Nora ANSELL-SALLES

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mercredi 3 février 2016

ET SI ON ARRÊTAIT DE VACCINER !




ET SI ON ARRÊTAIT DE VACCINER !

François BRICAIRE
Chef du service Maladies infectieuses et tropicales Hôpital Pitié-Salpêtrière - Paris
Membre de l'Académie nationale de médecine

 

Sous divers prétextes la vaccination se voit contestée notamment en France, et ce de façon croissante. Ceci constitue un réel problème de santé publique. Le doute qui s’installe dans la population devient source de risque potentiel grave dans la lutte contre les maladies infectieuses. Or, plus on tente de combattre ce phénomène plus les anti-vaccinaux réagissent aidés en cela par les moyens modernes de communication. Aussi, dans un pays où le plaisir de contester l’action publique est grand, pourquoi ne pas réagir de façon provocante sur le même registre et poser la question d’un arrêt de vacciner pour en montrer les conséquences et ainsi tenter de sensibiliser les citoyens pour les mettre en face de leurs responsabilités vis-à-vis de l’ensemble de la population quant aux vaccinations.



Depuis plusieurs années déjà, la tendance à contester le bien-fondé de la vaccination ne fait que s’accentuer. Certes, les imperfections qui ont pu exister en 2009 lors de la campagne de vaccination contre la grippe pandémique AH1N1 a conforté les anti-vaccinaux, mais, cette tendance à vouloir combattre l’intérêt des vaccins existait déjà auparavant.
Répandus dans un certain nombre de pays les mouvements et associations anti-vaccinales s’expriment fortement(1) en France, mais également aux Etats-Unis, beaucoup moins dans des régions comme l’Europe du Nord. Les anti-vaccinaux représentent un danger majeur pour la santé publique dans la mesure où ils sèment le doute parmi les vaccinés et plus encore parmi les indécis. Or, pour ne représenter que 2% environ de la population, ils disposent de moyens suffisamment importants pour se faire largement entendre ! Un certain nombre de médecins, notamment, participe à ce courant d’opinion(2), transmettant ainsi leurs propres doutes à leurs patients, et de plus en plus d'universitaires(3) se joignent à ce concert de protestataires, ce qui explique en grande partie les réticences ou les refus de vaccinations dans la population française avec toutes ses conséquences(4).

Sur Internet et les réseaux sociaux circulent sans le moindre contrôle des « informations » et et autres rumeurs qui se propagent d'autant plus vite qu'elles alimentent la contestation. Sur la base                       d'arguments le plus souvent gratuits, sinon de mauvaise foi, non scientifiquement démontrés ou vérifiés, les anti-vaccinaux jouent d'autant plus facilement sur le registre de l'émotion et de la peur que la vaccination, sujet de tous temps sensible, apparaît souvent dans l'opinion comme complexe et donc suspect... On en arrive ainsi à ce paradoxe que, plus forte est la réaction de ceux qui croient aux vaccinations, plus la polémique rebondit, enfle et bénéficie aux anti-vaccinaux, au détriment de la santé publique !
Par exemple :

-          Le déclin des maladies infectieuses ne serait pas dû aux vaccins, mais à l’hygiène ;  il est donc inutile de vacciner contre des maladies que l’on ne voit plus et que les épidémies ont disparu ; mieux vaut faire une maladie assurant une immunisation naturelle plutôt que de recourir à des injections de produits potentiellement toxiques. Laissons faire la nature(5) ! C’est pourtant bien grâce aux vaccins que ces terribles épidémies et certaines de ces maladies ont régressé et ne sont parfois plus observées en France (tétanos, diphtérie). Mais, les germes qui en étaient responsables sont toujours présents dans notre environnement(6), il ne faudrait pas l'oublier, car ils peuvent réapparaître très rapidement si la protection de la population n'est plus assurée...par les vaccins !

- La vaccination serait une atteinte au respect de la liberté individuelle (7) : « mon corps m’appartient, personne ne peut exiger que je me protège contre telle ou telle infection », et le principe même d'une obligation vaccinale est devenu pour certains intolérable...  C’est oublier que la vaccination est certes un geste individuel de protection mais aussi et surtout une action collective permettant d’assurer la protection de toute une population. L’obligation vaccinale est aujourd’hui discutée et décriée en France parce que, à la différence de ce qui se passe dans les pays du nord de l'Europe, qu'on nous cite en exemple, on considère chez nous qu’une vaccination « recommandée » serait donc facultative et qu'un calendrier vaccinal est toujours trop compliqué tout simplement parce qu'il est contraignant8-9)... C'est pourquoi il suffirait peut-être de  parler, par exemple, de vaccin « indispensable » pour rendre la vaccination plus acceptable et plus incitative.

-          enfin – et ce n'est pas le moindre des arguments des anti-vaccinaux –, les vaccins seraient d'abord une manne pour une industrie pharmaceutique avide et égoïste contre laquelle il faut mener un combat sans relâche, et les scientifiques et autres experts dans ce domaines seraient forcément corrompus et discrédités par leurs conflits d’intérêts. Mais, c'est à cette même industrie, qui produirait des vaccins pour surcharger notre système immunitaire avec des adjuvants ou des conservateurs toxiques et pour provoquer impunément des effets indésirables graves pour une efficacité incertaine, qu'on en appelle pour rechercher une protection (vaccinale) en cas d'épidémie (Ebola) ou de maladie encore incurable (sida, cancer...)

Suffirait-il donc, pour inverser la tendance, de flatter cet esprit individualiste bien français qui l’emporte sur l’intérêt collectif, et d'aller dans le sens de l’esprit de contestation et de contradiction qui l’emporte toujours chez nous sur le bon sens et la raison(10) ?

Les cavaliers savent que pour arrêter un cheval emballé, s'il ne suffit pas de tirer normalement sur les rennes, il est une autre méthode, plus risquée et apparemment paradoxale, mais qui peut réussir : enfoncer les deux éperons dans le ventre de son cheval qui, ne comprenant plus qu’on exige qu’il accélère d’avantage, s’arrête !... Eh bien oui, arrêtons de vacciner et voyons-en les conséquences. Puisque vous ne voulez pas du vaccin ; essayez la maladie .

Que donnerait l'abstention vaccinale ?
Est-il besoin de rappeler que la vaccination antivariolique a fait disparaître le virus de la surface du globe, que la diphtérie a régressé complètement partout où la vaccination a été introduite et respectée, que la poliomyélite n'était qu'un mauvais souvenir dans toutes les régions du monde où des campagnes internationales de vaccination étaient conduites, que la rougeole devait être éliminée ?... Jusqu’à ce que la vaccination contre la polio soit violemment interrompue, jusqu'à ce la rougeole refasse son apparition en force, jusqu'à ce que le tétanos et la diphtérie, qu'on croyait éradiqués, fasse ressurgir en Europe le spectre des grandes épidémies...
-                     N'oublions jamais l’apport considérable(11) des vaccins à la Santé Publique en France comme dans le monde. On estime à environ 3 millions le nombre de vies sauvées chaque année grâce aux vaccins et, a contrario, le nombre de personnes qui décèdent dans le monde faute de pouvoir recevoir des vaccins existants. L’analyse de la mortalité entre les années 50 et la fin du XXe siècle montre très clairement une disparition des cas de diphtérie en France, une baisse des décès par tétanos de 20-50 à 0,25 par million d’habitants, une disparition de la poliomyélite, une régression des décès de coqueluche de 20-50 à 0,1 cas par million d’habitants. Ces chiffres objectifs sont dus ou ont pour corollaire une efficacité des vaccins contre ces infections tout à fait majeures. En France toujours, 2500 décès par grippe sont évités chaque année grâce à la vaccination. A contrario, l’OMS déclare que 5 millions d'enfants de moins de cinq ans décèdent et surtout survivent avec des séquelles de maladies infectieuses dans le monde par absence d’accès à la vaccination. On estime à 30 000 le nombre de décès annuel faute de vaccination anti-fièvre jaune dans le monde. Qu'elles qu'en aient été les raisons, partout dans le monde, un arrêt ou un relâchement de la protection vaccinale a toujours été suivi de reprise de cas. On peut imaginer pour chaque maladie donc le scénario suivant :

A – Diphtérie
Le cas de l’URSS en 1994 est emblématique(12). Pour des raisons économiques, l’arrêt de la vaccination antidiphtérique s’y est soldé par 47 000 cas et 2500 décès en 5 ans(13). Mais, l’insuffisance vaccinale contre cette maladie a aussi provoqué une recrudescence de la maladies ailleurs dans le monde(14)  / Équateur :  plus de 500 cas en 1994 :  Indonésie : 600 cas en 1995 ; Nigéria : 6000 cas en 1996 ; Inde : 2500 cas la même année. Le cas d’un enfant espagnol décédé en 2015 non vacciné sur les conseils d’une association anti-vaccinale a encore relancé la polémique anti-vaccinale(15).
B – Tétanos(16)
De nombreux cas sont malheureusement à déplorer chaque année dans plusieurs pays en développement faute d'une couverture vaccinale suffisante. En France, les rares cas encore observés résultent toujours d'un défaut de vaccination. Le cas d’un enfant de Tours hospitalisé en réanimation en 2015 était dû à une non vaccination volontaire appuyée vraisemblablement par un faux certificat médical attestant d’une vaccination antitétanique(17).
C – Coqueluche(18)
Chaque relâchement dans la vaccination s’est suivi d’une reprise de la maladie en Grande-Bretagne en 1974, au Japon en 1979 avec 13 000 cas et 41 décès et aux USA, en Californie, en 2015, où les associations anti-vaccinales sont particulièrement puissantes. Ce n’est que grâce à un soutien indéfectible à la vaccination anticoquelucheuse que la France a été épargnée.
D – Poliomyélite
Les pays, comme la France et les USA, qui ont maintenu une protection de qualité contre cette infection, ne constatent plus de cas. C'est un constat on ne peut plus clair...Le refus de vacciner d’une secte au Pays-Bas s’est soldé en 1992 par 67 cas(19). Surtout, l’éradication de la maladie était possible mais l’OMS, qui l'avait annoncée pour le début des années 2000, a dû malheureusement être repoussée à 2020, voire plus tard,  à cause de campagnes anti-vaccinales menées pour des motifs « religieux » au Nigéria, au Yémen, en Afghanistan, au Pakistan…
E – Rougeole
Le meilleur exemple, sans doute, des conséquences, attendues, prévisibles et annoncées d’un risque épidémique par insuffisance de couverture vaccinale. Pour ne s’en tenir qu’à l’Europe, la France à insuffisamment assuré sa couverture vaccinale. Pour avoir une protection suffisante, on sait qu’une couverture de la population doit être au moins de 95%. C’est dans le Sud-Est que la couverture a été la plus faible et c'est là que l’épidémie de rougeole a été la plus forte, depuis 2008, avec un pic en 2011 (20). Plus de 2000 cas ont ainsi été recensés en France devant l’Espagne, autre mauvais élève de l’Europe.

F – Hépatite B(21)
Les campagnes virulentes conduites contre le vaccin hépatite B sur la base de risques post-vaccinaux hypothétiques de démyélinisation, dont la corrélation n’a pas jamais été démontrée scientifiquement, se sont soldés par une baisse drastique de la protection de la population française (29%) en 2004, plaçant de ce fait la France au dernier rang en Europe de la couverture contre cette infection. Mais, force sera de constater les conséquences sévères de cette carence : cirrhoses, hépatocarcinomes.
G – Infection à Papillomavirus
Comme pour l’hépatite B, la même campagne anti-vaccinale jouant sur la crainte de réactions auto-immunitaires a été menée. Or, ici encore, les travaux récents ont clairement démontré l’absence de toute corrélation entre vaccination et maladies auto-immunes(22), et, si la protection vaccinale contre le cancer du col a été démontrée, la faible protection assurée aujourd’hui en France ne pourra malheureusement que favoriser le nombre  de cancers du col chez la femme jeune(23).
H – Pneumocoque
La baisse significative des cas d’infection à pneumocoques depuis l’utilisation du Prevenar démontre l’efficacité de la protection des populations fragiles vis-à-vis des infections sévères à ce germe(24).
I – Grippe
De même, l’analyse des courbes de mortalité chez les personnes âgées, cible numéro1 de la vaccination antigrippale annuelle, montre clairement que la réduction du nombre de décès est directement liée à l'amélioration de la couverture vaccinale(25).

On pourrait poursuivre cette démonstration en évoquant les succès de la vaccination contre la Méningite à Haemophilus influenzae, la rubéole et les vaccinations dite des voyageurs…

En conclusion, Il est impératif de rappeler qu’au-delà de la protection individuelle essentielle, la vaccination est un test de protection collective, une action civique. L’appréciation en matière de bénéfice/risque est à l’évidence en faveur des vaccins pour toutes les maladies infectieuses, dont la sévérité en termes de mortalité ou de séquelles, est élevée, et  pour lesquelles la circulation de l’agent infectieux demeure, et ce de manière importante(6). Dès lors, que ceux qui veulent s'obstiner dans la négation des faits, surtout scientifiques, refuser les progrès sanitaires universellement reconnus, rejeter ce que les pays qui ne les possèdent pas aimeraient tant obtenir, ne pas obéir à la loi, bref régresser, le fassent en connaissance de cause … et en prenant leurs responsabilités d'individu, de parent et de citoyen !


Références

1.       Simon S. : Les 10 plus gros mensonges sur les vaccins – Dangles 2005
2.       Berthoud f : La (Bonne) Santé des enfants non vaccinés -  Edition Jouvence.
3.       Joyeux H. : Vaccins : comment s’y retrouver ? Editions du Rocher
4.       Favereau E. : Généralistes. A quel vaccin se vouer ? Libération 11/07/2015 – n°10619 Ed WE
5.       Piantadosi S. Byar D.P. Green S.B. The ecological fallacy Am J. Epidermiology 1988. 127 : 893-894
7.       Choffat F. : Vaccinations : le droit de choisir - Editions Jouvence 2009
8.       HCSP : “Aluminium et vaccins – Rapport 11/07/2013. 61 pages
9.       Bégué P. Ginard M. Bazin H. Bach. JF : Les adjuvants vaccinaux : quelle actualité en 2012 ?
              séance du 26/06/2012http://www.academie-medecine.fr/publication100100054/
10.   Kunnas T. Nietzche o l’esprit de contradiction. Nouvelles Editions Latines 1980 – 257 pages
11.   Groupe « Avancées Vaccinales ». Impact des programmes de vaccination généralisée de l’enfant en France au XXe siècle. La revue du Praticien 2010.20.1044-8
12.   Dittman S. Wharton M. Vitek C. et al Successful control of epidemic
diphtheria in the states of the Former Union of Soviet Socialist Republics : lessons learned. Journal of infections diseases 2000; 181: suppl.1 S10-22
13.   Update: Diphtheria Epidemic--New Independent States of the
former Soviet Union, January 1995-March 1996 – MMWR 1996;45 (32)693-7
14.   Rey M. Patey O. Vincent-Ballereau F. Retour de la diphtérie en Europe - Eurosurveillance 1996 ; (1) 2.
15.   Morel S. : Trente ans après son éradication, la diphtérie apparaît en Espagne. Le Monde – 10/06/2015
16.   INPES – Direction Générale de la Santé – Comité technique des vaccinations- Guide des vaccinations 2012 – 231-235.
17.   Cas de tétanos chez un enfant de 8 ans : ouverture d’une enquête Le Quotidien du Médecin – 22/07/2015
18.   Pertussis global annual reported incidence and DTP3 coverage, 1980-2007 WHO/IVB database 2008- 193 WHO Member States Data as of August 2008
19.   Van Wijngaarden JK, Van Loon AM The polio epidemic in The
Netherlands, 1992/1993 Public Health Rev. 1993-1994 ; 21(1-2):107-16
20.   Bandon C. Parent du Chatelet I – Freymuth F et al Caractéristiques de l’épidémie de rougeole démontrée en France depuis 2008 : bilan des déclarations obligatoires pour les cas survenus jusqu’au 30/04/2011 BEH 33-34. 20/09/2011
21.   Bégué P. et al : La vaccination contre l’hépatite B en France : maintien des recommandations et renforcement de la couverture vaccinale. Communiqué, 14.10.2008  http://www.academie-medecine.fr/publication100035919/
22.   Madrid Scheller N. Svanström H. Pasternak B. Arnhem-Dahlström L. et al Quadrivalent HPV vaccination and Risk of Multiple Sclérosis and Other Demyelinating Diseases of the Central Nervous System JAMA 2015; 313(1):54-61
23.   Dervaux B. Lenne X. Levy-Bruhl D. Kudjawu Y. Modélisation médico-économique de l’impact de l’organisation du dépistage du cancer du col utérin et de l’introduction de la vaccination contre les HPV dans le calendrier vaccinal. Mars 2007-Saint Maurice : INVS-Novembre 2008 25 pages.
24.   Pilishvili T. : Changes in invasive pneumococcal disease (IPD) incidence by serotype group among children ˂5 years PID5 2010-201-32-41
25.   GROG, open Rome : Epidémiologie de la grippe en France et couverture vaccinale des personnes âgées. Données INSERM, INSEE, CNAMTS, GEIG – Juillet 2000
26.   Bégué P. Buisson Y. : A propos du maintien ou de la levée de l'obligation vaccinale communiqué, 27.10.15  http://www.academie-medecine.fr/publication100100474/
27.   Bégué P. : la vaccination demeure un des fondements de la médecine préventive communiqué, 16.06.15 http://www.academie-medecine.fr/publication100100456/
28.   Bégué P. Bricaire F. : à propos d'éventuels effets indésirables graves de la vaccination anti- France Communiqué  4.12.2013 http://www.academie-medecine.fr/publication100100233/
29.   Obligation vaccinale : protéger sans contraindre, c'est possible Communiqué de presse, 19.01.2016 http://www.academie-medecine.fr/obligation-vaccinale-proteger-sans-contraindre-cest-possible/


Textes de l'ensemble des interventions

Discours de Mme Marisol Touraine, le 2 février 2016

Madame Marisol Touraine ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a ouvert la séance thématique consacrée aux vaccinations, le mardi 2 février. Dans son allocution, elle a  clairement indiqué son désir de mettre en place en 2016 une série  d’actions dont on attend une amélioration de la couverture vaccinale en  France.
Accueil de Madame Marisol Touraine, ministre de la santé 
Madame la Ministre,
Votre venue en ce jour dans notre Académie porte un symbole fort et nous honore. L’Académie de médecine fut instituée en 1820 « pour répondre aux demandes du gouvernement sur tout ce qui intéresse la santé publique et s’occuper de tous les objets d’étude et de recherche qui peuvent contribuer aux progrès des différentes branches de l’art de guérir ». Ces termes qui nous définissent et qui sont repris dans nos récents statuts de 2013 expliquent l’importance de votre présence aujourd’hui en cette enceinte. Mais le symbole se renforce encore par le thème de cette séance et celui de votre action : la vaccination. Vous avez résolument porté cette question au niveau national et vous voici dans cette académie dont une des missions historiques est la vaccination. Que de moments importants se déroulèrent ici, depuis la vaccination antivariolique pratiquée longtemps en ces lieux jusqu’aux discussions sur le vaccin BCG ou sur la vaccination antipoliomyélitique, sous cette coupole.
C’est avec un grand intérêt et avec plaisir, Madame, que mes confrères et moi nous vous accueillons et que nous sommes à l’écoute de vos propos.
Pierre Bégué
Président de l’académie nationale de médecine



Et si l'on arrêtait de vacciner! Intervention Pr François Bricaire




L’hésitation vaccinale: une perspective psychosociologique Intervention Jocelyn RAUDE*




LES ADJUVANTS VACCINAUX Rapport, 26 juin 2012

Pierre Bégué, Marc Girard, Hervé Bazin, Jean-François Bach. Commission VII (maladies infectieuses et médecine tropicale)




PHARMACOVIGILANCE DES VACCINS EN FRANCE Intervention Jean-Louis MONTASTRUC Chef du service de pharmacologie médicale et clinique du CHU de Toulouse




Estimation de l’impact épidémiologiquedes niveaux de couverture vaccinale insuffisants en France Intervention  Daniel Lévy-Bruhl Institut de Veille sanitaire


mardi 29 septembre 2015

Agenda Académie de médecine

dépister et prévenir
la dyslexie et les troubles associés
l'échec scolaire et l'illettrisme ne doivent plus être une fatalité

Michel HABIB
Résodys, Aix-Marseille Université, et Centre de Référence des Troubles d’apprentissage, CHU Timone, Marseille
Les troubles spécifiques d’apprentissage, et au premier chef la dyslexie de développement qui en est la forme la plus fréquente et la mieux étudiée, concernent environ 6 à 8% de la population d’enfants d’âge scolaire, et 4% des adultes. Chez l’enfant, ils constituent en France le motif principal de demande de compensation du handicap. Cet article se donne pour but de présenter les principales avancées réalisées durant les dernières années dans le domaine. En premier lieu, la publication récente du DSM-5 a significativement modifié la nosographie des troubles en suggérant d’utiliser un terme générique, « troubles spécifiques d’apprentissage », pour se référer à tous les troubles de la lecture, du calcul ou de l’écriture, entérinant ainsi l’évidence clinique de leur fréquente association et suggérant des mécanismes communs. De même, la recherche neuroscientifique, longtemps restreinte à la seule étude des troubles de la lecture, considérés comme reflétant une installation déficiente, d’origine en grande partie génétique, des processus phonologiques sous-jacents, s’oriente actuellement vers des mécanismes plus généraux, comme un défaut de connectivité et d’intégration multimodalitaire, expliquant mieux la variabilité des symptômes et de leurs associations, mais aussi l’effet de facteurs d’ordre culturel et environnemental à côté des facteurs génétiques. Ces nouvelles données, cependant, restent très incomplètes et un approfondissement de la recherche prenant appui sur les méthodes de neuroimagerie devrait permettre, dans les années à venir, de proposer des protocoles standardisés et scientifiquement validés tant en matière de dépistage, de prévention que rééducation et de compensation.

Florence DELTEIL
Centre de Référence des Troubles des Apprentissages, CHU Bicêtre, 78 rue du Général Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre Cedex.
Depuis les années 2000, la création des centres de références a permis une amélioration significative du dépistage et de la prise en charge de ces troubles, mais il persiste de nombreuses difficultés concernant les délais de rendez-vous pour accéder à ces centres, la formation des professionnels, la limitation de l’accès aux soins dans certaines régions et le financement de bilans et prises en charge non ou mal remboursés par la sécurité sociale, excluant les populations démunies. La prise en charge des adolescents ou des adultes pose également problème car il n’y a actuellement pas de relais après les centres de référence. Ce sujet devrait être une priorité nationale de santé publique car les conséquences sont majeures sur l’intégration sociale et professionnelle. Des solutions sont envisagées pour améliorer la situation.

TEXTES COMPLETS SUR SIMPLE DEMANDE
Nicole.priollaud@wanadoo.fr



vendredi 14 novembre 2014

Souffrance au travail


ACADEMIE  DE MEDECINE

 

Information

 

 

POUR UNE IMPLICATION DE LA PSYCHIATRIE

 

DANS LE DÉBAT SUR LA SOUFFRANCE PSYCHOLOGIQUE AU TRAVAIL

 

 

 

Docteur Patrick Légeron

Psychiatre

Attaché de consultation – Sainte-Anne, Paris

Fondateur du Cabinet Stimulus

Co-auteur du rapport sur les risques psychosociaux pour le Ministre du Travail


 

 

 

 

LE CONTEXTE DES TROUBLES MENTAUX AU TRAVAIL

L’émergence de la pénibilité psychologique au travail

Depuis une vingtaine d’années, la question de la santé mentale est posée avec force dans le monde du travail. Durant des siècles, pour ne pas dire des millénaires, le travail « contraignait » le corps et la pénibilité qui l’accompagnait était presque exclusivement physique. A partir des années 1970 de profonds bouleversements surviennent dans la société et le monde du travail en a été particulièrement affecté. Les spécialistes attribuent cela à l’entrée dans un monde « post-industriel » qu’ils faisaient d’ailleurs coïncider avec le premier choc pétrolier. Le monde du travail s’est alors mis à ressembler de moins en moins à celui décrit par Emile Zola dans Germinal. Peu à peu, les machines ont remplacé les hommes dans les activités les plus ingrates, les nouvelles technologies et les ordinateurs ont simplifiés de nombreuses tâches, les environnements de travail sont devenus plus avenants et le nombre d’heures de travail a régulièrement diminué. Mais l’illusion que la pénibilité du travail allait progressivement se réduire a été éphémère. D’autres formes de contraintes apparaissaient et avec elles, la notion de pénibilité psychologique (Légeron, 2001, 2003).

Dans les années 1980 et surtout 1990 plusieurs grands organismes internationaux attirent ainsi l’attention sur l’inquiétant développement du phénomène de stress dans les environnements professionnels et ses graves conséquences possibles sur la santé des travailleurs. Ainsi, au début des années 90 le Bureau International du Travail indiquait que le stress était devenu l'un des plus graves problèmes de notre temps pour les individus, en mettant en péril leur santé physique mais surtout mentale (BIT, 1993). Pour cet organisme international, l'incidence du stress au début des années 90 avait au moins doublé en dix ans et était devenu un problème concernant tout le monde dans les sociétés industrielles modernes. De plus, par ses effets sur la santé et la productivité, le stress avait aussi beaucoup d'impact sur l'économie des pays.

L’émergence progressive dans le monde du travail de nouveaux concepts comme le stress, mais aussi le harcèlement moral ou le burn out, a ainsi mis l’accent sur des risques assez nouveaux pour la santé et sur des souffrances de plus en plus psychologiques, voire des pathologies mentales (Dejours, 1998). Ces risques ont rapidement été nommés risques psychosociaux (RPS), car à l’interface de l’individu (le psycho) et de l’environnement de travail (le social) (Sahler et al., 2007). Or, si le lien entre travail et santé est assez bien établi depuis fort longtemps car reposant sur de nombreuses études rigoureuses, il s’agit essentiellement du domaine de la santé physique et de l’impact des conditions ou des environnements de travail sur le développement de maladies somatiques (Bensadon et al, 2013). Les pathologies liées à l’exposition à l’amiante en sont un bon exemple.

La prise en compte actuelle des risques psychosociaux

En France l’intérêt porté aux risques psychosociaux est apparu tardivement. Ce n’est qu’à la suite de la médiatisation des suicides survenant dans le monde du travail que les pouvoirs publics se sont impliqués. Ainsi le premier rapport gouvernemental sur ce sujet n’a été publié qu’en 2008 à la demande du Ministre du travail (Nasse et Légeron, 2008). C’est également la même année qu’un Accord national interprofessionnel a été signé au niveau national sur la prévention du stress au travail par les partenaires sociaux (organisations syndicales et représentants du patronat), alors que de tels accord avaient été signés au Danemark dès la fin des années 70. Dans une étude publiée il y a peu d’années par l’Agence européenne de sécurité et santé au travail, la France s’avérait être assez en retard par rapport à ses voisins dans la lutte menée par les entreprises contre le stress au travail et la prévention des RPS (EU-OSHA, 2009).

C’est non seulement tardivement mais aussi de façon dramatique que notre pays a porté son attention à l’impact du travail sur la santé mentale des salariés. La prise de conscience dans l’opinion publique (mais aussi des pouvoirs publics et des entreprises) s’est faite en effet largement d’une part après les cas de harcèlement moral décrits par la psychiatre Marie-France Hirigoyen (1998) et d’autre part par la succession de suicides apparus chez France Télécom et ayant conduit respectivement au vote du parlement français d’une loi réprimant le harcèlement moral au travail en 2002 et à la mise en place d’un plan d’urgence de prévention des RPS par le Ministre du travail en 2009. Les pays régulièrement cités en exemple comme ayant mieux réussi que nous à promouvoir la santé mentale au travail (essentiellement les pays d’Europe du Nord et le Canada), ont davantage mis en avant le concept de bien-être des individus au travail plutôt que celui de la souffrance avec d’ailleurs, dans la plupart des cas, une forte préoccupation de performance économique des entreprises qui les emploient (EU-OSHA, 2013).  

A ces deux spécificités françaises de l’abord des risques psychosociaux au travail (tardivement et négativement) s’en ajoute une troisième qui nous semble tout aussi regrettable : la faible place accordée à la connaissance médicale et psychiatrique non seulement dans l’analyse et la compréhension de ces phénomènes mais aussi dans la détermination des actions à mettre en place. Nous observons ainsi qu’en France le rôle attribué au Ministère de la Santé est quasiment inexistant dans ce domaine alors que nous sommes à l’évidence face à une question de santé publique. C’est le Ministère du Travail qui en est en charge et plus précisément sa Direction générale du travail (DGT). Ceci n’est pas le cas dans d’autres pays comme la Suède ou le Luxembourg. On note aussi que des grands organismes de référence scientifique et médicale comme l’Inserm sont rarement consultés pour apporter leur expertise à la connaissance de ces problématiques. Enfin, dans les entreprises, les services de santé au travail et les médecins du travail ne sont qu’exceptionnellement sollicités pour la mise en place de véritables stratégies de promotion de la santé mentale au travail qui restent dans le domaine des ressources humaines et plus précisément des relations sociales. Au total, cette préoccupation avant tout sociétale et politique vis-à-vis des risques dits « psychosociaux » et de leur responsabilité à engendrer des pathologies mentales a pu paraître louable. Elle a conduit à une nécessaire prise de conscience des opinions. Elle n’est cependant pas sans poser un certain nombre de questions auxquelles la discipline médicale, qui a été trop négligée mais aussi trop silencieuse sur ce sujet, doit aujourd’hui répondre.

 

La « souffrance au travail », un concept flou

Le concept de « souffrance au travail » s’est très vite imposé dans notre pays pour recouvrir l’ensemble des impacts négatifs sur le psychisme humain que peuvent avoir les environnements de travail. Concept très flou qui englobe à la fois des réalités morbides et des manifestations non pathologiques. On sait bien sûr que, plus que dans tout autre domaine de la médecine, la frontière entre le « normal » et le « pathologique » est tenue en psychiatrie. Il est pourtant nécessaire malgré tout de mieux la cerner.

L’Organisation mondiale de la santé, dans l’abord de la santé mentale, distingue clairement trois niveaux bien différents : le bien-être psychologique, la détresse psychologique et les troubles mentaux. La psychiatrie s’est attachée depuis fort longtemps (en tout cas depuis qu’elle a revendiqué le statut de discipline scientifique) a bien distinguer les deux derniers niveaux. La détresse psychologique est inhérente à la condition humaine et se manifeste en particulier lors d’événements de vie ou de situations particulièrement éprouvantes que rencontre l’individu (perte d’un être cher, chômage, etc.). La prise en compte de cette détresse est une nécessité de même que l’aide qui doit y être apportée pour l’alléger.

Mais il n’y a pas lieu d’en faire un trouble mental. Malheureusement on observe dans notre société une tendance à « psychiatriser » de plus en plus cette détresse psychologique, comme en témoigne, par exemple, les prescriptions inappropriées de psychotropes. La revendication de nos contemporains à ne pas souffrir (et même à être heureux !) est l’une des caractéristiques majeurs de nos sociétés avancées. Elle est légitime et signe le progrès de l’humanité. Elle s’est observée tout d‘abord dans le domaine de la souffrance physique comme en témoigne la lutte (relativement récente et retardée dans notre pays comparée aux pays anglo-saxons) contre la douleur présente maintenant dans toutes les disciplines médicales.

Le refus de la détresse psychologique au travail (la « souffrance ») s’inscrit dans cette même démarche. Elle est salutaire. Mais trop souvent cette détresse psychologique est assimilée aux yeux de non experts à une pathologie induite par le travail. Il n’est ainsi que de constater la position prise par certains de faire reconnaître en maladies professionnelles les diverses manifestations de la souffrance au travail dont la description et  les contours demeurent actuellement extrêmement flous.

Cette approche très extensive de la pathologie mentale va à l’opposé de la cause qu’elle prétend servir (protéger les salariés des effets néfastes sur le psychisme des environnements de travail). Il est donc nécessaire d’y apporter une clarification  et c’est avant tout à la science médicale de le faire.

 

LES QUESTIONS POSÉES A LA SCIENCE MÉDICALE

La médecine et plus spécifiquement la psychiatrie sont interpelées et se doivent d’apporter des réponses solides et expertes à un certain nombre de questions et ce, dans plusieurs domaines.

Des entités cliniques mal définies

La nosographie et la définition des pathologies mentales pouvant être générées par le travail restent extrêmement approximatives et parfois même en contradiction avec les connaissances médicales. Prenons deux exemples : le stress et le burn out. Le stress est défini scientifiquement comme la réaction d’adaptation de l’organisme à une situation adverse (Lôo et al., 2003). Il peut bien sûr, lorsqu’il s’avère chronique et/ou intense, conduire à des dérèglements de l’organisme et diverses pathologies. Mais en faire d’emblée, comme affirmé parfois, une pathologie est un contresens scientifique. Quant au terme de burn out, il n’appartient pas à la nosographie psychiatrique telle qu’elle apparait dans les classifications des troubles mentaux internationales (Organisation mondiale de la santé, 2008), nord-américaines (American Psychiatric Association, 2013) ou françaises (Sadoun et Quemada, 1969). Ses critères diagnostics sont encore très discutés. La question se pose donc de savoir s’il s’agit d’une forme particulière de dépression (celle d’épuisement par exemple).  Le débat actuel de reconnaissance du burn out comme maladie professionnelle apparait surréaliste alors qu’il n’y a pas encore de reconnaissance de cette entité en tant que maladie. Les très vagues définitions données ici et là du burn out laissent à penser qu’il s’agit, au vu des symptômes mis en avant, d’une forme particulière de dépression. Mais alors que la dépression est une entité clinique bien définie dont les composantes symptomatiques sont bien établies (Olié, 2009), le burn out reste encore très flou quant à ses manifestations.

D’autre part, la clarification entre des états de détresse psychologique réelle (mais non pathologiques) et de véritables troubles mentaux (comme la dépression ou des pathologies anxieuses avérées) n’est pas suffisamment faite. D’où trop souvent une « psychiatrisation » excessive des phénomènes d’épuisement psychologique. Depuis plus de trente ans, et en particulier la publication aux Etats-Unis du DSM III (American Psychiatric Association, 1980), des critères diagnostiques garantissent une approche fiable d’identification, de définition et de délimitation des troubles mentaux. Le diagnostic de ceux-ci repose ainsi sur la présence de critères d’inclusion et l‘absence de critères d’exclusion. Cette rigueur « critériologique » apparaît complètement  absente dans le repérage de la souffrance, de la détresse ou de la pathologie mentale induite par le travail. Les notions même de symptômes constitutifs d’une entité clinique précise, d’intensité ou de fréquence de leurs manifestations et de durée de ces manifestations ne sont pas abordées alors qu’elles constituent la base même de l’approche diagnostique en psychiatrie aujourd’hui.

Une approche épidémiologique souvent fantaisiste

Les quelques données épidémiologiques des manifestations psychologiques et des pathologies psychiatriques liées au milieu du travail apparaissent aussi fortement contestables. Régulièrement sont publiés (et relayées avec force par les médias) des chiffres et statistiques étonnants sur l’importance de la souffrance des salariés.

Nous n’évoquerons même pas les innombrables enquêtes sur le stress des salariés dont les résultats sont extraordinairement divers, allant de 10 à 60 % des populations suivant les études. Des enquêtes récentes annoncent des taux très élevés de « pré-burn out » (un nouveau concept ?) pouvant atteindre 30% des individus au travail. Ces chiffres apparaissent pour le moins fantaisistes et on ne sait pas très bien sur quelle base critériologique ils ont été recueillis. Les questionnaires utilisés n’ont la plupart du temps aucune validité psychométrique et leur fiabilité est rarement interrogée. Pourtant, les connaissances épidémiologiques sérieuses nous donnent des repères fiables largement ignorés. Ainsi en France en population générale, la prévalence de la dépression est bien établie à environ 3 000 000 de cas, tout comme le nombre de suicides aux alentours de 11 000 par an. En revanche, la « vague » de suicide au travail, qui a été largement commentée, n’a jamais été analysée au regard de nos connaissances chiffrées sur l’épidémiologie du suicide en population générale qui touche chaque année 16 français adultes sur 100 000. Etonnamment, on pourrait même constater parfois que les « vagues » de suicide survenues dans certaines entreprises sont de même ampleur que dans une population générale comparable en terme d’âge et de sexe. 

L’absence de l’expertise médicale

La place de la médecine et de la psychiatrie a été le plus souvent réduite à peu de choses. Une approche des problèmes de santé mentale au travail doit s’appuyer fortement (sinon exclusivement) sur les connaissances issues de la psychiatrie. Nous l’avons souligné précédemment dans les domaines de la nosographie, de la critériologie, du diagnostic, de l’épidémiologie.

Mais cette discipline est plutôt absente dans les grands débats sociétaux autour de la souffrance mentale au travail. L’une des explications est le rôle donné exclusivement au Ministère du travail dans ce domaine (et plus précisément à la Direction générale du travail) et la non implication du Ministère de la Santé (à la différence d’autres pays où ce ministère joue un rôle majeur). Nos grands organismes comme l’Inserm ne sont pas sollicités pour apporter leurs connaissances. Les partenaires sociaux (représentants du patronat et des salariés) se sont emparés à juste titre de ces questions mais ils ne disposent pas de connaissances médicales pour guider leur démarche de prévention et de santé mentale au travail.

 

LA PLACE DE LA MÉDECINE DANS LA SANTÉ AU TRAVAIL

Il ne s’agit pas de méconnaître l’intérêt de la multiplicité des expertises pour aborder la question de la santé mentale au travail et la prévention du stress, des suicides et des risques psychosociaux, et pour  lutter contre le burn out. Le rôle du dialogue social et de l’expression des salariés, tout comme la place de disciplines variées  (l’organisation du travail, le management) sont incontournables. Il n’en est pas moins vrai que la médecine doit clairement affirmer et faire connaître sa position dans un domaine qui est aussi le sien, celui des pathologies mentales, même si celles-ci se développent au sein du milieu du travail.

Or il faut noter que cette « voix » de la médecine a été très peu entendue alors que de vraies problématiques de santé publique ont émergé au travail sous la forme de la souffrance psychologique et de troubles mentaux. Il apparaît souhaitable que la médecine, et principalement sa spécialité psychiatrique, « s’empare » elle aussi de ce sujet en l’analysant mieux et en y apportant ses connaissances et son éclairage incontournable et complémentaire aux autres disciplines. Cette voix doit s’exprimer clairement  pour servir de repère à tous ceux, nombreux, qui souhaitent que les démarches de prévention et de lutte contre les risques psychosociaux,  reposent sur des bases valides et ne soient pas entachées de considérations partisanes. Les confrontations parfois brutales, tout comme les points de vue très divergents entre les partenaires sociaux sur les thématiques de la souffrance au travail, se nourrissent trop d’a priori bien éloignées des connaissances valides fournies par la science médicale.

Si le rôle de la négociation sociale et l’implication des partenaires sociaux et des pouvoirs publics sont incontournables dans plusieurs domaines comme la reconnaissance en maladie professionnelle de certaines pathologies liées au travail, la définition même de ces maladies, la clarification des entités cliniques et leurs limites avec le non pathologique appartient avant tout à la médecine et à la psychiatrie. Dans ce domaine aussi la clarté des rôles de chacun mériterait d’être mieux affirmée.

 

 

 

 

RÉFÉRENCES

American Psychiatric Association. “Diagnostic and statistical manual of mental disorders (3rd Ed.) DSM III”. APA, Washington, 1980.

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Bensadon A.-C ., Barbezieux Ph. et Champs F.-O. « Interactions entre santé et travail ». Rapport pour l’Inspection des Affaires Sociales. La Documentation Française, Paris, 2013.

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Dejours Ch. « Souffrance en France - La banalisation de l'injustice sociale ». Editions du Seuil, Paris, 1998.

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EU-OSHA. « Well-being at work : Creating a positive work environment ». Agence Européenne de sécurité et Santé au Travail. Bilbao, 2013.

Hirogoyen M.-F. « Le harcèlement moral ». Editions Syros, Paris, 1998.

Légeron P. « Le stress au travail », Editions Odile Jacob, Paris, 2001 et 2003.

Lôo P., Lôo H., Galinowski A. “Le stress permanent “. Masson, Paris, 2003.

Nasse Ph., Légeron P. « Rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail ». La Documentation Française, Paris, 2008.

Olié J.-P. « Guérir la souffrance psychique ». Editions Odile Jacob, Paris, 2009.

Organisation mondiale de la santé « Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, CIM-10 ». OMS, Genève, 2008.

Sadoun R., Quemada N. « Classification française des troubles mentaux ». Bull 24 N°2, INSERM, Paris, 1969.

Sahler B., Berthet B., Douillet Ph., Mary-Cheray I. « Prévenir le stress et les risques psychosociaux au travail ». Anact, Lyon, 2007.