lundi 30 octobre 2023

🟥 Interview exclusive de Olivier Falorni*, dĂ©putĂ© et PrĂ©sident du groupe d’Ă©tudes parlementaires sur la fin de vie

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👉 Monsieur le DĂ©putĂ©, depuis votre Ă©lection en 2012 vous avez engagĂ© un combat sur la fin de vie afin que chaque ĂŞtre humain ait le choix de mourir dans la dignitĂ©. Vous avez mobilisĂ© votre Ă©quipe afin de bien recenser les choix des français tout en respectant les professionnels de santĂ©. C’Ă©tait l’engagement N° 20 du candidat François Hollande. Quel est le motif personnel de votre engagement sur ce thème ?

Mon engagement, c’est le fruit de convictions qui se confrontent au rĂ©el. En l’occurrence, mes convictions ont Ă©tĂ© confortĂ©es (hĂ©las) par la rĂ©alitĂ© de la fin de vie en France. Je vais vous citer un exemple marquant Ă  mes yeux, parmi tant d’autres.
En avril 2005, Paulette Guinchard, qui fut secrĂ©taire d’État chargĂ©e des personnes âgĂ©es, que j’ai bien connu au Parti socialiste et avec qui nous avions des dĂ©saccords sur le sujet, signait une tribune dans le Monde pour dĂ©fendre le choix de la France d’Ă©carter la lĂ©galisation de l’aide active Ă  mourir.
Le 4 mars 2021, quelques jours avant que je ne dĂ©fende ma proposition de loi sur la fin de vie dans l’hĂ©micycle de l’AssemblĂ©e nationale, elle dĂ©cidait de mettre fin Ă  ses jours en recourant au suicide assistĂ©. Elle Ă©tait atteinte d’une maladie neurodĂ©gĂ©nĂ©rative. Sa maladie et ses souffrances l’on amenĂ©es Ă  prendre une dĂ©cision qu’elle n’aurait sans doute pas imaginĂ©e prendre quelques annĂ©es plus tĂ´t. J’avais beaucoup d’estime et d’amitiĂ© pour Paulette Guinchard et son choix, qu’elle a souhaitĂ© que l’on connaisse pour faire bouger les choses, a confirmĂ© Ă  mes yeux la nĂ©cessitĂ© de faire Ă©voluer la loi.
J’ai reçu tant de tĂ©moignages comme le sien ces dernières annĂ©es, connu tant de parcours douloureux, qu’il me semble maintenant nĂ©cessaire que soit enfin reconnu le droit Ă  une aide active Ă  mourir pour toute personne capable, majeure, en phase avancĂ©e ou terminale d’une affection grave et incurable. Affection lui infligeant une souffrance physique insupportable qui ne pourrait ĂŞtre apaisĂ©e. Le malade exprimerait sa demande de manière libre, Ă©clairĂ©e et rĂ©itĂ©rĂ©e.


👉Beaucoup de tĂ©moignages de personnalitĂ©s sur leur choix de fin de vie, Charles BiĂ©try, d’artistes, Françoise Hardy, Line Renaud vous soutiennent dans votre combat pour permettre de mourir dans la dignitĂ©. Avez-vous espoir d’y arriver cette annĂ©e ?

Oui, l’ouverture d’un grand dĂ©bat public sur la fin de vie a amenĂ©, depuis quelques annĂ©es, beaucoup de personnes, connues ou inconnues, Ă  tĂ©moigner sur le sujet et c’est très prĂ©cieux. Mon amie Line Renaud est particulièrement impliquĂ©e dans cette cause et je la remercie du fond du cĹ“ur pour l’Ă©nergie et la dĂ©termination qu’elle y met. Je l’admire profondĂ©ment pour son humanisme et son attention aux autres. D’autres personnalitĂ©s ont aussi pris la parole, je pense ainsi au Dr Marina Carrère d’Encausse qui s’est exprimĂ©e de façon absolument remarquable sur ce sujet.
Je suis confiant, tout en restant vigilant, concernant l’avancĂ©e de ce texte qui devrait ĂŞtre dĂ©battu au dĂ©but de l’annĂ©e 2024 Ă  l’AssemblĂ©e nationale. Et je continuerai bien sĂ»r plus que jamais Ă  m’y impliquer fortement.


👉 La convention citoyenne a terminĂ© ses travaux le 2 avril 2023 et s’est dĂ©clarĂ©e très majoritairement favorable Ă  l’ouverture d’une aide Ă  mourir dans la dignitĂ© et Ă  l’amĂ©lioration de l’accompagnement de la fin de vie. Quelle est votre analyse sur les travaux de cette commission et leurs conclusions ?

184 citoyens tirĂ©s au sort ont travaillĂ© pendant 27 jours sur la fin de vie. Dans le rapport qu’ils ont rendu public, ils appellent Ă  des « changements profonds » de la lĂ©gislation en vigueur. Ils ont produit un travail absolument remarquable. Ils ont dit clairement, Ă  76 %, qu’ils voulaient une loi sur l’aide active Ă  mourir. C’est pour moi la lettre de mission donnĂ©e par la convention citoyenne au Parlement.


👉 Comment poser les bases dĂ©licates d’un dĂ©bat ordonnĂ©, serein, et Ă©clairĂ©, tant les positions peuvent ĂŞtre Ă©loignĂ©es entre ceux qui dĂ©fendent la lĂ©galisation de l’euthanasie ou du suicide assistĂ©, et les partisans d’une mort « naturelle » qu’ils appellent Ă  accompagner grâce aux soins palliatifs ?

Chacun pourra choisir sa libertĂ© ultime. Il s’agit de mettre en place cette possibilitĂ© pour celles et ceux qui le souhaitent. C’est un droit qui n’en retire aucun, Ă  personne !  D’ailleurs, au sein de l’opinion publique, les choses sont très claires. De nombreuses Ă©tudes d’opinion faites depuis quelques annĂ©es font Ă©tat du mĂŞme rĂ©sultat. Plus de 3/4 des Français sont favorables Ă  l’autorisation d’une aide active Ă  mourir dans un cadre lĂ©gal prĂ©cis.


👉 Dans le cadre de la loi, quelle diffĂ©rence faites-vous entre sĂ©dation, euthanasie et suicide assistĂ© ?

La sĂ©dation profonde et continue maintenue jusqu’au dĂ©cès consiste Ă  endormir dĂ©finitivement les malades en très grande souffrance, si leur pronostic vital est engagĂ© « Ă  court terme » par leur maladie ou leur dĂ©cision d’arrĂŞter les traitements. Un produit est injectĂ© en intraveineuse en combinaison avec l’arrĂŞt de l’alimentation et de l’hydratation. La mort peut intervenir en quelques heures mais cela peut durer parfois plusieurs jours voire plus.
Le suicide assisté signifie que la personne elle-même accomplit le geste, en absorbant un produit létal préalablement délivré.
L’euthanasie est un acte pratiquĂ© par un mĂ©decin, destinĂ© Ă  mettre fin Ă  la vie d’une personne atteinte d’une maladie grave et incurable, Ă  sa demande, afin de faire cesser une situation qu’elle juge insupportable.


👉 Plusieurs lois existent dĂ©jĂ  : la loi du 9 juin 1999, « droits d’accès pour tous au soulagement de la douleur et Ă  des soins palliatifs en fin de vie » ; La loi du 4 mars 2002 « droit au refus de traitement et droit Ă  dĂ©signer une personne de confiance » ; La loi 2005 « Leonetti » introduit l’interdiction de l’obstination dĂ©raisonnable ; La loi 2 fĂ©vrier 2016 « Claeys-Leonetti », les directives anticipĂ©es sont revalorisĂ©es, rĂ´le de la personne de confiance renforcĂ©e ; possibilitĂ© pour le patient de demander l’accès Ă  une sĂ©dation profonde et continue jusqu’au dĂ©cès . Une nouvelle loi, quel intĂ©rĂŞt et pour quoi faire ?

J’ai prĂ©sidĂ© la mission d’Ă©valuation de la loi Claeys-Leonetti qui a rendu son rapport en avril dernier. Plusieurs constats ont Ă©tĂ© faits et de nombreuses recommandations ont Ă©tĂ© proposĂ©es. J’espère voir ces dernières reprises dans le futur projet de loi qui sera soumis au Parlement.
L’accès aux soins palliatifs demeure insatisfaisant car l’offre demeure insuffisante malgrĂ© leur dĂ©veloppement progressif. Des disparitĂ©s territoriales sont persistantes. 21 dĂ©partements ne disposent toujours pas d’unitĂ©s de soins palliatifs.
Les directives anticipĂ©es et la personne de confiance constituent des avancĂ©es mais leur portĂ©e est limitĂ©e dans les faits. L’enjeu est donc d’informer et de sensibiliser pour mieux faire connaĂ®tre ces droits auprès de tous nos concitoyens.
Par ailleurs, si la sĂ©dation profonde et continue jusqu’au dĂ©cès s’avère une Ă©volution lĂ©gislative nĂ©cessaire, elle est en rĂ©alitĂ© très peu utilisĂ©e. Pourquoi ? Parce qu’il faut en clarifier les modalitĂ©s d’application et accompagner au mieux les professionnels de santĂ© dans sa mise en Ĺ“uvre.


👉 Comment articuler l’existence et le dĂ©veloppement des soins palliatifs avec votre projet de loi sur la fin de vie ?
 
Il y a beaucoup de choses Ă  faire !
Il faut poursuivre le dĂ©veloppement de l’offre palliative dans les Ă©tablissements sanitaires et mĂ©dico-sociaux ainsi qu’Ă  domicile, afin de garantir l’accès aux soins palliatifs Ă  tous les malades.
Nous devons aussi revoir le modèle de financement des soins palliatifs (supprimer la T2A), gĂ©nĂ©raliser les formations Ă  la fin de vie et Ă  l’approche palliative pendant les Ă©tudes des professionnels de santĂ© et pendant leur carrière, en associant cultures palliative et curative, mais aussi dĂ©velopper et valoriser la filière palliative comme discipline autonome (crĂ©ation d’un DES).
Il n’y a aucune opposition Ă  mes yeux entre soins palliatifs et aide active Ă  mourir. Au contraire, ils doivent s’inscrire dans un parcours d’accompagnement de fin de vie le plus adaptĂ© Ă  la situation diffĂ©rente de chaque malade.

✒️ "Monsieur le dĂ©putĂ©, permettez-moi de vous remercier de m’avoir consacrĂ© beaucoup de temps malgrĂ© votre activitĂ© dĂ©bordante, j’espère sincèrement que vous rĂ©ussirez dans votre projet de loi sur la fin de vie"  Serge RochĂ© 

Olivier Falorni

est Député de la Charente-Maritime & Président du groupe d'études parlementaire sur la fin de vie

Contact 📧  ofalorni@assemblee-nationale.fr


Propos recueillis par Serge RochĂ© auprès du dĂ©putĂ© Olivier Falorni. 

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