Créatrice française reconnue, Katherine Pradeau se partage entre la France et le Niger, son pays d’adoption. 10 ans après son premier voyage au pays des Touaregs, Katherine Pradeau a mixé avec bonheur et talent les deux cultures.
Le résultat : une mode parisienne réinterprétée avec les techniques ancestrales des artisans touaregs.
Si vous deviez faire votre auto portrait... que diriez-vous de vous ?
Curieuse, persévérante, parfois même têtue, aimant prendre des chemins de traverse… La tête dans les étoiles et les pieds sur terre.
Quelle profession vouliez-vous exercer enfant ?
À la fois vétérinaire en Afrique ( sans doute inspirée par la série « Daktari » que j’adorais!) et styliste, travail de l’imagination et de la main. J’aimais aussi beaucoup la danse.
Quel est votre 1er souvenir de l'époque ?
Née dans une famille où tout le monde aimait travailler de ses mains que ce soit en couture, bricolage et création d’objets, j’ai très jeune observé et voulu faire à mon tour : créations d’habits et accessoires pour mes Barbies, petits meubles en bois ou carton, bijoux...
À quelle époque le monde de la mode a t-il croisé votre chemin ?
Je me souviens d’avoir coupé les chaussettes de mon père pour en faire des robes tubes pour mes poupées ! J’aimais aussi beaucoup dessiner de somptueuses robes de princesses.
Fascinée par les récits de caravanes racontés par mon institutrice de maternelle, je dessinais des dunes, des dromadaires et des tentes dans le désert. Les 2 mondes se sont métissés plus tard…
Puis est venue adolescente la création de costumes de danse et la chorégraphie, un échappatoire à mes études de droit que je trouvais ennuyeuses.
"L'aventure continue bien au-delà de la mode, à suivre..." Katherine Pradeau
Quand avez-vous créé votre propre marque ?
En 1996, après avoir travaillé 10 ans dans de grandes maisons.
Un univers très parisien, chic et coloré, inspiré par les Parisiennes de Kiraz, en travaillant avec les artisans d’art de la couture parisienne puis petit à petit en y incluent des clins d’oeil avec d’autres cultures, jusqu’en 2005 où est sortie la première collection métissée avec les artisans touaregs.
Papillon d'argent, martelé par forgerons d'Agadez Niger création Katherine Pradeau.
Vous êtes connue pour votre influence ethnique dans vos collections, comment est née l'idée ?
Elle est née petit à petit, après des heures et des heures passées avec les artisans, à les regarder travailler, à observer et admirer leurs techniques… Des gestes de la main, précis, une mémoire séculaire transmise de générations en générations. Des savoir-faire dignes de l’univers du luxe... L’idée est venue de faire un rapprochement entre leurs savoir-faire ancestraux et les savoir-faire d’exception de la couture parisienne. C’est l’amitié forte, tissée avec eux au fil du temps qui nous a permis de réussir ce projet, avant tout, humain.
Models mis à l'honneur sur la couverture du magazine Unité Fashion of Peace.
Que représente l'Afrique pour vous ?
Un continent à l’histoire séculaire, souvent méconnue ou transformée.
Un continent aux multiples cultures, celles du mythique Sahara m’attirent particulièrement.
J’y retrouve souvent, malgré nos différences, des valeurs qui nous sont communes.
Dans les montagnes de l’Aïr au Niger avec les chameliers
Vous avez une histoire forte avec le Niger en particulier. Pourquoi ce pays plutôt qu'un autre ?
Oui il y a le Niger depuis le début, invitée à plusieurs reprises par le créateur Alphadi à l’occasion du festival de mode FIMA. C’est là bas où j’ai tissé des liens forts en y retournant très souvent en dehors du festival. Mais la culture touareg n’a pas de frontière et s'étend dans tout le Sahara . Nomade dans l’âme, comme les touaregs, il est toujours possible d’aller quelque part d’autre...
Robe en soie (la même que sur la photo 1) impression sac touareg géant et Bustier, jupe, jambières , création avec les maroquinières d’Agadez. Au bord du fleuve Niger
Vous partager votre vie entre la France et le Niger. Ce n'est pas toujours simple... Comment vous organisez-vous ?
Il est vrai que c’est parfois «mouvementé», mais j’ai aussi la chance d’avoir souvent le Sahara qui vient vers moi!
Je dirais même que je vis à la fois avec les français et avec les touaregs. Je suis donc en contact permanent avec la culture touarègue que ce soit en France ou dans tout le Sahara.
"Au désert, il faut passer par le cœur pour comprendre le murmure des vents de sable" Katherine Pradeau. Manchette en argent martelé création Katherine Pradeau
Si vous deviez définir votre marque qu'en direz-vous ?
Un art de vivre plutôt qu’une marque.
Des créations qui reflètent tout un univers autour de la richesse des savoir-faire artisanaux, un métissage entre la couture parisienne et la culture touarègue.
Quels sont pour vous les 3 plus grands de la haute couture mondiale ?
Yves Saint Laurent, Chanel, Schiaparelli
Et en Afrique ?
Il y a beaucoup de créateurs talentueux en Afrique mais ceux qui pour moi se rapprochent le plus de la Haute Couture, ou ont l’appellation (terme très réglementé, initié par la fédération de la couture à Paris) : Chris Seydou le précurseur, Mickael Kra avec ses parures incroyables, Imane Ayissi pour son luxueux métissage.
"Moush" chat sauvage du Sahara, chat couture.Création avec les maroquinières Kel Tamajak
Quel rapport avez-vous avec les réseaux sociaux ?
Ils sont devenus indispensables mais attention à ne pas se laisser envahir.
Je ne suis pas une adepte d’y mettre tout et n’importe quoi et d’y passer trop de temps.
J’ai un rapport plutôt professionnel avec eux. J’aime bien y partager l’identité culturelle et des paysages du Sahara, mes coups de coeur et mon travail de création, en particulier sur ma nouvelle page Instagram:
sahara_by_katherine_pradeau
La femme que vous êtes aujourd'hui a-t-elle réalisé ses rêves d'enfant ?
En partie oui et même plus que ce que j’avais rêvé.
Passer des rêves d’enfant aux rêves de la femme d’aujourd’hui en gardant toujours une âme d’enfant, c’est cela la création...
Si vous aviez la possibilité de faire vous-même les questions/réponses laquelle vous seriez-vous posée et quelle réponse y auriez-vous apportée ?
🤔 ma question :
🫠 ma réponse :
Le monde touareg a conservé une forte identité culturelle notamment grâce aux femmes.
La femme depuis la nuit des temps est le pilier de la société touarègue qui est matriarcale.
« … L’indépendance économique de la femme touarègue, doublée d’une liberté d’attitude peu commune dans le monde méditerranéen, a impressionné nombre d’observateurs extérieurs. De fait, la femme occupe un rôle de premier plan, assimilé dans l’édifice social à celui du pilier central. Elle incarne le noyau de la société d’où partent tous les rameaux qui la composent, assurant leur stabilité et leur continuité.
Dans l’imaginaire touareg, l’élément féminin est à l’origine de toute chose. Mais tout germe pour se développer a besoin de son contraire, le masculin. Le monde n’avance que si ces deux moitiés, que l’on peut nommer de façon multiple : la terre et le ciel, l’intérieur est l’extérieur, la tente et le vide, le féminin et le masculin… s ‘allient pour former un tout. La plus part des rites touaregs qui ponctuent les évènements de la vie sociale, mettent en scène l’ajustement de ces entités, opposées et complémentaires. Pour aboutir, toute action repose sur un échange équilibré avec l’autre... » extrait de « Touaregs Apprivoiser le désert » de Hélène Claudot-Hawad.
Une conception tellement moderne qu’elle devrait être universelle !
C’est pour cette raison qu’il m’est très cher, au travers de mes collections, partenariats et actions en faveur de la préservation des savoir-faire artisanaux d’exception qu’ils soient touaregs ou d’ailleurs, d’accorder une place centrale aux femmes.
Elles sont les garantes d’un monde en harmonie.
De nouveaux projets pour 2025 ?
2025 et plus…
Toujours des projets autour de la culture touarègue et des peuples du Sahara, accent sur un art de vivre luxueux et rare ouvert vers le monde. J‘aimerai à ce sujet trouver les moyens de créer un lieu incroyable quelque part dans le Sahara... Un projet fou, peut-être, mais voilà justement son intérêt !
✒️ Katherine est une styliste créatrice originale, une amie, qui fait un travail exceptionnel, alliant la mode parisienne et les savoir-faire de ma culture Touareg qui est millénaire. Des créations inattendues, pont entre l’occident et l’Afrique permettant le rayonnement de la culture touareg. Une inspiration mixte, un talent particulier, aux métissages civilisationnels que j‘aime porter lors d’évènements cinématographiques comme le Festival de Cannes ou le Festival Paris Cinéma...
C’est pour moi une rencontre inédite, une amitié durable.
En 2000, Katherine Pradeau découvre le Niger, le Sahara. 24 années auprès de la culture touarègue, et l'envie de lier leurs savoir-faire d'exceptions de la couture parisienne. Une invitation au voyage avec le peuple touareg Kel Tamashaq.
Diplômée du Studio Berçot, la créatrice Katherine Pradeau travaille aux côtés de Lolita Lempicka, Philippe Adec, Sonia Rykiel… dix années d’expérience qui lui permettent d’acquérir et de lancer sa marque éponyme en 1996.
Ses créations, intemporelles et multiculturelles, présentées et vendues dans le monde entier, sont inspirées par le dialogue des cultures, la richesse des savoir-faire des artisans d’art pour un nouveau style parisien cosmopolite. Ses nombreux partenariats , comme par exemple : les 3 Suisses, les chaussures André, les perfectos Schott, Dorotennis, Nintendo, Barbie, Swarovski,… lui ont permis d’explorer différents créneaux de création et de distribution.
En 2000 la créatrice est invitée pour présenter ses collections parisiennes dans le cadre d’un festival de mode à Niamey, le Fima. Ce fut un coup de foudre pour ce pays.
De retour à Paris l’appel du Niger est de plus en plus fort, elle décide d’y retourner seule, plusieurs fois par an, hors du contexte d’un évènement.
Très attirée pour le monde touareg, des amitiés durables se tissent...
Au fil des séjours et des voyages au travers du pays, elle découvre et intègre un monde, totalement différent du sien mais où finalement certaines valeurs ne sont pas si différentes, un peuple, un univers fascinant. Elle se souvient alors des histoires de caravanes racontées par son institutrice de maternelle, de ses dessins de dunes, de dromadaires et de tentes dans le désert… un rêve qui devient réalité.
Une réalité qu’elle a envie de raconter aux travers de ses créations.
Ainsi, en 2005, naissent des collections métissées avec les maroquinières touarègues et les forgerons d’Agadez. Une invitation au voyage avec les Kel Tamashaq, le peuple touareg, où se côtoient des techniques ancestrales uniques et la richesse du savoir-faire français, une rencontre inédite entre une créatrice et une culture au savoir-faire millénaire.
Aujourd’hui plus de collections saisonnières mais la liberté d’avoir une autre vision de la mode, plus en osmose avec l’air du temps et la liberté de sortir du cadre vers d’autres univers.
Ainsi naissent toujours des créations au fil de ses voyages au Sahara, de ses rencontres artisanales et artistiques, de ses coups de cœur...
Des collections hommage célébrant des savoir-faire authentiques et un art de vivre inédit.
* Ndlr : À lire prochainement l'interview accordée par Toulou Kiki à Mine d'Infos
📷 Crédit photo Frédéric De La Chapelle
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