vendredi 6 février 2015

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Académie nationale de Pharmacie

 

   « Épidémies, vaccinations et société »
 
 
Vendredi 6 février 2015 de 14 h 30 à 17 h 00
Salle des Actes
Faculté des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques
Université Paris Descartes 4, avenue de l’Observatoire Paris 6ème
 
14 h 30     Accueil par      Jean-Luc Delmas, Président de l’Académie nationale de Pharmacie et
                                             Bruno Delmas, Président de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer
14 h 40         Introduction
Pierre Saliou, Président Honoraire de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer
14 h 50     « L’élimination de la rougeole et de la rubéole. Un sujet d’actualité ? »
Liliane Grangeot-Keros, membre de l’Académie nationale de Pharmacie
La rougeole et la rubéole sont généralement considérées comme des maladies infantiles bénignes, mais de nombreuses personnes peuvent être affectées quel que soit leur âge ; de plus, ces deux infections peuvent avoir des conséquences redoutables : en 2013, 147 500 décès liés à la rougeole ont été recensés dans le monde et le nombre d’enfants naissant chaque année avec une rubéole congénitale malformative est estimé à environ 100 000. En France, près de 15 000 cas de rougeole ont été recensés en 2011 et, même si le nombre de cas de rubéole a chuté de façon significative au cours de ces dernière décennies, des cas sporadiques sont rapportés chaque année chez la femme enceinte, dans notre pays. Pourtant, des vaccins sûrs et efficaces contre la rougeole et contre la rubéole ont été mis au point dans les années 60. Ainsi, au cours des campagnes de masse, organisées dans la Région OMS des Amériques, qui ont permis de vacciner plus de 250 millions d’adolescents et d’adultes, aucune manifestation post-vaccinale indésirable grave n’a été constatée. Par ailleurs, la vaccination anti-rougeoleuse a permis d'éviter 15,6 millions de décès entre 2000 et 2013 et la vaccination anti-rubéoleuse à grande échelle, au cours de la dernière décennie, a pratiquement permis d’éliminer la rubéole et le syndrome de rubéole congénitale dans de nombreux pays développés. Cependant, pour diverses raisons, la couverture vaccinale n’est pas optimale et beaucoup reste à faire pour éliminer la rougeole et la rubéole au niveau mondial.
En avril 2012, l’Initiative contre la rougeole de l’OMS– désormais Initiative contre la rougeole et la rubéole – a présenté un nouveau plan stratégique mondial de lutte contre la rougeole et la rubéole pour la période 2012-2020. Ce plan prévoit de nouveaux objectifs mondiaux pour 2015 et 2020 :
-     d’ici fin 2015 :
·       faire baisser le nombre de décès attribuables à la rougeole dans le monde d’au moins 95% par rapport à 2000 ;
·       atteindre, au niveau régional, les objectifs relatifs à l’élimination de la rougeole, de la rubéole et du syndrome de rubéole congénitale.
-     d’ici fin 2020
·       avoir éliminé la rougeole et la rubéole dans cinq Régions de l’OMS au moins.
Malheureusement, sur la base des tendances et des résultats actuels, les experts mondiaux de la vaccination ont conclu que ce plan ne sera pas atteint dans les délais prévus. Pour atteindre les objectifs fixés, il faudrait que les pays et les différents partenaires en matière de vaccination fassent davantage connaître l’objectif de l’élimination de ces infections, surmontent les obstacles à la vaccination et consentent des investissements additionnels substantiels et soutenus pour renforcer les systèmes de santé et parvenir à un accès équitable aux services de vaccination.
 
15 h 20     « L’éradication de la poliomyélite. Un sujet d’actualité ? »
Pierre Saliou, Président Honoraire de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer
En 1980, la certification de l’éradication de la variole avait fait l’éclatante démonstration qu’il était possible de vacciner toute la population du monde. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) préconisa alors un programme élargi de vaccination universel (PEV) des enfants contre les 5 maladies les plus meurtrières dans les deux premières années de vie (tuberculose, tétanos, diphtérie, coqueluche, poliomyélite et rougeole) qui fut mis en place. Dans les années 1980, la véritable euphorie entraînée par l’augmentation exponentielle de la couverture vaccinale dans toutes les régions de l’OMS, incita l’Assemblée Mondiale de la Santé (AMS) de 1988 à lancer l’Initiative mondiale d’éradication de la poliomyélite, bien que cette maladie ait des caractéristiques épidémiologiques qui rendraient cette éradication plus difficile que celle de la variole.
Certes, il existait deux excellents vaccins, le vaccin inactivé injectable (VPI de Salk) et le vaccin vivant atténué oral (VPO de Sabin) qui fut choisi pour cette initiative. La stratégie adoptée fut bien sûr la vaccination systématique des nourrissons dans le cadre du PEV complétée par des journées nationales de vaccination contre la poliomyélite, une surveillance biologique de tous les cas de paralysies flasques aiguës et des campagnes d’immunisation « par ratissage » autour des nouveaux cas confirmés. Les débuts de la campagne furent spectaculaires. De 35 000 cas notifiés (35 0000 estimés) dans 125 pays endémiques en 1988, on passa à 784 cas notifiés dans 7 pays en 2003.
Deux évènements vinrent alors entraver le bon déroulement de cette campagne : d’une part, en 2004, l’appel à la suspension de la vaccination dans l’État de Kano au nord Nigeria par des autorités irresponsables, entraînant une forte poussée épidémique qui diffusa dans 14 pays africains n’enregistrant plus de cas et, d’autre part, l’apparition dès 2000, mais surtout à partir de 2005, de formes paralytiques dues à des poliovirus résultant de la recombinaison dans la nature de virus vaccinaux avec d’autres entérovirus.
Lors de l’AMS de 2007, une résolution demandant l’intensification des efforts d’éradication a été adoptée, sans date précise pour atteindre l’objectif. Cette intensification a porté ses fruits. En 2012, il ne restait plus que 3 pays d’endémie, le Nigéria, le Pakistan et l’Afghanistan contre 125 en 1988. Fin 2014, seulement 416 cas au total ont été déclarés à l’OMS.
Mais pour atteindre l’éradication plusieurs arguments militent pour un abandon progressif du VPO, en particulier afin d’éviter l’émergence de nouveaux virus pathogènes dérivés des souches vaccinales, et son remplacement progressif par le VPI partout dans le monde, parfaitement immunogène, pouvant être incorporé dans des vaccins combinés et dont le coût est devenu très abordable.
Malgré toutes les difficultés, l’éradication de la poliomyélite est possible. De nouveaux engagements financiers ont été pris récemment et la date de 2018 pour atteindre l’objectif est maintenant avancée par l’OMS.
15 h 50     « D’où viennent les maladies émergentes ? » 
François Rodhain, membre de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer, 4ème section (Sciences)
Les émergences de maladies infectieuses paraissent, à nos yeux, plus fréquentes qu'autrefois ; elles constituent aujourd'hui, pour les responsables de santé publique humaine ou animale du monde entier, une préoccupation majeure. Aussi est-il important d'en comprendre l'origine et les mécanismes, ainsi que le rôle joué par l'homme dans la survenue brusque et généralement imprévue de ces phénomènes épidémiologiques.
Toute discussion sur les facteurs en cause suppose que soit, au préalable, défini ce qu'il convient d'entendre par "maladie émergente". Pour la plupart – pour toutes peut-être – les maladies infectieuses émergentes trouvent leur origine dans le monde animal, notamment dans la faune sauvage. Dès lors, un certain nombre de conditions doivent être réunies pour qu'une émergence potentielle "réussisse" : présence préalable ou introduction de l'agent infectieux dans la région considérée, possibilités de franchissement de barrières d'espèce, conditions bioclimatiques favorables, présence d'hôtes adéquats réceptifs, éventuellement présence de vecteurs, etc. pour que puisse se réaliser un cycle de transmission. Ceci nous amène à replacer la maladie infectieuse dans son contexte naturel ; il s'agit avant tout d'une question d'écologie.
À l'origine d'une émergence se trouve un évènement biologique ponctuel et localisé, concernant soit un micro-organisme infectieux (apparition d'un variant par mutation, franchissement d'une barrière d'espèce, bio-invasion, …), soit un éventuel vecteur (apparition d'un variant par mutation, bio-invasion, …), soit encore un hôte vertébré amplificateur ou réservoir (pullulation soudaine, bio-invasion naturelle ou anthropique, …).
Si, à cet endroit et à ce moment, les conditions s'avèrent favorables, on peut assister à une amplification et à une circulation de l'agent infectieux ; un foyer de transmission s'installe, plus ou moins localisé. Peut ensuite survenir une dissémination régionale, voire mondiale. Il est heureusement rare que ces trois étapes soient franchies (les échecs, nombreux, nous demeurent généralement inconnus) mais on perçoit bien l'importance d'une détection aussi rapide que possible pour que l'on puisse intervenir avec des chances de succès.
Il existe certainement de nombreux virus, parasites, bactéries circulant à notre insu dans la nature, en attente de circonstances permettant leur émergence ; le plus souvent, ces circonstances résultent des activités humaines (altérations des milieux naturels, urbanisation, développement des transports et des échanges commerciaux, accroissement démographique et changements de mode de vie, etc.), aboutissant à des écosystèmes nouveaux. Nous nous trouvons là dans un contexte bioclimatique mais aussi dans un contexte social, économique et politique. D'autre part, le phénomène de l'émergence est par essence multifactoriel ; il est le résultat d'une conjonction de facteurs.
Il faut reconnaitre que nous sommes face à des systèmes biologiques extrêmement complexes et que, malheureusement, un grand nombre de ces facteurs nous sont encore inconnus tant est grande notre ignorance en matière d'écologie et de génétique des micro-organismes infectieux. Parmi les facteurs d'émergence identifiés, certains demeurent hors de notre portée ; d'autres, en revanche, nous sont accessibles et devraient nous guider dans l'élaboration de plans de prévention.
L'attitude à adopter face aux émergences de maladies infectieuses consiste à associer une surveillance épidémiologique permanente, sensible et fiable, une communication rapide grâce à des réseaux d'alerte mondiaux performants et l'élaboration de plans d'action pré-établis pour des interventions ciblées. Pour ce faire, il est indispensable de renforcer notre effort de recherche, en particulier dans les domaines de l'écologie et de la génétique
16 h 30     « La vaccination, créatrice de lien social »
François Chast, Président Honoraire de l’Académie nationale de Pharmacie
La notion de lien social est aujourd’hui inséparable de la conscience que les sociétés ont du lien solidaire qui peut se créer entre les citoyens. La protection sociale fondée sur la solidarité est ainsi devenue le pendant d’une approche individuelle, la protection sanitaire et correspond à un contrat tacite qui lie l’individu à la société comme un tout, notion aujourd’hui présentée comme le « vivre ensemble ».
De ce point de vue, aucun chapitre de la thérapeutique n’a tant fait pour harmoniser les rapports entre l’individu et la société que la vaccination, non seulement parce qu’elle réduit la morbidité et la mortalité, notamment infantiles, mais aussi parce qu’elle place l’individuel et le collectif au centre d’un débat de responsabilité réciproque.
Le développement scientifique et industriel des vaccins, imaginé par Louis Pasteur fut, à la fin XIXème siècle, prémonitoire d’une interaction sociale déterminée. La souscription nationale destinée à « créer un établissement vaccinal contre la rage », permit d'établir sans aucune ambiguïté, un lien fort entre une nation prompte à s’enflammer et un objectif sanitaire décrit avec simplicité. La survie des premiers rescapés de la rage suffit à la République naissante pour "Panthéoniser" Pasteur et donner à la vaccination une image populaire de réussite de la science mise au profit des plus humbles. La République, déterminée à s’engager dans ce qu’on appelait encore la santé publique, s'autorisa, sans se poser d'inutiles questions, à rendre obligatoire le vaccin antivariolique, en 1902. 
La découverte des anatoxines diphtériques, tétaniques a permis à la pédiatrie moderne de fonder, avant la Seconde Guerre mondiale, le principe de la prévention des maladies infectieuses par une vaccination extensive des enfants à un moment où les antibiotiques n’avaient pas encore fait leur apparition. Mais alors que ceux-ci voyaient le jour au milieu du XXème siècle, de nouveaux vaccins entreprenaient, à partir des années 1950, une fructueuse croisade contre les maladies virales : poliomyélite, rougeole, oreillons, rubéole et grippe. 
La IVe République, marquée par la reconstruction d’un pays fragilisé par Guerre, inscrivit l’obligation de vacciner dans une politique globale de santé publique dont la source légale pourrait être l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946 : « garantir à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé. »
Ces dernières années, une communication officielle parfois défaillante, des professionnels de santé souvent hésitants, des médias prompts à dénoncer un « système de lobbys industriels », se conjuguent pour égratigner l’image de la vaccination, comme les spéculations autour des adjuvants ou d’hypothétiques effets indésirables. Cette contestation bruyante contraste singulièrement avec la recherche (vainement attendue) de nouveaux vaccins permettant l’éradication des maladies ayant émergé ces dernières décennies : VIH, hépatite C, et plus récemment Ebola. Aucune approche pharmacologique n’aura autant fait que les vaccins pour traiter ou prévenir les maladies infectieuses et gommer les inégalités sociales ou culturelles face à certaines maladies. Malheureusement, il n'existe pas de vaccination pour prévenir les opinions publiques de la bêtise ou de l'obscurantisme, et les guérir des attitudes irrationnelles ou idéologiques face à la prévention des maladies infectieuses
16 h 50     Conclusions
17 h 00                            Clôture par           Bruno Delmas, Président de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer et
                                             Jean-Luc Delmas, Président de l’Académie nationale de Pharmacie
                                            

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