Discours d’Annick Girardin au MEDEF lors du Colloque efficacité de l'action publique Lundi 23 mai 2016 |
Monsieur le président,
Mesdames et messieurs les chefs d’entreprises,
Mesdames et messieurs,
Je suis très heureuse d’être parmi vous aujourd’hui et vous remercie chaleureusement pour votre invitation. J’aimerais profiter de l’opportunité de ce colloque pour lever un certain nombre de malentendus qui persistent en France entre secteur public et secteur privé. Ces malentendus alimentent des oppositions factices entre fonctionnaires et salariés du privé qui n’ont absolument pas lieu d’être.
Au-delà des postures de principe, en tant que Ministre de la fonction public, je crois aux vertus de l’échange et du dialogue. Je suis intimement persuadée que ce n’est qu’en partageant nos expertises que nous parviendrons à relancer la croissance, améliorer le quotidien des Français et leur redonner confiance.
Il est donc naturel pour moi de venir à la rencontre des chefs d’entreprise et des entrepreneurs français pour parler de ma vision de la fonction publique, de son actualité mais aussi de son avenir. Car cette vision que je porte n’est pas déconnectée de la réalité tout comme je ne crois pas que l’on puisse penser l’action publique en vase clos.
I Défendre les acquis de la fonction publique française
A. Déjouer stéréotypes et clichés contre les fonctionnaires
Votre colloque sur l’efficacité de l’action publique arrive au bon moment. En effet, il se déroule dans une séquence politique où le débat se crispe sur les fonctionnaires, sur leur utilité, sur leur efficacité mais aussi sur la pertinence de leur statut.
Pour réfléchir sereinement à ces questions, je crois qu’il est nécessaire de déconstruire un certain nombre de discours à la mode et de leur opposer un démenti catégorique.
« Privilégiés », « surprotégés », « absentéistes », les qualificatifs pour désigner les fonctionnaires sont nombreux et souvent caricaturaux. Ils viennent alimenter une vision réductrice de la fonction publique qui occulte en grande partie la réalité quotidienne de ces femmes et de ces hommes pleinement engagés au service de leurs concitoyens.
Face à ce jeu de surenchère polémique qui appelle explicitement à détricoter les fondements même de la fonction publique, quelques rappels s’imposent.
De manière générale, les attaques contre la fonction publique se concentrent sur le nombre des fonctionnaires. Un nombre jugé trop élevé et qui pèserait dangereusement sur les finances publiques. Je crois que cette approche mathématique n’est pas la bonne.
Mesdames et messieurs, je porte la conviction que la privatisation d’une partie du service public constituerait un net recul social. Et ce même si je ne suis pas opposée à l’externalisation de certaines tâches de l’administration. Toute notre histoire récente s’est construite sur des principes de justice et d’égalité sociale en matière de service public. Notre modèle de société a fait ses preuves et a toujours témoigné de sa robustesse comme de son adaptabilité.
B. Être fonctionnaire n’est pas un salariat ordinaire: défendre la spécificité du statut des fonctionnaires
Autre argument avancé par les détracteurs de la fonction publique : la remise en cause du statut spécifique des fonctionnaires.
Être fonctionnaire n’est pas un emploi comme un autre. Le statut fait en effet débat. Et lorsque certains y voient un totem intouchable et l’incarnation d’un conservatisme dépassé, d’autres défendent sa pertinence et sa dimension protectrice pour les agents.
Si je défends le statut, c’est d’abord parce que j’estime qu’il est légitime. Il est normal que les agents de la fonction publique soit protégés. Parce qu’ils ont des missions particulières, parce qu’ils servent l’intérêt général, celui de tous les Français, quel que soit leur condition, quel que soit leur encrage géographique, mais aussi parce qu’ils protègent les entreprises elles-mêmes.
L’une des forces du statut est qu’il répond à des impératifs d’impartialité qui sont toujours d’actualité.
Ce dernier garantit en effet l’indépendance et la neutralité de la fonction publique. L’entreprise n’a pas besoin de se soucier de l’opinion politique d’une administration tout comme le fonctionnaire est protégé d’éventuels pressions politiques ou économiques.
En définitive, le statut favorise l’équité de l’État vis-à-vis des entreprises et assure la continuité du service public pour les citoyens.
C. Le poids réel du service public en France ?
Pour compléter mon propos, je voudrais également insister sur la singularité du modèle de service public français. En France, l’action publique est portée conjointement par l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics hospitaliers et médico-sociaux.
En tant que premier employeur de France, ces trois versants de la fonction publique couvrent près de 20% de l’emploi sur le territoire, soit 5,4 millions d’agents publics.
A rebours des idées reçues, le nombre d’emplois publics en France n’est pas du tout supérieur à celui de nos voisins. Il est même assez similaire à la situation d’autres pays de l’OCDE.
La France, avec 90 emplois pour 1 000 habitants, a le même nombre d’emplois publics que le Royaume-Uni (88 pour 1000 habitants) mais est très en deçà des pays nordiques (160 pour 1000 habitants).
En France comme dans la plupart des pays de l’OCDE, les dépenses de rémunération publiques représentent 10% du PIB. Depuis 15 ans, la part de ces rémunérations est même en diminution dans notre pays.
Ceci étant dit, l’objet de de la discussion qui nous rassemble aujourd’hui est bien celui de la rénovation de la fonction publique et de l’amélioration de son efficacité. La clé de cette rénovation est de lui redonner un élan salvateur mais aussi de réinjecter du sens aux missions de ses agents. L’un ne peut aller sans l’autre.
Et si notre modèle reste performant, il est évident que nous pouvons davantage l’améliorer pour répondre le plus efficacement que possible aux évolutions des attentes des citoyens.
II L’action publique au service du développement économique
A. Les entreprises sont le moteur de l’économie française, les services publics sont là pour les accompagner Le deuxième axe que j’aimerais développer avec vous, c’est celui du lien qui unit l’action publique au développement de nos entreprises. Chacun doit prendre conscience que chaque centime dépensé dans le service public est un investissement indirect à destination du secteur privé.
Pierre Gattaz l’a rappelé il y a un instant, les services publics sont au service des Français mais aussi des entreprises. Vous le savez, vous en êtes les principaux acteurs, l’entreprise est en France le moteur de l’économie. C’est à la fois une force et un vecteur de rayonnement économique considérable.
Avec la fonction publique, l’État met en place un environnement propice et favorable au développement de l’économie française: infrastructures, réseaux de transports, services pour les employés, éducation, santé, sécurité… Autant d’investissements qui facilitent et accompagnent le développement de vos entreprises et le bien être de vos salariés.
Grâce à la fonction publique, la France gagne en qualité de travail et donne les moyens aux entreprises de s’épanouir et de prospérer dans le cadre le plus adapté. Certains entrepreneurs ne se rendent plus compte de l'importance de l'action publique.
Une fonction publique qui, notamment sur les territoires les plus fragiles, s’efforce de maintenir une égalité d’accès au service entre les citoyens et d’aider les territoires à se développer et à attirer des entreprises.
Il est donc absurde d’opposer entreprise et fonction publique. Nous avons des buts communs : le développement économique, l'emploi, la croissance. Sur chacun de ces points, nos objectifs convergent.
Et si je suis si hostile à cette querelle, c’est parce qu’elle occulte les vrais enjeux. Le public comme le privé sont à la fois interdépendants et complémentaires. Les renvoyer dos à dos n’a pas de sens. Car c’est ensemble que nous parviendrons à faire face aux défis que la France devra dès aujourd’hui relever.
B. Rénovation du service public est un élément important de la compétitivité française
Dans une note récente, France Stratégie abonde dans ce sens et apporte un éclairage intéressant sur les conditions de la compétitivité de l’économie française. Si la compétitivité concerne en premier lieu les entreprises, elle est directement influencée par l’efficacité de la sphère publique. Dans ce contexte, public et du privé ne peuvent être totalement dissociés.
III Des préoccupations communes
A. L’innovation managériale pour repenser les ressources humaines
Depuis le début du quinquennat le gouvernement a intensifié ses efforts vers une meilleure efficacité de l’action publique.
Dans cette perspective, la gestion ressources humaines apparait comme un formidable terrain d’innovation.
L’apport du privé sur ce plan peut constituer une réelle opportunité pour la fonction publique : il s’agit d’apprendre de vos méthodes tout en les adaptant aux spécificités du service public.
A nous, ensemble, de renforcer les interactions entre public et privé dans le prolongement de la mise en place du comité des directeurs des ressources humaines du public et du privé. Depuis un an, ce comité développe des passerelles entre les deux secteurs en leur faisant partager des expériences innovantes dans le domaine de la gestion des ressources humaines et du management.
Dans le public comme dans le privé, le souci de l’efficacité est central. C’est pourquoi, nous devons nous tourner vers l’innovation afin de développer de nouveaux modes de travail tout en améliorant les procédés existants. Cela réside
dans notre capacité à fixer des objectifs clairs aux prises avec nos besoins et de mettre en oeuvre les outils les plus efficients pour les remplir.
De même nous devons aller vers plus de souplesse et être prêts à modifier notre stratégie en cas d’incohérence entre objectifs et résultats. En ce sens, nous devons réfléchir à améliorer notre capacité à décentraliser le processus de décision, à autonomiser les agents et à faire évoluer le rôle de la hiérarchie.
B. Ouvrir davantage la fonction publique à la diversité
Enfin, il nous faut lever certains blocages. Le marché de l’emploi doit ressembler à la société. Il doit être à son image. J’ai bien conscience que la fonction publique, malgré des efforts conséquents, reste encore trop fermée à la diversité de la société française.
Mon objectif est d’ouvrir la fonction publique le plus largement possible. L’ouvrir à tous, sans distinction. Nul ne doit pouvoir se sentir exclu de la possibilité de servir l’intérêt général. Nul ne doit voir dans la fonction publique une forteresse impénétrable gardée par quelques privilégiés.
C. Des droits mais aussi et surtout des devoirs
Pour que notre modèle de fonction publique continue de garantir des services publics de qualité à tous nos concitoyens, nous nous sommes engagés depuis 4 ans à la rendre plus attractive tout en confortant ses fondamentaux.
Ce dernier point me semble crucial. Quels sont ces fondamentaux? Les fonctionnaires, s’ils ont des droits liés aux services qu’ils rendent quotidiennement aux citoyens, ont aussi des devoirs : devoirs d’exemplarité, de neutralité, de probité, respect de la laïcité. C’est d’ailleurs ce que le gouvernement a voulu rappeler avec force avec la loi déontologie voté le mois dernier.
La loi déontologie, en contrôlant mieux les conflits d’intérêt et les cumuls d’activité, établit un cadre serein dans lequel il est possible d’approfondir ce dialogue par des mobilités public-privé.
Conclusion
Pour conclure, je souhaiterais une fois de plus remercier Pierre Gattaz pour son invitation. Le dialogue entre secteur public et secteur privé doit être soutenu et constructif comme c’est le cas aujourd’hui. Cette journée de colloque est une excellente initiative et je me réjouis de vous voir tous réunis ici autour de la problématique de l’efficacité de la sphère publique. J’y vois le signe que les mentalités évoluent et que la fonction publique, telle que je la défends, a encore de beaux jours devant elle.
Je vous remercie
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