La justice s’apprête à trancher les contentieux sur la réforme de la haute
fonction publique
Le Conseil d’État examinera, le 27 juin en audience publique, les
recours déposés par plusieurs syndicats et associations contre l’ordonnance
réformant la haute fonction publique publiée en juin 2021. Une décision très
attendue et qui intervient alors que la donne politique vient de changer.
Dix mois après leur
dépôt, les recours contentieux contre l’ordonnance du 2 juin
2021 réformant la haute fonction publique vont être, selon nos
informations, examinés par le Conseil d’État en audience publique le
27 juin. Parmi les auteurs des recours : l'Association des anciens
élèves de l'ENA (AAEENA), à laquelle se sont jointes des membres de
plusieurs inspections ; l'Association des magistrats de la Cour des
comptes ; le Syndicat des juridictions financières ; l'Association
pour l'égal accès aux emplois publics ; l'Union syndicale des magistrats
administratifs et le Syndicat de la juridiction administrative.
Tous ont soulevé des griefs différents
en fonction des points traités par l’ordonnance. Déposés au cours de l’été
dernier, ces recours comportaient, pour certains d’entre eux, des questions
d’ordre constitutionnel. Deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC)
avaient ainsi été transmises par le Conseil d’État aux sages de la Rue de
Montpensier et touchaient à l’indépendance des inspections générales et la
composition des commissions d’intégration au Conseil d’État et à la Cour des
comptes. Le 14 janvier, le Conseil constitutionnel avait rejeté les deux
QPC. Ne reste plus au Conseil d’État qu’à trancher les autres points.
Une vague de
protestations et 2 grèves
La décision du Palais-Royal interviendra
alors que la donne politique a changé depuis le lancement du chantier, en 2021.
La réforme, très contestée dans certains pans de l’élite administrative, a fait
l’unanimité contre elle dans les partis politiques d’opposition, tous ayant
réclamé son retrait et promis, pendant la campagne présidentielle, son annulation
en cas de victoire. Au sein-même de la haute administration, la réforme reste
un sujet sensible, comme en ont témoigné la grève historique organisée au Quai
d’Orsay le 2 juin et, dans une moindre mesure, celle menée par les élèves
de la dernière promotion de l’ENA quelques jours plus tard.
Une censure sur tel ou tel point de
l’ordonnance constituerait, pour le gouvernement, une difficulté importante.
Privé de majorité, il éprouverait le plus grand mal à remettre l’ouvrage sur le
métier et à rectifier le tir sur le plan législatif.
D’ores et déjà, une difficulté existe
concernant le corps préfectoral. Tardivement, au premier semestre 2022, le
gouvernement Castex a fini par admettre que le texte de l’ordonnance était mal
calibré sur le plan juridique, comme le Conseil d’État l’avait déjà relevé dans
un avis sur le projet d’ordonnance rendu en mai 2021. L'encadrement du droit
syndical et l’interdiction du droit de grève faite aux sous-préfets et préfets
ne semblent pas suffisamment sécurisés sur le plan juridique, en particulier du
point de vue de la hiérarchie des normes. Une faiblesse juridique qui ne date
pas de la réforme mais que cette dernière a mise en lumière. Posée au
niveau réglementaire, la restriction devrait relever du niveau législatif pour
recouvrer toute sa force car elle constitue une dérogation au droit commun de
la fonction publique qui, lui, relève de la loi et non du règlement.
Droit syndical et
droit de grève dans la préfectorale
L'article 7 du projet de loi
d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (Lopmi) présenté
en Conseil des ministres en mars dernier prévoit de rectifier le tir en
interdisant le droit de grève et en encadrant le droit syndical des agents
occupant des emplois de préfets et sous‑préfets. Recueillir une majorité sur le
vote de cet article n’aura rien d’une sinécure.
De son côté, le Conseil d’État devra
également traiter de plusieurs recours déposés contre les décrets d’application
de l’ordonnance. Leur examen devrait intervenir au deuxième semestre de cette
année.
PAR PIERRE LABERRONDO
Acteurs
publics 22 06 2022