mardi 19 novembre 2013

Adolescence et pathologies

Colloque du 12 octobre 2013
 
Présentation du colloque par le Pr. Sami-Ali
 
Je tiens à situer ma conception de la psychosomatique non pas comme une spécialité de la médecine, mais plutôt comme une interrogation sur le lien ente l’âme et le corps qui, pour moi, ne sont pas deux entités, mais deux concepts destinés à rendre compréhensible une réalité qui nous dépasse. Dans mon dernier ouvrage, je donne  le nom de théorie relationnelle à ce nouveau modèle théorique et y développe la pensée de l’unité.
 
Ce qu’il faut rechercher c’est l’unité psyché-soma qui doit être pensée autrement à l’adolescence. Elle doit y inclure la multiplicité du fonctionnement adolescent dans une pespective nouvelle ouverte au conflit avec ou sans issue, facteur de la pathologie psychosomatique.
 
Professeur Sami-Ali
Directeur scientifique du CIPS
 
Le Centre international de Psychosomatique
Présentation et historique
 
Crée en 1986, il est dirigé par le professeur Sami-Ali, avec la collaboration de Sylvie Cady. C’est un organisme de formation et de recherche ouvert à tous ceux (médecins, psychothérapeutes, psychologues, psychomotriciens, professionnels de la santé, etc.) qui désirent, soit acquérir, pour leur pratique, des outils thérapeutiques leur permettant de mieux situer leur expérience personnelle tant au niveau diagnostic que thérapeutique, soit ouvrir leurs connaissances ou s’inscrire dans une perspective de recherche. Le Centre est membre de la Fédération française de psychothérapie et de psychanalyse.
 
Historique de la Psychosomatique
La psychosomatique est apparue en France en 1947 avec le Professeur Ziwar dans le service du Professeur F. Delay à
l’Hôpital Sainte-Anne. Il était à l’époque Chef de Clinique en Psychiatrie et Membre de la Société Psychanalytique de
Paris. Il avait pour élève les Professeurs Marty et Sami-Ali.
En 1978, il écrit un article intitulé Psychanalyse des principaux syndromes psychosomatiques et publie dans la Revue
Française de Psychanalyse.
Fin 1965, Sami-Ali travaille au CMPP Claude Bernard où il crée un séminaire de psychosomatique.
En 1972, il est appelé à l’Université Paris VII où il crée un enseignement de la psychosomatique. Il y fait évoluer son
séminaire vers un séminaire de recherche.
En 1980, il travaille à la Poterne des Peupliers où il est Directeur de la Recherche.
Puis il y a rupture autour de la sortie du livre Le Banal.
En 1984, il crée à l’Université Paris VII l’Unité de Recherche en psychosomatique.
En 1987, il fonde le Centre d’Étude et de Recherche en psychosomatique qui se transforme rapidement en Centre
International de Psychosomatique.
En 1989, Sami-Ali et Sylvie Cady fondent le Centre International de Psychosomatique.
Sami-Ali est le Directeur Scientifique, Sylvie Cady le directeur.
Dès lors, le séminaire de recherche du Professeur Sami-Ali a lieu au CIPS.
Professeur Sami-Ali
Professeur émérite de l’université Paris-VII et directeur scientifique du Centre
international de Psychosomatique.
Il a publié de nombreux ouvrages sur la psychanalyse et la psychosomatique dont :
- L’Espace imaginaire (Gallimard, 1974),
- Le Banal (Gallimard, 1980),
- Penser le somatique (Dunod, 1987),
- Le Rêve et l’affect (Dunod, 1997),
- Le Corps, l’espace et le temps (Dunod, 1998),
- Corps réel, corps imaginaire (Dunod, 2010),
- Penser l’unité (L’esprit du temps, 2011).
Elle a publié de nombreux ouvrages sur la psychosomatique :
- Latéralité et image du corps chez l’enfant, Bayard, Paris, 1988
- Le corps, le mouvement et la parole, Dunod, Paris, 1992
- Les métamorphoses du corps, Sylvie Cady - Catherine Roseau, L’Harmattan, Paris, 1996
- Psychothérapie de la Relaxation, Dunod, Paris, 1998
- L’enfant allergique, Dunod, Paris, 2000
- La relaxation psychosomatique, Dunod, Paris, 2003
- Psicosomatica, Ed. Eugenio Barrera, Madrid, 2005
- Nouvelles perspectives pour la psychosomatique, Sami-Ali et Sylvie Cady, Universita Eticca, Bologne, 2006
- Soigner l’enfant psychosomatique, EDK, Paris, 2008
- Soigner l’allergie en psychosomatique, EDK, Paris, 2009
- Soigner en psychosomatique les problèmes scolaires. À paraître.
Sylvie Cady
Docteur en psychologie clinique, Psychanalyste, Psychosomaticienne, Directeur du Centre international de psychosomatique, Responsable du DU de psychosomatique à Toulouse, Directrice de la Collection Recherches en psychosomatique aux Editions EDK.
 
Intervenants du colloque
Pr Maurice Corcos
Chef du Département de Psychiatrie de l’Adolescent et du Jeune Adulte, Institut Mutualiste Montsouris.
 
Approche psychosomatique des troubles des conduites alimentaires à l’adolescence : le corps absent.
 
Les troubles des conduites alimentaires suscitent un intérêt grandissant qui témoigne d’un accroissement de ces affections, mais aussi de leur fort impact dans l’imaginaire social. Situées au carrefour de la psychologie individuelle, des relations familiales et sociales et du médical, ces pathologies offrent, par leur complexité et leur caractère provocant, un modèle des enjeux qui se développent préférentiellement à l’adolescence et chez les sujets féminins. Cette communication reprendra les principales dimensions psychopathologiques participant à la compréhension des conduites alimentaires en les articulant avec les mécanismes neurobiologiques entretenant la dépendance. Intégrant l’impact de l’environnement socioculturel et les dimensions transgénérationnelles, le proposera une approche psychosomatique de la boulimie et de l’anorexie. Dans une approche pathogénique, et transnosographique, nous évoquerons dans le dysfonctionnement des inter-relations précoces et ses conséquences sur le développement de l’enfant et le processus d’adolescence, une hypothèse centrale dans les conduites addictives alimentaires : la défaillance du maternel chez les mères des patientes ; en particulier dans l’investissement du corps autonome, vivant et érotique de l’enfant. Cette défaillance ne favoriserait pas une bonne intégration du féminin chez le sujet et participerait à l’avènement d’une organisation sadomasochiste qui le fixe à ses objets infantiles.
 
Le plus constant chez les mères des patientes apparaît être la résurgence d’une problématique qui peut se définir en terme de clivage corps-psyché à l’origine de défaut dans l’édification du soi psychique et somatique chez l’enfant, au sens où le moi est séparé de l’origine charnelle des émotions. Nous privilégions ainsi dans ces pathologies du corps le défaut d’investissement du soi somatique, avec son retentissement sur la première organisation de l’image du corps.
 
Nous évoquerons une transmission « corps à corps » (sous forme d’engrammes corporels) d’une psychopathologie maternelle (la distillation corps à corps de l’élément féminin pur par le maternel est barré) avec pour l’enfant un développement et une gestion sans contenant et sans auxiliaire physique et psychique organisateur et liant des éprouvés corporels et le développement d’autoérotismes non nourris physiquement et psychiquement de l’objet.
 
Pr François Marty
Professeur à l’Université Paris Descartes, Président du CILA de 2003 à 2011, Directeur de
l’Institut de Psychologie (Paris Descartes) de 2007 à 2012, Membre du Collège International
de l’adolescence, Responsable Scientifique du CIPS.
Le fonctionnement psychosomatique à l’adolescence comme traitement de l’angoisse.
À partir de l’exemple de l’obésité à l’adolescence, nous voudrions montrer comment le corps prend en charge une problématique
psychique, illustrant ainsi l’hypothèse selon laquelle le fonctionnement psychosomatique est une façon de
traiter l’angoisse, ici de séparation. L’obésité à l’adolescence est le fruit d’une résistance à la génitalisation du corps, un
refus du meurtre symbolique des parents. Les parents sont comme absorbés pour ne pas en être séparés, pour ne pas
les perdre. L’obésité à l’adolescence marque la difficulté à élaborer psychiquement cette perte des objets de l’enfance.
À la place du travail de deuil, il lui est préféré l’incorporation et non l’introjection de ces objets parentaux, comme
moyen de lutter contre la dépression liée à la peur de leur perte.
 
Pr. Jean-Marie Gauthier
Professeur à l’Université de Liège (Belgique), Responsable du Département du CIPS en
Belgique.
L’identité, la maladie et la dynamique du temps à l’adolescence.
Notre identité est intimement liée au développement de nos capacités narratives. Nous étudions depuis quelques
années ce processus grâce à la méthode d’analyse discursive assistée par ordinateur. La puberté met à mal cette
construction identitaire en mettant en question les rapports que le jeune entretient, comme source de pensée et de
sécurité, avec son corps. Nous avons choisi d’étudier les récits de vie d’adolescents sans particularité psychopathologique
et de les comparer à des discours d’adolescents obèses, d’adolescents déprimés hospitalisés et non-hospitalisés
et d’adolescents qui souffrent d’hémophilie. Nous avons pu montrer que ces cinq types de discours présentent des
caractéristiques bien différentes en ce qui concerne le rapport au temps, aux copains et à la famille. Par ailleurs, on
note d’importantes différences dans l’utilisation des pronoms personnels ce qui permet par exemple de préciser que
les discours d’adolescents obèses sont particulièrement dépersonnalisés, ce qui pose tout le problème de leur prise
en charge. Dans tous les cas qui présentent des manifestations psychopathologiques, on note aussi de grosses difficultés
pour ces jeunes à s’inscrire dans une histoire, ce qui pourrait expliquer bien des difficultés que nous rencontrons lorsque nous tentons de leur proposer un travail sychothérapeutique.
 
Dr Maurice Bensoussan
Psychiatre, Psychothérapeute - Université de Toulouse, Président du Collège National pour la Qualité des Soins en Psychiatrie (CNQSP), Vice-président de l’Association Française de Psychiatrie (AFP), Responsable Pédagogique du CIPS.
 
Quelle psychothérapie pour l’adolescent ?
 
Le titre est volontairement au singulier alors que souvent le praticien fait appel à une pluralité de registres pour créer la relation thérapeutique avec l’adolescent. Ce choix d’affirmer le singulier est porté par l’enseignement de Sami Ali, qui, à partir du savoir, explicite l’importance de s’en défaire pour dépasser l’application d’une technicité, d’un mode d’emploi dans le but d’accéder à l’authenticité de la relation. La relation est au préalable définie par ses 4 composantes plus une que sont : le rêve, l’affect, l’espace, le temps et la langue maternelle. Ainsi, cette notion de psychothérapie au singulier apparait, dans un couple logique entre théorie et pratique, comme l’équivalent thérapeutique du concept de l’unité. Une possibilité s’ouvre alors pour créer un espace thérapeutique qui dépasse la séparation du biologique et du psychologique, de l’âme et du corps. La prise en charge en hospitalisation à temps complet d’une adolescente souffrant d’une anorexie mentale sévère, illustre la mise en œuvre institutionnelle d’une pratique de la théorie relationnelle. C’est une psychothérapie qui va inclure différents intervenants et modalités sans exclure d’autres approches thérapeutiques rendues nécessaires par la pathologie elle-même. Penser l’unité de l’âme et du corps a créé une dynamique thérapeutique dans le temps d’une hospitalisation appliquant la psychosomatique relationnelle. Articuler les différentes prises en charges, individuelles avec des temps et des espaces différents, en groupe avec ou sans médiation, somatiques, familiales… structure la thérapeutique et donne une unité à la prise en charge qui porte le processus thérapeutique.
 
Sylvie Cady
Docteur en Psychologie clinique, Psychanalyste, Psychosomaticienne, Directeur du Centre International de Psychosomatique, Responsable Pédagogique du DU de Psychosomatique -Université de Toulouse, Membre de l’EAP (European Association for Psychotherapy).
 
Adolescence et allergie.
 
Pour une partie du fonctionnement allergique qui correspond à ces patients pris dans une relation identitaire à la mère dans le double, le père fonctionne en tant que tiers diffèrenciateur de l’image maternelle. Ceci confronte le sujet à un vide identitaire qui ne peut être représenté. À la place, il y a une réponse directe à travers le biologique : le processus immunologique de l’allergie, une fois possible la constuction identitaire du sujet, le tiers peut jouer son rôle de différenciation. À partir de là, la problèmatique adolescente apparait.
Intervenants du colloque
 
Dr Jean-François Le Goff
Médecin Honoraire des Hôpitaux, Psychiatre, ancien médecin-chef de secteur psychiatrique Attaché de consultation en Thérapie familiale à l’Unité de lutte contre les douleurs de l’enfant (Hôpital Trousseau - Paris).
 
Douleurs à l’adolescence et thérapies avec les familles.
 
La douleur de l’enfant ou de l’adolescent, indépendamment de son étiologie, agit comme une lame de fond qui bouleverse les fonctionnements familiaux, polarise les fonctions parentales, accentue des conflits préexistants et en révèle de nouveau, créant ainsi des situations d’épuisement relationnel.
 
À la différence des thérapies et des thérapeutiques individuelles, les séances de thérapie familiale n’ont pas pour objectif de soulager directement la douleur de l’enfant ou de l’adolescent, mais de prendre en considération les impacts sur la vie quotidienne dans la famille. Ses effets peuvent être importants et bénéfiques à court ou à long terme. Elles permettent de sortir des impasses relationnelles, de diminuer les stress déclencheurs des crises douloureuses, d’aborder les conflits préexistants ou liés à la douleur de l’enfant et, surtout, l’épuisement relationnel dans la famille.
 
Le dialogue thérapeutique a pour but de réactiver la créativité relationnelle de chaque membre, d’apaiser les stress en favorisant la tolérance à l’originalité de chacun, et de cette façon faciliter les évolutions inattendues en retrouvant le chemin d’un imaginaire familial constructif.
 
 
Martine Derzelle,
Psychologue, Psychanalyste, Maître de Conférences (HDR) en psychologie - Faculté de Médecine de Reims.
 
L’âge où le corps est un ennemi.
 
Situation particulière que celle de l’adolescent dont un des parents est atteint de cancer. À l’âge ou « le corps est un ennemi », entraînant une distorsion de l’espace et du temps, la mise à distance des objets oedipiens va déboucher le plus souvent sur une inconfortable ambivalence amplifiée et difficile à vivre. Inhibition de l’autonomisation, recul de la confrontation au changement, conséquences sur la sexualité et la spéciation sont les enjeux d’une telle configuration « en miroir ».
 
Leila Al Husseini
Psychologue, Psychosomaticienne, Art-Thérapeute en psychosomatique relationnelle, Responsable du Département de Lausanne (Suisse).
 
Adolescent en quête d’identité : art-thérapie et psychosomatique relationnelle.
 
En revenant sur une thérapie en cours d’une jeune adolescente souffrant d’un traumatisme à l’enfance et en quête identitaire, je vais vous exposer, durant ce colloque, l’essentiel de la démarche en art-thérapie relationnelle qui se sert de plusieurs formes d’expression : peinture, collage écriture. Cependant, il n’est pas aisé de transmettre une technique qui prend sa valeur à travers ses manifestations immédiates dans la relation thérapeutique. J’essayerai de vous présenter quelques moments importants de cette thérapie, où l’émergence du corps coïncide avec le retour des émotions jusqu’alors refoulées et l’imaginaire qui revient en force et permet à cette adolescente de découvrir des perspectives qui étaient assombries par la dépression.
 
Intervenants du colloque
 
 Dr Adele Bucalo Triglia
Médecin Psychiatre, Psychothérapeute en psychosomatique relationnelle, Président du CRPS (Centre di Ricerca PsicoSomatica di Palermo), Responsable Scientifique du Département CIPS en Italie.
 
Adolescence, Identité et Maladie de Crohn.
Le cas clinique montre une situation problématique du patient autour de la question de l’identité. La maladie de Crohn affecte le patient à l’époque de l’adolescence, le patient souffre d’une pathologie d’adaptation, il vit en miroir avec la mère, en se retirant dans un espace paranoïaque. Le patient reste pourtant isolé dans un monde étrange à soi-même et le corps du patient n’est pas suffisamment séparé ni distingué par le corps maternel. Dans la relation thérapeutique, le thérapeute cherche l’occasion de le mettre à l’évidence. La mémoire du fait traumatique au-dedans de la relation thérapeutique lui permet de récupérer l’affect, ambigu et bénévole, vers le père, et de tracer ainsi la premier distance entre le sujet et le corps de la mère. Mais la problématique de l’identité est bien complexe, comme le rêve du miroir le met en évidence.
 
Intervenants du colloque
 
Le Dr Maurice Bensoussan est intervenu 250 personnes ont participé au colloque.
Le Dr Théo Leydenbach, responsable scientifique du CIPS, a été le modérateur du colloque. Le Pr Maurice Corcos est intervenu sur le thème de l’approche psychosomatique des troubles des conduites alimentaires à l’adolescence : le corps absent. Le Pr Sami-Ali a ouvert le colloque. Sylvie Cady est intervenue sur le thème de
l’allergie et l’adolescence.  Sur le thème « Quelle psychothérapie pour un
adolescent ? ».Martine Derzelle est intervenue sur le thème
« L’âge où le corps est un ennemi ». Le Pr François Marty est intervenu sur le thème du fonctionnement psychosomatique à l’adolescence comme traitement de l’angoisse. Le Pr Jean-Marie Gauthier est intervenu sur le thème « L’identité, la maladie et la dynamique du temps
à l adolescence ».
 
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