. Cette démarche est du devoir du médecin, quelle que soit la diversité des situations
individuelles, quel que soit l’âge auquel survient la
fin de vie, du fait de la maladie où d’accident. Il en est de même dans toutes
les circonstances de l’inéluctable fin de
vie du grand âge. C’est là un problème de santé publique devenu majeur dans
notre société du fait de l’accroissement de la longévité. La démarche
médicale première de « l’accompagnement »
est le soulagement de la douleur, la sédation. Elle doit
également comporter un accompagnement humain, affectif et spirituel,
tant de la personne que de son
entourage.
III- L’Académie
nationale de médecine a déjà tenu clairement à faire apparaître les
interrogations éthiques nouvelles qui ont surgi du fait des conséquences de
certains échecs de techniques de
plus en plus audacieuses, rendues possibles du fait des progrès de la médecine.
Ces situations douloureuses peuvent être observées dans le cadre de la prise en
charge de certaines pathologies
vasculaires sévères (dont les AVC) qui n’épargnent pas les jeunes,
et qui furent longtemps rapidement suivies du décès. Elles sont aussi le fait
des traumatismes cérébraux et
médullaires, liés notamment aux accidents de la circulation, dont la fréquence et la gravité se sont
trouvées amplifiées au sein des jeunes. C’est le cas de Vincent L. Dans ces
circonstances, la personne devenue, de façon définitive, physiquement totalement dépendante, survit grâce à
des soins constants et très lourds, dispensés dans un cadre institutionnel
spécialisé ou dans leur entourage, avec générosité.
On ne peut confondre deux situations
totalement différentes selon que la personne est ou non demeurée consciente et en capacité relationnelle lui
permettant de faire valoir ses droits et d’exprimer sa volonté qui, en toutes circonstances, doit être respectée.
L’Académie
nationale de médecine rappelle qu’elle estime que dans l’une et l’autre de ces
situations, la loi Léonetti de 2005, en l’état, définit clairement le cadre de
la réflexion dont découlera la réponse :
Reconnaître le fait qu’il ne
s’agissait que d’une survie.
Accepter la décision de substituer aux
soins prolongés, légitimement obstinés, mais sans doute devenus déraisonnables,
le meilleur accompagnement possible du terme différé de cette survie.
Les
modalités de cet accompagnement ne diffèrent pas de celles qui s’imposent au
médecin dans l’accompagnement de toute fin
de vie. Cette démarche ne saurait
être qualifiée d’ « assistance médicale au suicide » ou de
« suicide assisté ».
L’Académie nationale de médecine reconnaît
que les questionnements les plus délicats
surgissent des situations telles que celle de Vincent L. La dépendance physique
est totale, mais, en l’absence de toute communication, l’incertitude demeure
sur la persistance possible d’un certain niveau de conscience. Cette situation
dite « pauci relationnelle »
rend impossible le recueil de l’expression de la volonté de la personne.
L’Académie nationale de médecine tient
ici à souligner que, sans qu’il soit besoin pour cela de légiférer à nouveau,
il devient nécessaire de faire progresser dans notre société la notion et
l’expression des directives anticipées. Dans les situations d’urgence,
s’imposent la sincérité et la transparence des informations données d’emblée (au patient ou à sa personne de confiance, ou à sa famille)
sur les traitements entrepris, leurs succès escomptés, mais aussi les échecs
toujours possibles, et leurs conséquences probables.
L’Académie
nationale de médecine souhaite ne pas être tenue à l’écart du débat annoncé par
Madame la Ministre des Affaires Sociales et de la Santé au soir du 16 janvier,
dès après qu’a été rendu public le jugement du Tribunal administratif,
accélérant de ce fait le débat
plus général déjà en cours sur « la
fin de vie ».
Références
-
- D. Pellerin. Contribution à la
réflexion publique des citoyens sur l’accompagnement des personnes en fin de
vie (Mission Sicard). Bull. Acad. Natle,
Med. 2012, n° 9, 1843-1870, séance du
11 déc. 2012
-
-
D. Pellerin et J.R. Le Gall. Ne pas
confondre « fin de vie » et « arrêt de vie », Février
2013. http://www.academie-medecine.fr/communique-de-presse-ne-pas-confondre-fin-de-vie-et-arret-de-vie/
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