Intelligence artificielle et médecine en France : entre promesses et préoccupations des professionnels de santé
À l’heure de la croissance accélérée de l’IA, tous secteurs confondus, Medscape s’intéresse au rapport qu’entretiennent les médecins français à l’intelligence artificielle dont l’usage reste encore limité.
Paris, le 2 octobre 2024 - Si l'intelligence artificielle s'invite au cœur de la pratique médicale, elle suscite à la fois espoirs et interrogations. Dans quelle mesure cette révolution technologique transformera-t-elle la médecine telle que nous la connaissons ? Pour y répondre, plus de 1 077 praticiens français ont partagé leurs points de vue dans une enquête exclusive conduite entre janvier et juin 2024 et qui apporte des réponses nuancées entre espoirs et inquiétudes.
L’IA, moteur d’efficacité dans la pratique médicale Si son usage reste encore limité en France, l’IA est principalement employée pour des recherches sur des pathologies (20 %), des tâches administratives (12 %) ou pour établir des diagnostics (11 %), par les médecins ayant répondu au sondage Medcape. Les praticiens l’utilisent également pour lire des radiographies, effectuer des recherches approfondies sur des maladies rares, rédiger des synthèses ou transcrire des entretiens pour la recherche. L’étude Medscape confirme que, malgré une utilisation encore limitée, les médecins sont de plus en plus nombreux à reconnaître les avantages futurs de l'IA. Une majorité envisage de l'intégrer à leur pratique, notamment pour des tâches techniques et administratives chronophages, comme la gestion des rendez-vous, la recherche sur des pathologies ou la mise à jour des dossiers médicaux. Sur le plan médical, 57% des praticiens estiment que l'IA pourra également les aider à établir des diagnostics, un moteur d’efficacité donc et de gain de temps assuré. Les craintes des professionnels face à l’IA (à peine 10% des médecins intérrogés estiment avoir une très bonne maitrise de l’IA) Si l’apport est indéniable, les questions soulevées par ce nouvel allié des professionnels de santé sont nombreuses : fiabilité quant au diagnostic posé par l’homme ou la machine, rapport humain à la patientèle, sécurisation des précieuses données... L’enquête menée par Medscape montre qu’une large majorité des médecins français reconnaît l'importance de se tenir informés sur les apports potentiels de l'IA dans leur métier. Cependant, beaucoup estiment encore ne pas posséder les connaissances nécessaires pour en tirer pleinement parti.
- Ainsi, les hommes se jugent globalement mieux informés (13 % se disent bien informés) que leurs collègues féminines, dont deux tiers estiment avoir une connaissance limitée de l'IA. - Les spécialistes semblent également mieux armés face à cette technologie : 43% d'entre eux affirment être relativement bien informés, contre seulement 57% des généralistes qui se disent « mal informés ». - Enfin, les médecins plus âgés (plus de 45 ans) se déclarent plus au fait des avancées de l'IA que leurs confrères plus jeunes (51% contre 43%).
Les pour et les contre de l’IA pour le monde de la médecine
L'arrivée de l'IA en santé divise la profession médicale entre enthousiasmes et appréhensions. Si une partie des médecins, notamment 50% des hommes, voient en elle des avancées techniques majeures, 44% des femmes expriment des craintes, en particulier sur son impact potentiel sur la relation médecin-patient. Près de la moitié des praticiens sont ouverts à l'utilisation de l'IA pour améliorer diagnostics et traitements, mais 39% craignent qu'elle ne remplace leur expertise. La majorité insiste sur l'importance de préserver la décision médicale et s'inquiète de la déshumanisation de la médecine. En dépit des réserves émises toutefois, la majorité de médecins ne craint pas que l’IA soit à l’origine d’une faute professionnelle ou d’une erreur médicale. Un quart des répondants estime même que l’IA ne changera rien en la matière. Les praticiens français sont partagés sur l'intégration de l'IA dans les établissements de santé. La moitié préfère attendre que ces outils fassent leurs preuves avant de les adopter, en raison de la rapidité de leur développement et des changements qu'ils pourraient imposer aux pratiques. Plus de la moitié des hommes (51%) sont en faveur d'une mise en œuvre rapide, tandis que 58% des femmes optent pour une approche plus prudente. Pendant ce temps, un « Agent Hospital » entièrement piloté par l'IA - pour le moment à vocation pédagogique - a été inauguré en Chine, où des agents intelligents gèrent de manière autonome médecins, infirmières et patients.
Pour un cadre éthique et règlementaire
Si les médecins français soutiennent l'intégration de l'IA dans le système de santé, ils appellent à une régulation stricte par l'État et à un cadre juridique. L'adoption du règlement européen IA Acten mars 2024, qui vise à gérer les risques liés à l'IA, va dans ce sens. Cette législation interdit certaines applications à risque élevé et impose des exigences de transparence pour les technologies intermédiaires. En ce qui concerne la tarification des actes réalisés avec l'IA, les praticiens sont divisés : 32% y sont favorables, 28% contre, et 40% restent indécis. Autre point crucial, la cybersécurité constitue une préoccupation majeure pour les médecins face à l'utilisation de l'IA dans les systèmes de santé. Le piratage informatique de plusieurs hôpitaux a renforcé leur méfiance. Beaucoup craignent que l'IA mette en danger la confidentialité des données de santé, doutant de la capacité des autorités à garantir leur sécurité. Certains praticiens soulignent la vulnérabilité des réseaux informatiques français, redoutant à la fois les bugs et les risques de piratage informatique déjà rencontrés par plusieurs hôpitaux et organismes d’exploitation du tiers-payant en France notamment.
Qu’en pensent les patients...?
Enfin, il est intéressant de noter que du côté des patients, dans un contexte de crise du système de santé, ceux-ci semblent prioriser l'accès à un professionnel de santé plutôt que de s'intéresser aux outils utilisés, comme l'IA. Neuf médecins sur dix affirment que leurs patients ne se préoccupent pas de savoir si l'IA est impliquée dans leur prise en charge. Ce désintérêt pourrait découler d'un manque d'information. En réalité, lorsqu'on leur en parle, 53% des patients se disent favorables à l'usage de l'IA, tandis que seulement 15% s'y opposent, une proportion sans doute amenée à évoluer...
Méthodologie Cette enquête a été réalisée sur les réponses de 1077 médecins français, recueillies entre le 1erjanvier et le 14 juin 2024. 60% des répondants étaient des hommes, 40% exerçaient dans un établissement hospitalier, 53% étaient salariés. 71,5% des praticiens travaillaient plus de 35 heures par semaine, 84% étaient âgés de plus de 45 ans et 23% exerçaient en Ile-de-France. Parmi les répondants, 22% étaient des médecins généralistes, 9% des psychiatres, 7% des urgentistes, 6% d’anesthésistes, 5% des cardiologues. Les autres spécialités étaient réparties de manière égale, en moyenne entre 1 et 4%.
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