Infolettre n° 369 mardi 18 fevrier 2020 | |
Contact : Jacques DRAUSSIN jacques.draussin@biensur- | |
L’effet zigounette Personne, même le très satisfait de sa personne Benjamin Griveaux, ne mesurait sans doute l’effet papillon que l’exhibition turgescente d’une zigounette apparemment en pleine forme pouvait avoir, à la fois sur la politique de santé hexagonale et l’avenir de la capitale... Pourtant, en 24 heures à peine, un candidat à l’Hôtel de ville de Paris a abandonné ses dernières espérances d’édile en même temps que les Français perdaient leurs – hypothétiques - dernières illusions envers la dignité du débat public. Le système des vases communicants obéit à deux principes bien connus : celui de la mécanique des fluides depuis la Rome antique et celui de la boule puante numérique depuis l’Internet. Tout est effectivement affaire de niveau et celui qu’avait atteint le candidat de la REM était sans doute suffisamment bas, dès avant la divulgation de ses démonstrations priapistes, pour que le siphon électoral se mette en action et appelle à l’inversion de flux. Ce qui échappe en revanche à la mécanique des fluides, voire même selon certains à la logique politique, c’est qu’il faille aller chercher une ministre de la Santé submergée de dossiers brûlants pour s’engager dans une joute électorale à laquelle elle affirmait ne pas vouloir participer 48h auparavant [mais il s’agissait seulement de la deuxième position sur une liste d’arrondissement]. Si le vilain coronavirus veut bien rester tranquille, si Olivier Véran parvient à contenir la colère des personnels soignants, si le débat sur le système de retraite ne tourne pas à la foire d’empoigne parlementaire, si le dossier sur la dépendance n’est pas une nouvelle fois refermé, si le revenu universel d’activité parvient à voir le jour… alors on cessera certainement de reprocher à Agnès Buzyn d’avoir lâché la proie pour l’ombre ou de prétendre qu’elle a été sacrifiée pour la cause. On louera même son adresse stratégique. Mais c’est vrai, avec des si, on mettrait Paris en bouteille. Jacques DRAUSSIN | |
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TRIBUNE. "L'aide active à mourir, un débat nécessaire"
Thierry Beaudet, président de la Mutualité française, signe une tribune pour appeler à ouvrir un débat parlementaire sur la fin de vie.
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Voici la tribune de Thierry Beaudet, président de la Mutualité Française, au sujet de la fin de vie : "La révision de la loi bioéthique explore en ce moment certains territoires touchant au droit à la vie, voire à la vie 'augmentée' ou 'accompagnée' : PMA pour toutes les femmes et intelligence artificielle. Elle y apporte des réponses empreintes des valeurs propres à notre République pour offrir plus de liberté et plus d’égalité. Nous nous en réjouissons. Pour autant, à mon sens, elle demeure incomplète en laissant de côté une question actuelle et fondamentale : le droit de choisir une fin de vie digne.
Pour des raisons culturelles ou cultuelles, la fin de vie en France, et a fortiori son accélération volontaire pour des motifs thérapeutiques, reste un domaine interdit. La mort serait un mystère intouchable, en débattre serait inconvenant. Face à la douleur ou à une dégradation physique vécue comme insupportable et humiliante, notre société décide de facto qu’il faut se faire disciple de Sénèque et se taire pour rester digne. Ou, pour les familles et le corps médical, vivre le traumatisme des prétoires et de l’exposition malsaine que cela engendre.
Le droit à la fin de vie assistée progresse trop lentement
Le droit à la gestation - son contrôle comme son accomplissement - s’est heureusement étendu. Peu à peu des limites et des tabous sont tombés. A contrario, le droit à la fin de vie assistée progresse trop lentement, le plus souvent en réaction à des situations dramatiques.
Bien sûr, le Code de déontologie médicale (article 37), le Code de santé publique (article L 1111-4) et les lois Leonetti de 2005, puis Leonetti-Claeys de 2016 créent et élargissent les droits des malades et des personnes en fin de vie. Sont visés les objectifs de soulager la douleur, d’éviter une obstination déraisonnable, de respecter durablement la volonté de la personne malade ou d’une personne de confiance par le biais des directives anticipées, de développer des soins palliatifs jusqu’à la sédation profonde.
Mais, contrairement à certains pays voisins, aucun de ces textes ne traite de l’aide active à mourir. Et les débats du CCNE (Comité consultatif national d’éthique) préalables à la révision de la loi bioéthique ont écarté d’emblée cette option.
Avec l’augmentation de la durée de la vie, [cette question] se posera de manière lancinante
Or cette question mérite d’être débattue au nom de la responsabilité. Avec l’augmentation de la durée de la vie, elle se posera de manière lancinante. Elle s’imposera aux personnes concernées, bien sûr, mais aussi à leurs familles, à leurs médecins. Elle s’imposera à notre société. Mais toujours avec le risque de la fragmenter et d’alimenter la chronique si on n’y remédie pas avant.
Cette question mérite également d’être débattue au nom de la dignité.
Il y a plusieurs façons de comprendre la dignité, qui peuvent d’ailleurs être antagonistes.
Il en est une qui fait de "la vie" une vertu cardinale, un principe intouchable. Celle-ci restreint la liberté individuelle face aux aléas de la vie, y compris ceux qui conduisent à une douleur ou à une situation inhumaines. Cette acception de la dignité interdit de modifier par quelque manière que ce soit le cours de la vie, aussi accidenté et insupportable soit-il.
Il est une autre acception de la dignité qui, au contraire, revendique l’autonomie et le libre arbitre face à ces mêmes aléas. Cette acception invite à intervenir - par la science et la médecine - à tous les moments de la vie, de la naissance à la mort. C’est cette acception que je défends.
Les pays voisins qui se sont engagés dans cette voie peuvent être une source d’inspiration
C’est au nom de cette dignité et de cette autonomie que des mutualistes ont été pionniers en développant l’accouchement sans douleur, en permettant aux femmes en situation de handicap de vivre une maternité heureuse et que, plus largement, ils ont milité pour que femmes et hommes puissent disposer librement de leur corps.
C’est au nom de cette dignité et de cette liberté qu’il me semble nécessaire qu’un débat sur l’aide active à mourir soit ouvert. Les pays voisins qui se sont engagés dans cette voie peuvent être une source d’inspiration pour le nourrir. La Mutualité Française, par le biais de son espace fédéral d’éthique, s’est emparée de cette question et va l’instruire au premier semestre de cette année.
Pour ma part, je plaide pour une solution de liberté qui laisse à chacun le choix d’une fin de vie digne. Et si une réforme allait dans ce sens, alors je suis sûr que des mutuelles se feraient encore pionnières en créant les lieux et les conditions permettant d’exercer cette liberté."