Nora ANSELL-SALLES

jeudi 27 mars 2014

Perturbateurs endocriniens et traités de libre-échange


La Commission européenne déjà dans l'anticipation de futurs recours de l'industrie chimique?
 

La Commission européenne vient de répondre à un courrier à l'initiative de Michèle Rivasi (EELV) et signé de plusieurs eurodéputés, datant du 16 octobre 2013 et portant sur les perturbateurs endocriniens, à l'origine des cancers hormonaux, de malformations et de pertes de fertilité. Les eurodéputés, inquiets de voir la Commission tarder à établir des critères horizontaux en vue de la définition des perturbateurs endocriniens, demandaient des comptes à Monsieur Barroso sur les raisons de ce retard.




Réaction de Michèle Rivasi, Vice-Présidente du groupe des Verts/ALE au Parlement européen: " La Commission a mis 5 mois à nous répondre qu'elle préférait d'abord évaluer les " possibles impacts potentiels significatifs sur certains secteurs" et reporter aux calendes grecques sa décision sur les critères, et ce alors qu'elle était légalement tenue d'établir les critères d’identification et d’évaluation des perturbateurs hormonaux pour les législations biocides et pesticides avant la fin 2013. Elle avait quatre ans pour le faire mais elle n'a pas tenu cet engagement et se voit aujourd'hui attaquée par la Suède via un recours en carence.

 
C'est à lire

Le pseudo-dissensus scientifique auquel le Commission fait référence dans sa lettre, et qu'elle utilise comme justification pour retarder un processus pourtant crucial pour la protection de la santé et l'environnement, est un mythe désormais largement démenti .


Plus grave, tout se passe comme si la Commission européenne était déjà en train d'anticiper de possible recours des industries chimiques contre le futur encadrement des perturbateurs endocriniens dans l'UE. Un tel mécanisme de recours[1] (inverstor-state dispute settlement, ou ISDS) est en effet prévu par le traité transatlantique de libre-échange et d'investissement (TTIP/ TAFTA) dont les négociations sont menées en ce moment même par la Commission européenne et les Etats-Unis en l'absence de toute transparence et de tout contrôle démocratique.





Pour l'heure, un tel outil juridique n'existe pas en droit européen mais on peut déjà en observer les effets dramatiques outre-Atlantique: c’est ce mécanisme qui, en vertu de l'accord de libre-échange nord-américain (ALENA), permet à la compagnie américaine Lone Pine Resources qui voulait exploiter le gaz de schiste situé sous le fleuve Saint-Laurent, de réclamer 250 millions de dollars aux contribuables canadiens suite au moratoire québécois sur les gaz de schiste.


Si l'accord TTIP était signé puis ratifié, l'Union européenne se trouverait ainsi prise en étau: soit des critères finissent par être adoptés et le risque de recours de l'industrie sera très élevé; soit aucun critère et donc aucune définition officielle ne sont établis, ce qui permettra aux entreprises américaines d'inonder le marché européen de produits contenant des perturbateurs endocriniens (notamment pesticides et divers plastiques), par le mécanisme de reconnaissance mutuelle permettant automatiquement aux produits autorisés sur l'un des deux marchés à être commercialisés sur l'autre. Alors que la législation est beaucoup moins stricte en la matière aux Etats-Unis, il semblerait que la Commission ait retenu cette seconde option et ne présente aucun critère afin de jouer la montre d'ici l'éventuelle signature du traité.


Les écologistes s'opposent résolument à tout accord de libre-échange qui met en danger la santé et l'environnement, que ce soit le TTIP ou l'accord quasi-finalisé avec le Canada (CETA)."

[1] Il s'agit d'un tribunal d'arbitrage supranational qui permettrait à toute entreprise de contester la décision d’une collectivité locale, d’un Etat ou de l’Union européenne si elle considère que cette décision remet en cause ses intérêts commerciaux, présents ou à venir, et réclamer des centaines de millions d’euros de dédommagement.


 

 

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