mardi 7 janvier 2020

c'est à lire: le coup de griffe de Jacques Draussin


Infolettre n° 363
mardi 7 janvier 2020
Contact : Jacques DRAUSSIN jacques.draussin@biensur-sante.com

Un bien joli compte de Noël...

C’est vrai, cette année, on n’espérait guère qu’un seul miracle de Noël, sous forme de trains et de métros retrouvant pour quelques jours leur fonction originelle. Hélas, le lobby des confiseurs, habituellement si puissant en cette saison de fête, n’a pas vraiment donné toute sa mesure et nombre de familles ont dû faire réveillon par procuration pour cause de grève par précaution.

Pas facile, dans ces conditions, de trouver dans l’actualité un sujet joyeux qui nous aurait fait oublier nos turpitudes piétonnières et permis d’écrire quelques lignes tracées d’une plume trempée dans l’enthousiasme scientifique et la confiance en la nature humaine.

Pourtant, on y a cru. Quasiment la veille du 25 décembre, fête de la nativité et donc aussi des enfants, Avexis, filiale biotech du grand laboratoire suisse Novartis, a annoncé une initiative qu’on a cru être, l’espace d’un instant, d’une générosité exceptionnelle.

Il s’agissait de mettre à disposition gratuitement le seul traitement à ce jour permettant de guérir l’amyotrophie spinale (AMS) de type 1, une maladie génétique rare et fatale chez les bébés. Chaque année, 6 000 d’entre eux en sont frappés dans le monde et sont condamnés à une perte graduelle de leurs facultés de se mouvoir, de parler, d’avaler, puis de respirer.

Pourquoi a-t-on cru à un geste de générosité ? Parce que le traitement en question, le Zolgensma, est tout simplement le plus cher du monde : 2,125 millions de dollars la dose. Un prix démesuré mais qui permet de guérir l’AMS infantile via l’administration d’une injection unique.

Hélas, poursuivant un objectif difficile à classer dans la catégorie philanthropie débridée, la filiale de Novartis a annoncé que son offre ne concernerait qu’une centaine de petits malades… et que leur sélection s’effectuerait par tirage au sort !

Sont donc éligibles des bébés de moins de deux ans vivant dans un pays où la thérapie n’est pas encore approuvée par les autorités locales. Une façon comme une autre de forcer la main aux gouvernements qui rechigneraient encore à reconnaître des traitements hors de prix pour des pathologies hors normes.

La technique marketing n’est pas vraiment subtile, elle oscille entre les repas minceur de Bernard Canetti [« On est tellement sûrs que ça va marcher pour vous qu’on est prêts à vous offrir la 1ère dose »] et le classique échantillonnage sélectif dans les zones de chalandise [« L’essayer, c’est l’adopter »].

Si le Zolgensma est incontestablement innovant, on peut quand même se demander si la communication qui l’accompagne en l’occurrence est à la hauteur des espoirs que suscite son efficacité...

Faire de la vie d’un enfant le gros lot d’un sweepstake où les perdants n’auront probablement pas la chance de rejouer n’incite décidément pas à continuer à croire au Père Noël.

Jacques DRAUSSIN

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