mardi 19 mars 2019

C'est à lire : le coup de griffe de Jacques Draussin



Infolettre n° 330
mardi 19 mars 2019Contact : Jacques DRAUSSIN jacques.draussin@biensur-sante.com

Les gynécos et les tricoteuses

C’était la semaine dernière. Le conseil d’administration du Syngof [Syndicat national des gynécologues-obstétriciens de France] envoyait à ses adhérents un mail qu’on a eu du mal sur le moment à ne pas prendre pour une grossière infox.

Quel était le message de ces professionnels de santé dont on espère généralement que la pratique quotidienne est baignée d’empathie pour les femmes qui leur font confiance ? L’expression d’une exigence nettement plus emprunte de l’approche gilet jaune que de l’inspiration blouse blanche : « Pour nous faire entendre du ministère de la Santé[NDLR au sujet d’une revendication concernant le fonds de garantie de la profession], arrêtons la pratique des IVG ».

Ce qui aurait pu passer pour une - grosse – boulette de communication plus ou moins rattrapable avec un communiqué remettant les faits à leur place [par exemple, « C’était un artifice, destiné à attirer l’attention sur nos difficultés d’exercice, etc »], n’était hélas pas une menace en l’air mais un véridique mot d’ordre, parfaitement assumé.

L’actuel et l’ancien présidents du Syngof, Bertrand de Rochambeau et Jean Marty sont en effet connus pour leurs convictions anti-IVG ainsi que pour d’autres déclarations aux accents tout aussi féministes [notamment la défense enthousiaste du « point du mari », consistant à recoudre le périnée suite à une épisiotomie afin de rendre au chef de famille une compagne soigneusement rechapée après accouchement…].

La loi Veil du 17 janvier 1975 autorisant l’interruption volontaire de grossesse a fêté ses 44 ans cette année et le serment d’Hippocrate – interdisant l’avortement – avait déjà été révisé en 1966. Les docteurs Rochambeau et Marty semblent ainsi nous faire faire sans remord une sorte de saut dans l’histoire, aux temps des faiseuses d’anges et des tricoteuses.

Leur vision de la société ne les entraîne d’ailleurs pas si loin dans le passé. Il leur suffit de penser avec nostalgie à l’époque encore proche où l’avortement était déclaré Crime contre la Sûreté de l’État et passible de la peine de mort, sous le régime de Vichy en 1942.

Comme quoi, avec les dirigeants du Syngof, le point Godwin peut sans forcer rejoindre le point du mari.

Jacques DRAUSSIN

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