Du tissu
industriel français du médicament :
Pour le Leem, il est urgent de consolider les positions françaises
pour assurer la croissance industrielle de demain
Deux études inédites, réalisées à la
demande du Leem, dressent un état des lieux détaillé et prospectif de
l’appareil productif de médicaments en France. L’hexagone continue de compter
parmi les grands producteurs mondiaux de médicaments, mais ses positions
doivent aujourd’hui être renforcées. Recul des investissements, vieillissement
du portefeuille de produits, difficultés à capter les nouvelles productions… le
Leem interpelle les pouvoirs publics sur les mesures à prendre.
Dans un contexte marqué par une fragilisation globale du tissu productif
français, le maintien d’une activité industrielle de premier plan dans le
secteur pharmaceutique constitue un défi majeur. Ce défi concerne non seulement
l’emploi, mais aussi l’accès à l’innovation thérapeutique et l’indépendance
stratégique du pays en matière de santé. Plus qu’une photographie détaillée de
l’appareil de production français, les deux enquêtes publiées aujourd’hui analysent
la dynamique des investissements productifs pharmaceutiques et
biotechnologiques en France, et s’interrogent sur les moyens de relancer la
production hexagonale de médicaments.
Réalisées par les cabinets Arthur D. Little et Roland Berger, ces études
sont présentées dans le cadre d’un colloque que le Leem et Polepharma
organisent à Paris sous l’intitulé : « Production
pharmaceutique : la France face à ses responsabilités ! ».
Un recul des investissements productifs
La première étude, menée par le cabinet Arthur D. Little à la demande du
Leem et de Polepharma, porte sur le niveau et la nature des investissements
réalisés dans l’appareil productif français de médicaments et de vaccins. Elle
révèle qu’en 2013, les 224 sites pharmaceutiques et biotechnologiques français
ont investi 810 millions d’euros, ce qui correspond à un recul de 120 M€ par
rapport à la dernière enquête, qui portait sur l’année 2010.
La majeure partie de ces investissements (60 %) a été réalisée sur des
sites de production de médicaments chimiques, produits souvent matures et
exposés à court ou moyen terme à la concurrence des génériques. Relativement
modestes (entre 1 et 5 M€ en moyenne par site), ces investissements ne visent
généralement pas à développer les capacités de production ou à conquérir de
nouveaux marchés, mais à adapter l’outil de production aux évolutions
réglementaires.
Les investissements réalisés sur les sites biologiques (vaccins notamment)
représentent quant à eux 40 % des investissements observés sur la période.
Moins émiettés car répartis sur une trentaine de sites seulement, ils sont
souvent d’une plus grande ampleur et viennent soutenir la mutation vers le
biologique. Visant à l’extension des capacités et au développement vers
l’export, les investissements sur les sites biologiques ont, pour la plupart,
été décidés il y a plusieurs années (4 ou 5 ans), et sont maintenant entrés en
fin de cycle.
Sur un plan général, la baisse des investissements observée ces trois
dernières années soulève aujourd’hui des questions sur la croissance future de
la production industrielle française. « Les sites de
production, particulièrement ceux d’origine française hors ″Big Pharma″, ont
assez peu investi pour aller chercher la croissance à l’export hors
d’Europe », soulignent les auteurs de l’étude. Ainsi, plus de 2/3 des sites implantés en France ne sont pas homologués
pour exporter vers les Etats-Unis, pourtant premier marché mondial des produits
de santé. Pour les sites dépendants de laboratoires établis hors de France, la
décision d’investissement échappe très souvent (dans 80 % des cas) aux
responsables de sites. Or, vu des sièges internationaux, la complexité et
l’imprévisibilité du système français ne sont pas contrebalancées par une
perception plus fine des atouts français, et sont souvent jugées
dissuasives.
Une concurrence avant tout européenne
A ce constat de lente évaporation des investissements, s’ajoute celui
d’une fragilisation de l’appareil productif. Le cabinet Roland Berger s’est
attaché, à la demande du Leem, à cartographier le tissu industriel
pharmaceutique et à en analyser les forces et faiblesses. Côté forces, la
France demeure une grande puissance industrielle du médicament, avec une
contribution majeure à la balance commerciale (+ 8,8 Md€ en 2013), une
place de n°2 en Europe en termes d’emplois industriels (autant
que l’aéronautique), et une valeur sociétale (charges sociales, impôts et
taxes rapportés au pays) de l’ordre de 7,2 Md€.
Mais en dépit des importants atouts reconnus aux sites français, en termes
de savoir-faire, d’équipements, de productivité, les signaux de vigilance
s’accumulent. L’instabilité des décisions politiques, le poids de la fiscalité,
la complexité du droit social français et l’impact de l’évolution des prix en
France jouent un rôle important sur les décisions d’investissements.
Plus préoccupant, les 40 800 emplois directs de production
pharmaceutique sont générés par des molécules chimiques (pour 85 % d’entre eux)
et à forte maturité (pour 75 % d’entre eux). Ces emplois sont particulièrement
exposés, puisque les produits dont ils dépendent sont faiblement pris en
charge, positionnés sur des prix modestes, et exposés à court ou moyen terme à
la concurrence des génériques.
En dépit de son leadership dans la production de vaccins, la France affiche
des performances décevantes sur la production de médicaments biologiques (elle
ne produit que 3 % des anticorps monoclonaux consommés localement) et de
médicaments nouveaux. « La France est en forte difficulté
pour capturer les lancements de médicaments et assurer le renouvellement de son
activité industrielle, précise l’étude. La concurrence est avant tout
européenne ». Sur les 130 nouvelles molécules autorisées en Europe en 2012-2014,
seulement 8 seront produites en France. Par comparaison,
l’Allemagne en produira 32, le Royaume-Uni 28, l’Irlande 13, de même que
l’Italie.
Des mesures d’urgence pour maintenir et
renouveler la production française
Les études réalisées par Roland Berger et Arthur D. Little confirment en
grande partie les projections réalisées en 2012, déjà à la demande du Leem, et
formulent aujourd’hui une série de préconisations dont certaines sont déjà
défendues par les industriels :
Pour
préserver les volumes de production des médicaments traditionnels et les
emplois qui y sont rattachés, les deux cabinets préconisent notamment de
favoriser l’investissement et la localisation en France par l’outil fiscal
(crédit d’impôt sur les taxes pharmaceutiques), par la valorisation de la
production locale dans la fixation du prix ou encore par la reconnaissance
d’un ″Label Europe″ dans les procédures de marchés publics. Ils
conseillent d’encourager la production en France de médicaments génériques
en simplifiant la production précoce d’ ″autogénériques″ par les
détenteurs de princeps et en valoriser la production France/Europe dans la
fixation des prix. Enfin, en matière d’export, ils recommandent une
simplification des procédures d’exportation et une aide (sous forme de
crédit) pour l’homologation des sites.
Pour
stimuler l’investissement dans les productions d’avenir (notamment la
bioproduction), les
deux cabinets d’études préconisent d’améliorer les conditions d’accès au
marché, notamment par une réduction des délais d’obtention des
autorisations de mise sur le marché, des évaluations du service rendu et
de la fixation des prix. Ils recommandent plus de cohérence dans la
régulation des prix, notamment par une stabilité des prix pour les
produits très innovants ou par la mise en place d’une vision pluriannuelle
des niveaux de prix. Enfin, concernant les capacités de bioproduction, les
auteurs des deux études conseillent la mise en place d’un guichet unique
permettant la concentration des capacités de bioproduction et une
structuration de l’offre de formation.
« Nos grands voisins européens ont compris
que, pour attirer les investissements en santé, il fallait agir de façon
volontariste en termes de régulation, de fiscalité, d’accès au marché ou de
normes sociales. Ils ont compris qu’il fallait réunir les conditions de la
visibilité, de la lisibilité et de la prédictibilité, et offrir aux entreprises
des perspectives sur trois à cinq ans, analyse Patrick
ERRARD, président du Leem. Notre pays a longtemps été présenté
comme une référence en matière de recherche, de production et d’accès à
l’innovation dans le domaine pharmaceutique. Dans tous ces domaines, l’image
qu’elle véhicule est aujourd’hui brouillée. N’attendons pas pour redresser le
cap et doter notre pays d’une vraie politique industrielle. Quand on aime
l’entreprise, on préserve son outil de production ».
Etudes Roland Berger et Arthur D. Little à télécharger sur www.leem.org
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