DISPONIBILITÉ DE TOUS LES MÉDICAMENTS
L’Académie nationale de Pharmacie appelle à réagir vite et fort
Dans l’intérêt des patients
L’Académie nationale de Pharmacie constate une augmentation constante des ruptures de stocks de médicaments et dispositifs médicaux. Dans ce contexte, elle met en garde contre les conséquences désastreuses que pourrait avoir la LFSS 2023 sur l’augmentation des pénuries et de ruptures de stocks des médicaments anciens et indispensables.
Par ailleurs, elle exhorte les pouvoirs publics à exempter à très court terme les sites de production de médicaments, tout spécialement ceux produisant des produits injectables, des éventuels délestages électriques à venir. De tels arrêts de production (ponctuels ou prolongés) auraient des répercussions immédiates et à long terme sur la disponibilité de l’ensemble des produits de santé et sur la qualité des soins.
L’Académie insiste une nouvelle fois sur le fait qu’à côté des nouveaux médicaments, certains médicaments anciens restent indispensables pour la prise en charge des patients. Ces médicaments anciens sont même souvent les seuls utilisables, tout spécialement en première ligne, quand ils ne doivent pas être associés à de nouveaux médicaments dans un même parcours de soin. Or, l’enveloppe budgétaire des médicaments remboursables ne progresse pas en dépit du vieillissement de la population et de la mise sur le marché de nouveaux médicaments plus onéreux au détriment des médicaments plus anciens. En cas de rupture, nous savons d’expérience que la substitution d'une spécialité par une autre dans une même classe thérapeutique, notamment pour les génériques, n’est pas une solution durable (ex. prednisolone, prednisone, antiémétiques majeurs). En termes médico-économiques, enfin, la disparition de ces médicaments anciens entrainerait, dans la meilleure hypothèse, leur remplacement par de nouveaux médicaments nettement plus coûteux et de plus en plus difficilement finançables par les comptes sociaux.
L’Académie regrette de constater que, dans le PLFSS 2023, la part du médicament dans les dépenses de santé serait 7 % inférieure aux dépenses constatées en 20222 (24,6 milliards d’euros contre 26,4 milliards de dépenses estimées en 2022) et que le niveau de baisses de prix annoncé reste très élevé (800 M€ au minimum), ce qui va continuer à peser sur les médicaments anciens, sans compter les remises à verser par les entreprises, y compris sur ces médicaments, ainsi que la « clause de sauvegarde ». Or, du fait de l’inflation, l’industrie du médicament et des dispositifs médicaux subit une augmentation considérable des coûts de l’énergie2 en plus d’être plus spécifiquement confrontée à des difficultés d’approvisionnement en matières premières et composants. Le phénomène concerne la quasi-totalité des approvisionnements du secteur avec des coûts de production qui ont augmenté de 20% à 30%, voire plus dans certains cas.
L’Académie s’inquiète de l’incohérence de ces projets de taxation supplémentaire, alors qu’en préambule de la PLFSS 2023, il est mis en exergue que la crise sanitaire a révélé l’importance de préserver la capacité d’approvisionnement du marché français, notamment pour des médicaments anciens.
L’Académie rappelle que tous les médicaments, quelle que soit leur ancienneté, sont soumis aux mêmes normes internationales de qualité et de conformité, dont les niveaux d’exigence en constante augmentation (en particulier pour les produits injectables) nécessitent une adaptation permanente de l’outil industriel et des investissements, impossibles à envisager pour des opérateurs dont les marges s’érodent, sans compter les coûts induits par les nouvelles réglementations adoptées dans l’intérêt du patient (coût des stocks exigés par l’État, de la sérialisation, des études complémentaires demandées régulièrement : ICHQ3D, nitrosamines, etc.). Contraintes depuis plusieurs années à réduire leurs marges du fait des baisses de prix régulières sur le médicament et de l’augmentation des coûts, 71% des petites et moyennes entreprises (PME) pharmaceutiques implantées en France ne commercialisent plus certains de leurs médicaments et finissent par demander le retrait de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de plusieurs de leurs produits au détriment de la sécurité sanitaire nationale ! 3
L’Académie anticipe une augmentation inédite en 2023 des pénuries, tensions et ruptures de stocks, et des arrêts de commercialisation ou des abrogations d’AMM, sachant que le nombre de signalements est déjà passé de 871 en 2018 à 3278 au 30 septembre 2022, augmentation qui ne s’explique pas uniquement par l’obligation renforcée de déclaration des ruptures à l’ANSM.
Dans ce contexte alarmant, elle recommande de :
• Organiser des États généraux sur la politique du médicament, en les associant aux réflexions en cours sur le même sujet au niveau européen, pour repenser le système actuel de fixation des prix des médicaments anciens indispensables qui conduit progressivement à une diminution de l’offre.
• Arrêter d’urgence de baisser les prix par classes thérapeutiques, cette méthode ne prenant en compte ni les difficultés techniques en fonction de la galénique (médicaments injectables vs comprimés ou solutions buvables), ni la nécessité de disposer de formes/dosages souvent produits en petites quantités, à la limite de la rentabilité, mais essentiels au traitement de populations particulières de patients.
• Revaloriser les prix des médicaments anciens indispensables, notamment injectables, peu onéreux mais coûteux en termes de production du fait d’une technicité sans cesse en évolution.
• Déterminer dans l’urgence une liste des médicaments indispensables afin de pouvoir donner des instructions claires au Comité économique des produits de santé (CEPS).
• De même, dispenser ces médicaments de la clause de sauvegarde et les faire plutôt bénéficier d’un régime de prix spécifique.
L’Académie est également très préoccupée de constater l’absence de l’Industrie pharmaceutique dans les priorités du plan gouvernemental de sobriété énergétique.4 Elle exhorte les pouvoirs publics à exempter à très court terme des éventuels délestages à venir les sites de production de médicaments, spécialement ceux produisant des médicaments injectables. Arrêter l’approvisionnement de ces usines en électricité ne manquera pas d’entrainer l’arrêt des centrales de traitement d’air, l’arrêt de la boucle d’eau… et l’obligation de jeter des lots alors que ces produits sont de première nécessité pour les besoins de santé publique.
https://www.acadpharm.org/dos_public/MEDICAMENTS_ANCIENS_INDISPENSABLES_2020.10.05_VF.PDF
2 Les dépenses de santé augmentent chaque année de 2, 5 % (si on exclut la crise sanitaire) alors que, dans le même temps, la part des médicaments est passée de 14 % en 2010 à 11, 1 % en 2020.
3 Panorama conduit par D&C Consultants à la demande de l’AMLIS (Association des Moyens Laboratoires et Industries de Santé. Association représentant les TPE et PME pharmaceutiques)
4 Les PME implantées en France emploient 23 900 personnes sur leurs sites de production, ce qui représente 50 % des emplois de production du secteur pharmaceutique national. Le maintien de ce tissu est essentiel en termes de souveraineté sanitaire pour notre pays, concernant ces médicaments peu onéreux et surtout ciblés sur des traitements du quotidien, ceux des maladies chroniques les plus courantes notamment.